Nous voyons plusieurs raisons pour rejeter ce projet de loi en l'état. D'abord, nous estimons que la programmation financière est insincère. Vous annoncez une hausse de 40 % des investissements par rapport à 2014-2018, une période « plate », ce qui est abusif. Vous dites suivre le scénario 2 du COI, mais vous êtes en deçà de ce que fixait le conseil d'orientation : 100 millions d'euros de moins par an pour la programmation pluriannuelle des routes, un écart encore plus important pour le fluvial et pas de montant de la part de l'État dans SNCF-Réseau. La programmation apparaît donc en sous-dotation chronique, et ce dès 2019.
Par ailleurs, les entreprises deviennent maîtresses du jeu sur le marché de la mobilité. Le droit à la mobilité remplace le droit au transport : les questions de l'accès aux transports en commun et de l'aménagement du territoire ne sont plus des enjeux prioritaires. Ce changement sémantique vise d'ailleurs à accompagner la mobilité professionnelle dans le sens d'une plus grande individualisation des pratiques, d'une flexibilité accrue des horaires et d'un pouvoir plus important du patronat, comme nous le verrons dans les dispositions relatives au comité des partenaires et au versement transport, qu'il sera possible d'ajuster à la baisse.
Quant au volet social, nous le jugeons indigent. Les AOM ne seront pas obligées, elles auront seulement la faculté d'aider la mobilité des publics fragiles ; certes, elles seront contraintes de mettre en place une politique tarifaire préférentielle pour les personnes handicapées. Tout cela reste très médiocre et flou. La portée du forfait mobilités durables est réduite, notamment pour ce qui est de l'articulation entre vélo et transports collectifs.
Enfin, comment ne pas souligner le volet qui consolide le « tout concurrentiel », avec une charte des plateformes facultative, qui écarte la requalification des travailleurs indépendants en salariés, et l'ouverture à la concurrence des réseaux franciliens, qui vise le démantèlement de l'entreprise RATP par la filialisation de ses activités, dans le droit fil de la SNCF ? Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine entre dans le débat avec la volonté farouche de combattre les orientations de ce texte.