Intervention de Baptiste Gatouillat

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 9h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Baptiste Gatouillat, vice-président de Jeunes agriculteurs :

Madame Leguille-Balloy, les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont redoublé d'annonces médiatiques au sujet du lait, assurant que des accords avaient été trouvés avec les industriels et que les coûts de production se traduiraient dans le prix de vente. Les coopératives comme les industriels – en l'espèce, Sodiaal et Lactalis – doivent répercuter le prix sur les producteurs. Or, dans une filière qui ne compte que deux grands acteurs, chacun attend que l'autre annonce son prix pour s'aligner. C'est un véritable problème dans cette filière. Les agriculteurs ne l'admettent plus.

Les petites laiteries qui relèvent d'appellations d'origine contrôlée profitent d'une plus-value qui leur permet de mieux se rémunérer. Ce n'est pas le cas dans la grande consommation. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin que les coûts de production soient pris en compte dans les contrats. Les contrats tripartites sont une pratique intéressante. Peut-être n'arriverons-nous pas à les mettre en oeuvre dans tous les domaines, mais ils doivent servir de base à une meilleure valorisation du prix du lait pour le producteur. Rassurez-vous, même si les 1 000 litres de lait sont payés 40 euros au producteur, cela n'entraînera pas une flambée des prix en magasin ! D'aucuns affirment que cela renchérira le prix final de 10 %. Il n'en sera rien. D'ailleurs, lorsque le prix du lait payé au producteur baisse, le prix de la bouteille, lui, ne diminue pas en grande surface. La marge bénéficie soit au transformateur, soit aux GMS. Nous avons besoin de transparence à cette étape.

La question du lait est particulièrement médiatique, et occulte parfois les baisses de prix de l'ordre de 4 % à 6 % que subissent d'autres filières.

L'une de nos premières propositions, monsieur le rapporteur, est d'appliquer la loi. Les sanctions doivent être appliquées de façon rapide et marquée, sans attendre un ou deux ans.

Trop de temps s'est écoulé avant que Lactalis soit condamné pour ne pas avoir fait la transparence sur ses comptes. En définitive, le sujet n'a pas fait grand bruit. Vous avez un rôle à jouer en la matière, et je me réjouis d'entendre que vous vous mobilisez. Si la loi était réellement appliquée, la situation pourrait déjà évoluer grandement.

Les coopératives ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles constituent le dernier maillon de nos exploitations, notre organisation ultime de producteurs ultime. Nous y détenons des parts sociales. Elles nous appartiennent donc, et nous devons pouvoir garder la main vis-à-vis d'elles. Nous avons besoin que la transparence y soit de mise. Jeunes agriculteurs incite ses adhérents à se rendre dans les assemblées générales et à demander des explications, par exemple sur la construction du prix du lait. Il est assez facile de savoir ce qu'il en est pour le lait destiné à l'exportation. Sur le marché donnant lieu à une création de valeur ajoutée, via des marques notamment, nous devons obtenir davantage de précisions. Les coopératives doivent expliquer leurs choix à leurs adhérents : politique d'exportation, investissements pour préparer l'avenir… Jeunes agriculteurs est attaché aux valeurs mutualistes et coopératives, et a besoin d'une transparence de ses entreprises. Les coopératives semblent prendre conscience qu'elles doivent mieux communiquer sur leur stratégie. Les ordonnances portant sur la coopération y contribuent.

Madame Do, il serait difficile d'identifier un maillon unique qui ne jouerait pas le jeu. Dans certaines filières, la responsabilité est partagée par les transformateurs et les GMS. En conséquence, le producteur ne sait s'il doit solliciter un relèvement des prix auprès des premiers ou des secondes. Dans la chaîne de valeur, le transformateur connaît nos coûts de production. En revanche, nous ne connaissons pas le coût de production du transformateur et des GMS. La grande distribution capitalise sur quarante ans d'optimisation des magasins, et fait preuve d'une transparence toute relative. Le système est très opaque. Pour notre part, nous connaissons et publions le coût de production d'une tonne de blé, d'un litre de lait ou d'un kilo de viande. En définitive, nous sommes les acteurs les plus transparents et pourtant les moins rémunérés. Nous avons besoin de la loi pour que les filières identifient le maillon qui dysfonctionne et rétablissent la juste valeur. Imaginons que la grande distribution nous communique le contrat qu'elle a passé avec un transformateur, dans lequel elle s'engage à payer 400 euros les 1 000 litres de lait. Si un montant de 320 euros nous a été proposé, nous pourrons dénoncer un prix de cession abusivement bas. L'ordonnance doit alors être appliquée. L'organisation de producteurs (OP) ou le producteur doivent se saisir de l'outil juridique, comme le font les GMS et les transformateurs dans les négociations commerciales. Certes, cela prendra du temps. Nous nous efforcerons d'être patients. Cela fait toutefois trente ans que nous attendons. Deux ans se sont déjà écoulés depuis les États généraux de l'alimentation. Sachant qu'ils ne perçoivent pas de revenu depuis plusieurs années, les producteurs ne peuvent pas être taxés d'impatience, loin de là.

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