Je commencerai par rappeler l'état d'esprit dans lequel nous avons pris part aux États généraux de l'alimentation (EGAlim). Le monde agricole traverse un contexte de crises récurrentes, dans la production comme dans la transformation. Les exploitations sont touchées par des mutations et des difficultés économiques, tandis qu'une guerre des prix fait rage depuis de nombreuses années entre les enseignes de la grande distribution. Des centrales d'achat se sont regroupées afin d'imposer des baisses de prix aux transformateurs. En bout de chaîne, les producteurs en pâtissent.
Nous avons consacré une grande énergie aux États généraux de l'alimentation (EGA), et avons réuni toutes nos forces pour relever le défi que le Président de la République nous a lancé à cette occasion. Nous nous sommes promis de respecter la Charte d'engagement pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agroalimentaires françaises. Ont suivi la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGAlim, ainsi que des ordonnances.
Les agriculteurs placent de grands espoirs dans ces États généraux. Le réseau Jeunes agriculteurs s'est pleinement engagé pour défendre cette démarche, jusque dans les départements, et sera très attentif à la mise en oeuvre de ses résultats. Nous espérons en constater des retours positifs pour nos exploitations. Les négociations qui ont eu lieu ces dernières semaines avec la grande distribution en donneront de premiers indices.
Les ordonnances qui paraissent depuis quelques semaines semblent aller dans le bon sens. L'enjeu n'est pas anodin, puisqu'il s'agit d'inverser la logique de destruction de valeur qui sévit depuis quarante ans dans nos exploitations.
Nous ne sommes pas présents dans les box de négociation. Seuls y prennent part les transformateurs de nos produits et les distributeurs. Nous avons besoin de connaître les demandes qu'ils formulent lors de ces négociations, afin de comprendre comment la valeur créée dans nos exploitations est répartie entre les maillons de la chaîne. Aujourd'hui, nous n'en avons que des retours indirects de la part de coopératives et d'industriels. L'Observatoire des négociations commerciales nous donne néanmoins une idée plus précise de ces discussions.
Notre intention n'est aucunement de stigmatiser des acteurs en particulier. Nous sommes conscients de contribuer à une chaîne de valeur. Nous sommes toutefois soumis à des coûts de production que nous demandons aux interprofessions de défendre. Certaines les ont pris en compte, dans le lait ou la viande, mais nous peinons à porter cette logique jusqu'à son terme. Or, pour qu'une chaîne fonctionne, aucun de ses maillons ne doit faillir. C'est tout le problème actuel : un maillon se grippe, et la dynamique s'enraye. En bout de chaîne, lorsqu'un consommateur achète un produit, il doit savoir que celui qui l'a élaboré est correctement rémunéré. C'est une condition nécessaire pour bénéficier d'une alimentation de qualité, durable et en quantité suffisante. Tel est l'état d'esprit qui nous a portés lors des États généraux.
Un dernier maillon de la chaîne est très important à nos yeux : l'État, qui a pour rôle d'élaborer les lois, de les faire appliquer et d'imposer des sanctions dissuasives pour ceux qui seraient tentés de les contourner.
Les agriculteurs doivent peser d'un juste poids dans les négociations, afin que leurs produits soient valorisés équitablement. Notre réseau a compris qu'il s'agissait d'un travail de longue haleine. Nous avons fait preuve de patience, mais nous ne sommes pas prêts à tout accepter. Les distributeurs et les transformateurs doivent en être conscients. Nos adhérents sont mobilisés et attendent des résultats dès à présent, maintenant que les négociations commerciales sont closes.