Nous voici en dernière lecture de cette proposition de loi, alors que nous avons déjà eu beaucoup de débats. Les points d'accord et de divergence entre nous sont connus. Nous regrettons de ne pas avoir pu conclure en CMP, même si nous sommes passés tout près d'un accord, probablement à cause de la gouvernance – je laisserai M . Saddier évoquer ce point.
Permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, chère Jacqueline Gourault, pour la qualité de nos échanges. Nous connaissons tous votre engagement pour les territoires et pour la ruralité, attesté par ce texte et d'autres. Vous avez démontré votre pragmatisme pour nos territoires.
À l'évidence, l'objectif est unanimement partagé : l'État doit mieux accompagner les collectivités dans leurs projets. Nous avons trop souvent l'impression que l'administration freine les initiatives plutôt qu'elle ne les encourage, allonge les délais plutôt qu'elle ne les réduit, tance les élus plutôt qu'elle ne les conseille. Il en résulte – nous le mesurons chaque jour dans nos départements – un vrai découragement des élus. De nombreux maires ne veulent pas se représenter aux prochaines élections municipales. Ils n'en peuvent plus des difficultés à gérer leur commune, du poids des responsabilités, de l'asphyxie financière.
Dans ce contexte, il faut changer l'état d'esprit des services déconcentrés de l'État. Ils ne sont pas là pour gêner les acteurs locaux mais bien pour les aider. L'Agence nationale de la cohésion des territoires ne doit pas être un énième interlocuteur qui s'ajoute aux autres. Elle ne doit pas se transformer en usine à gaz. Or, là est notre crainte. Nous craignons qu'il ne soit obligatoire d'inclure des programmes nationaux territorialisés dans chaque projet de territoire ou encore que l'agence ne se tourne un peu plus vers les métropoles que vers les territoires ruraux. Nous craignons également une forme de recentralisation. Tout cela ne va-t-il pas compliquer les choses plutôt que de mettre du liant ? C'est la question qu'on est en droit de se poser.
Les réserves des Républicains sur le texte, outre sur la gouvernance, porte sur quatre points que je souhaiterais rappeler brièvement. Le premier est celui des compétences de la future agence. Bien que l'article 2 s'apparente plutôt à un inventaire à la Prévert, beaucoup de choses ont néanmoins été oubliées. N'aurait-il pas mieux valu donner tout simplement une orientation politique ? En commission, j'ai pris l'exemple des problèmes d'inondation. Dans ce domaine, les communes rurales auraient besoin d'ingénierie. Je parle volontairement des petites communes parce qu'il faut afficher une vraie priorité en direction de la ruralité. Ces petites communes n'ont ni le personnel, ni les services, ni les moyens techniques et financiers nécessaire pour porter des projets. C'est pour elles que cette agence doit être créée. Nous aimerions que vous le réaffirmiez.
Notre deuxième réserve porte sur le financement. À ce stade, il est naturellement un peu flou. Il faudra attendre la loi de finances pour connaître les crédits affectés. Nous le répétons avec force : ces crédits ne pourront en aucun cas être pris sur ceux des collectivités locales, lesquelles ont déjà subi ces dernières années une baisse considérable de leurs dotations.
Notre troisième remarque porte sur les agences d'ingénierie mises en place par les conseils départementaux, lesquelles rencontrent un vrai succès. L'atout des départements, c'est qu'ils sont en phase avec le terrain et connaissent bien leur territoire. Ils ont déjà des équipes opérationnelles pour assumer efficacement des missions d'ingénierie. C'est pourquoi, plutôt que de créer une agence nationale, nous pensons que la véritable audace aurait été de généraliser ces agences et de les interconnecter avec l'État. L'ANCT devra pouvoir travailler avec chaque agence dans chaque département.
Notre dernière remarque porte sur la réserve citoyenne de cohésion des territoires. À ce stade, son principe de fonctionnement reste flou. N'oublions pas que les volontaires qui s'engagent pour les territoires ont un nom – et un seul : ce sont les élus locaux. Dans nos villages, ils travaillent bénévolement. Ils ne comptent pas leur temps. Ils ne ménagent pas leur peine. Ils jouent un rôle absolument décisif pour nos communes et pour la vie de nos territoires.
Chers collègues, vous le voyez, nous n'avons pas d'opposition de principe à la création d'une agence nationale de la cohésion des territoires mais plutôt des inquiétudes sur la façon dont elle trouvera place dans le paysage institutionnel. Si elle est un interlocuteur supplémentaire, ce sera un mauvais départ. Si elle s'impose comme un vrai facilitateur, un guide dans le labyrinthe des normes et des procédures, alors elle fera oeuvre utile. Soyez certaine, madame la ministre, que nous serons alors les premiers à nous en réjouir.