Je regrette que le secrétaire d'État se contente de cette formule sur un sujet aussi important. Permettez-moi de donner une illustration qui en montrera l'ampleur.
J'ai eu l'honneur de présider la commission d'enquête de notre assemblée sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle, dont le champ central d'investigation portait sur le cadre dans lequel le ministre de l'économie, chargé par la loi du contrôle des investissements étrangers en France, prend ses décisions. J'avoue que j'ai été stupéfait d'entendre la réponse du représentant d'une grande banque d'affaires, qui avait gagné plusieurs dizaines de millions d'euros à l'occasion d'une certaine vente dépendant uniquement de la signature du ministre en question, à la question de savoir s'il était inscrit au répertoire des représentants d'intérêts : il m'a récité le décret du 9 mai 2017, concluant qu'il n'était pas concerné puisqu'il n'exerçait pas d'action à titre principal ou régulier, telle que définie par ledit décret. C'est absolument sidérant !
Au cours de l'examen de la loi Sapin 2, j'avais demandé au ministre de l'économie et des finances, Michel Sapin précisément, si un banquier d'affaires faisant du lobbying sur une opération de contrôle d'investissements étrangers pour obtenir la signature du Gouvernement serait considéré comme représentant d'intérêts. « Évidemment ! », m'avait-il répondu. Résultat, ce n'est pas appliqué parce que les termes de la loi Sapin 2 sont flous et que la rédaction du décret qui a dû être pris est elle-même floue, ce qui permet au lobbying occasionnel de passer sous les radars.
On pourra continuer à créer toutes les formes de HATVP et imposer un répertoire des représentants d'intérêts – certains grands chefs d'entreprise ont joué le jeu, Martin Bouygues a été un des premiers à s'y inscrire, suivi de bien d'autres – , mais si certains peuvent s'en considérer comme dispensés parce qu'ils font moins de dix entrées en relation, cela me paraît extrêmement grave. Une fois encore, le législateur a voulu définir très précisément ceux qu'il exonérait des obligations auxquelles sont soumis les représentants d'intérêts : ils relèvent des cinq catégories que j'ai rappelées. Et dans cette liste, il n'y a pas les banquiers d'affaires ni les cabinets d'avocats ! Je peux comprendre que vous n'ayez pas encore mesuré l'ampleur du sujet, mais il est suffisamment sérieux pour que le Gouvernement s'y attelle et ne cautionne surtout pas le système en vigueur.