Je dirai quelques mots à propos de la déontologie.
Tout d'abord, je m'associe aux différents remerciements qui ont été adressés aux acteurs des échanges sur ce sujet fondamental. Je suis heureux, avec le Gouvernement, de constater que, sur un tel dossier, les clivages partisans peuvent être très largement dépassés, au-delà des discussions que nous aurons sur un certain nombre d'ajustements.
Il me semble essentiel d'insister sur les avancées contenues dans le projet de loi.
La première, à mon sens, est majeure : c'est la création du contrôle au retour ou à l'entrée. Le contrôle au retour, qui n'existait pas jusqu'à présent, concerne celles et ceux qui étaient passés dans le secteur privé puis reviennent dans l'administration, n'existait pas. Nous prévoyons également un contrôle à l'entrée : l'ouverture d'une possibilité de recrutement de contractuel pour un emploi de direction – lorsque celui-ci présente un risque en matière de déontologie – doit être précédée et accompagnée d'un examen de la situation déontologique des personnes.
Le deuxième progrès porte sur la publicité des avis, chère à nombre d'entre vous. Nous aurons l'occasion d'y revenir de manière opportune, non pour la restreindre mais pour veiller, conformément à ce que nous avons toujours dit depuis le début de la discussion, à ce qu'elle soit systématique en cas d'avis suivi d'une nomination effective.
J'ai eu l'occasion de le dire en commission : lorsqu'un agent public ou un élu – puisque la nouvelle autorité couvrira les deux champs – sollicite une autorité de déontologie pour savoir s'il peut occuper un poste ou y être nommé dans telle ou telle structure, si l'avis est défavorable et que la personne le respecte, je pense, et nous sommes sans doute nombreux dans ce cas, qu'il n'y a pas lieu de rendre publique sa démarche de précaution ni les intentions qui ont été les siennes. De même, lorsque l'avis est favorable mais que la nomination n'a pas lieu, soit que le candidat ait renoncé au poste, soit qu'il n'ait pas été retenu à l'issue d'une procédure de sélection, il n'y a pas lieu de le rendre public, donc de compromettre la personne par la publication d'une intention qui n'a pas été suivie d'effet.
Cela fait partie des avancées consensuelles pour pouvoir cheminer ensemble.
Je tiens par ailleurs à souligner deux points. Premièrement, il existe une volonté assez partagée, me semble-t-il, de réviser le périmètre des postes faisant l'objet d'un contrôle systématique par la Commission de déontologie de la fonction publique, à l'aune de son bilan depuis 2016 et en nous concentrant sur les postes à risque, afin que nous disposions d'un avis approfondi. Deuxièmement, je précise, en écho aux propos de Mme Karamanli, que, pour tous les postes exclus de ce contrôle systématique, tant pour la sortie que désormais pour l'entrée, le supérieur hiérarchique pourra saisir la commission s'il le juge utile, afin de protéger et de conforter le processus en cours.
Je souhaite en outre souligner la force de conviction des parlementaires. En effet, nous avons travaillé à partir de la préconisation du rapport de M. Matras et M. Marleix. Sans évidemment vouloir minorer l'apport du second à un rapport codirigé et, vous l'avez rappelé, adopté à l'unanimité de la commission, nous avons peut-être discuté plus singulièrement, depuis plusieurs mois, avec le premier, et nous sommes parvenus, avec les amendements que vous avez adoptés en commission, à ce que la Commission de déontologie, quel que soit le process, acquière le statut d'autorité administrative indépendante. C'était là une volonté partagée, forte, que nous pouvons concrétiser.
À l'issue de ces travaux, nous aurons donc fait du chemin et, je crois, progressé.
La commission des lois a adopté des amendements posant le principe de la fusion de la HATVP et de la Commission de déontologie de la fonction publique avec le maintien de deux collèges en son sein. Je le dis d'emblée : telle n'était pas l'intention première, loin s'en faut, du Gouvernement ; nous pensions qu'il était utile de renforcer la seconde mais pas nécessairement de procéder à une fusion.
Le Parlement étant évidemment souverain et ayant fait valoir des arguments de valeur, nous en sommes à la situation que vous connaissez. Je sais, et cela a été salué, qu'un travail transpartisan a été mené pour que des amendements identiques soient déposés, afin de franchir des étapes supplémentaires. Le Gouvernement a quant à lui déposé un certain nombre d'amendements et de sous-amendements sur ces dispositions.
