M. Paluszkiewicz a conclu son intervention en paraphrasant la première Catilinaire de Cicéron : jusqu'où nos impatiences peuvent-elles aller ? Je commencerai la mienne pas cette question : jusqu'où iras-tu donc, Conseil européen ? Le compte rendu qui nous a été transmis, en effet, est un modèle du genre. Qu'une telle réunion du Conseil puisse se tenir à deux mois des élections européennes est assez édifiant – à moins que je n'aie fait de ce document une lecture trop rapide. Au moins aurait-il été possible en de nombreuses occurrences de poser la question du socle européen des droits sociaux ; or je ne l'ai vu mentionné nulle part. Il y est question de politique industrielle, de concurrence loyale sur le marché unique, de protection des consommateurs ou encore de distorsions du marché unique mais pas une fois – pas une fois ! – du socle européen des droits sociaux. Pour moi, c'est gravissime. Je comprends que la question n'est pas abordée à chaque réunion du Conseil européen, mais a-t-elle seulement été évoquée ? Si oui, pourquoi n'apparaît-elle pas dans le compte rendu ?
Vous avez répondu par anticipation à ma deuxième question, madame la secrétaire générale, et, à votre réponse, j'ai bondi. Le Conseil européen « souligne qu'il est important que l'Union européenne présente d'ici à 2020 une stratégie à long terme ambitieuse visant à atteindre la neutralité climatique conformément à l'Accord de Paris, tout en tenant compte des spécificités des États membres et de la compétitivité de l'industrie européenne » : nous voilà mal barrés ! Ce passage a déclenché chez moi une réaction assez vive, qu'ont d'ailleurs partagée certains collègues. Vous avez donc répondu par anticipation à ma colère rentrée en évoquant les blocages de certains pays. Je ne m'en étonne pas, puisque l'Allemagne a soutenu la Pologne sur ces questions. Au lendemain de la création de notre Assemblée parlementaire franco-allemande, il se confirme que l'émergence d'une politique climatique et énergétique européenne, quoique nécessaire, demeure problématique, étant donné la situation de l'Allemagne et de la Pologne en termes d'énergie carbonée. Il y a du pain sur la planche !
J'en viens à mon troisième point – décidément, j'ai beau être de bonne composition, ce compte rendu m'a vraiment mis de mauvaise humeur. Il comporte tout un couplet sur le libre-échange, que vous avez qualifié de « nécessité ». Nous sommes pourtant nombreux, dans toutes les sensibilités de l'Assemblée, vent debout contre les accords de libre-échange. Or, je lis ceci dans le compte rendu du Conseil : « l'Union européenne devrait continuer à oeuvrer en faveur d'un programme de libre-échange ambitieux et équilibré par la conclusion de nouveaux accords de libre-échange qui promeuvent ses valeurs et ses normes et assurent des règles du jeu équitables. » On sait ce qu'il en est du respect des normes européennes dans les accords de libre-échange avec des pays tiers ! Or voici que la conclusion de nouveaux accords est encouragée, peut-être au profit de l'industrie de l'Europe mais, j'en suis convaincu, au détriment de son agriculture !