Comme vient de le souligner Fabien Matras, il n'y a pas, aujourd'hui, de suivi des avis de la commission de déontologie, ce qui réduit à néant la portée de ceux-ci. En clair, il n'y a que le fonctionnaire lui-même qui dispose des informations sur ce qu'il n'a pas le droit de faire ; libre à lui de pactiser ensuite avec sa conscience. En théorie, son administration en est informée, mais les chefs de corps et secrétaires généraux de ministères destinataires de ces avis nous ont tous dit, sans exception, qu'ils ne faisaient pas la police et ne vérifiaient pas s'ils étaient respectés. Cette situation est quand même préoccupante.
La publicité des avis permettra d'y remédier, mais ce que propose Fabien Matras à travers son amendement va encore plus loin, puisqu'il s'agit d'obliger l'agent à rendre compte de ses actes et à déclarer qu'il respecte bien les prescriptions de la Haute Autorité.
Le Gouvernement a déposé un sous-amendement qui vise à limiter à trois ans la durée de cette obligation de rapport. Cela me gêne beaucoup, car je perçois, derrière, l'envie de l'administration de réduire la portée du contrôle que nous tentons de lui imposer. Le problème, c'est qu'aujourd'hui les prescriptions de la commission de déontologie ne portent pas sur trois ans. Elles restent valides aussi longtemps que dure la disponibilité, ce qui peut aller jusqu'à dix ans ; dans le cas d'une démission, cela peut durer encore plus longtemps. Sous-entendre que l'agent ne serait lié que pendant trois ans me paraît poser problème.
Je sais bien qu'en retenant cette durée, vous souhaitez aligner le dispositif sur celui applicable en cas de prise illégale d'intérêts. Or la situation est bien différente. La prise illégale d'intérêts est une faute pénale ; il ne s'agit plus, là, d'une demande de rapport, il s'agit d'une sanction, qui peut faire suite à un cas de conflit d'intérêts ou de trafic d'influence. Le champ couvert par la disposition dont nous parlons va bien au-delà. Limiter cette obligation de rapport à trois ans, alors même que les prescriptions qui s'y rapportent s'étendent sur une plus longue durée, me pose, à titre personnel, problème.
Je sais aussi, monsieur le secrétaire d'État, qu'en instituant une telle obligation formelle, on crée une contrainte pour les fonctionnaires à qui l'on demande de rendre compte annuellement qu'ils respectent bien les prescriptions de la Haute Autorité. Leur demander de faire cela pendant cinq, six ou sept ans peut certes paraître long et pénible. Toutefois, il convient de veiller à ce qu'il n'y ait pas de malentendu ; on pourrait, en effet, laisser croire qu'il faut respecter les prescriptions pendant trois ans et qu'après on pourrait s'asseoir dessus – ce qui serait, pour le coup, un vrai recul par rapport à l'état actuel du droit. C'est pourquoi je propose, dans mon sous-amendement, de porter cette durée à cinq ans. Cela me paraît raisonnable ; on peut supposer qu'ensuite la pédagogie aura fait son oeuvre et qu'on aura bien intégré le respect des obligations déontologiques.
Quoi qu'il en soit, ce que j'attends de vous, monsieur le secrétaire d'État, c'est que vous soyez très clair sur le fait que ce que vous souhaitez limiter à une durée de trois ans, c'est l'obligation de rendre compte, et non le respect des prescriptions de la Haute Autorité.