Tout à l'heure, Mme Vichnievsky disait que la déontologie et finalement l'exemplarité, la transparence, appartiennent à tous les groupes de l'Assemblée. C'est vrai. Elles appartiennent aussi au Gouvernement et à l'ensemble de celles et ceux qui sont intéressés par l'intérêt général et l'exemplarité de la vie publique.
Nous avons quelques divergences ou désaccords à propos d'un certain nombre de propositions parlementaires – cinq, principalement, sur lesquels je souhaite revenir puisqu'ils recoupent les sous-amendements que nous avons déposés.
Le premier concerne la composition de l'autorité indépendante que vous souhaitez créer par ces amendements, avec six magistrats – comme pour la HATVP aujourd'hui – et six personnalités qualifiées, dont trois nommées par le Sénat et trois par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement défend quant à lui le principe que, sur les six personnalités qualifiées, deux soient nommées par l'Assemblée, deux par le Sénat et deux par le pouvoir exécutif. En effet, outre que le Premier ministre est le chef de l'administration, les agents concernés relevant de facto de sa compétence, une telle participation à la nomination est logique.
La deuxième nuance, que je crois très largement surmontable, touche à la publicité des avis. Par un sous-amendement, nous proposons de la rendre effective pour les seuls avis suivis d'une nomination. Les discussions que nous avons eues me rendent relativement optimiste en l'occurrence.
Troisième point de divergence ou de nuance : pour celle et ceux qui relèveront de la partie déontologie de la nouvelle autorité, vous proposez un certain nombre de sanctions de nature pénale. Nous considérons quant à nous que la fixation de sanctions disciplinaires suffisamment fortes et exemplaires constitue une étape majeure et nous ne souhaitons pas, a priori, aller jusqu'à des sanctions pénales, de crainte que la volonté de très bien faire qui anime tout le monde ne se traduise par un blocage, y compris pour des mobilités opportunes. Or, si nous cherchons, les uns et les autres, à prévenir des mobilités inopportunes, voire indécentes, nous voulons aussi favoriser celles qui ne le sont pas.
Quatrième divergence ou nuance : les modalités de nomination ou de désignation des magistrats issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. Le Gouvernement, par souci de lisibilité, considère que leur nomination par les trois présidents de ces instances serait plus efficace que leur élection ou désignation par leurs assemblées ou telle ou telle partie de ces dernières.
Cinquièmement, enfin, pour l'examen d'un certain nombre de dossiers relatifs à la déontologie, nous proposons que la nouvelle autorité puisse réunir une formation spécialisée avec un périmètre plus restreint de trois magistrats et de trois personnalités qualifiées, avec la participation de ce que l'on qualifie parfois – vous me pardonnerez ce langage un peu schématique – de personnalités dites « de versants » pour apporter leur éclairage spécifique sur les dossiers concernés.
Voilà les cinq points sur lesquels, je le répète, soit nous sommes nuancés, soit nous voulons apporter des compléments et parfois, soit aussi – je sais que c'est en particulier le cas sur la question de la formation spécialisée – nous divergeons avec l'appréciation portée par les parlementaires sur la meilleure façon de parvenir au système le plus juste, le plus efficace, le plus rigoureux et le plus exemplaire possible, sans créer de sources de difficultés, de blocages, d'embolies préjudiciables à la mobilité mais aussi à un fonctionnement aussi optimal que possible de la nouvelle autorité indépendante.
J'en termine, monsieur le président.
Au-delà de ces divergences, sur lesquelles nous serons amenés à revenir lors de la discussion des amendements et des sous-amendements, il s'agit, je crois, d'un bel exemple de coconstruction, laquelle s'inscrit parfois dans une forme de rapport de force – ce qui, en soi, n'est pas négatif ni nuisible, puisque cela fait aussi partie de la politique, de la discussion et du travail de conviction.
J'ajoute que deux engagements ont été tenus.
Le premier, pris par Mme la présidente de la commission des lois, rapporteure de la loi pour la confiance dans la vie politique de juillet 2017, selon lequel une suite serait donnée aux interpellations de différents groupes parlementaires pour faire en sorte d'y donner suite. Cela s'est traduit par une mission parlementaire confiée à Fabien Matras et Olivier Marleix.
Le second, partagé dorénavant, je crois, par l'ensemble des groupes qui se sont exprimés et par le Gouvernement, de faire en sorte que nous puissions avancer, chaque fois que nécessaire et que possible, unanimement ou au moins dans un large consensus, et aussi parfois, je le répète, en défendant des options différentes, ce qui relève aussi du débat. Je suis heureux que s'ouvre la discussion que nous allons avoir dans les heures à venir.