J'approuve la totalité de ce que vous venez de dire, madame la députée.
Vous dites que l'enjeu essentiel est de permettre aux acteurs de se faire confiance – ou de se faire de nouveau confiance – et de recréer un écosystème vertueux autour de l'ASE. C'est profondément juste, mais ce n'est pas facile à faire. En effet, et même si l'image est un peu excessive, autour de l'ASE, la situation de crise des services sociaux ou des autres acteurs est telle, les crises sociales gérées par l'ASE sont si lourdes qu'en définitive son intervention apparaît parfois comme très impérative.
Je puis donner un exemple concret de ce que je viens de dire. Dans certains départements, les services de la PMI ne font plus jamais de visites à domicile, sauf quand ils sont accompagnés par l'ASE, et dans le cadre du recueil d'informations préoccupantes (IP). Ainsi, il arrive que la gouvernance de l'ensemble de l'écosystème social du territoire soit assurée par l'ASE, y compris celle des services de polyvalence, lesquels hiérarchisent les priorités sur la base de ce que déclare l'ASE. C'est là un sujet de première importance.
On comprend bien que, si c'est l'ASE qui gouverne l'ensemble du système, en réalité, les manquements constatés ailleurs – dans la polyvalence, la PMI, ou encore dans le champ de l'insertion – ne sont pas pris en compte. Il faut donc renforcer les autres politiques publiques et non considérer que c'est l'ASE qui doit impulser la dynamique. Au contraire, c'est elle qui doit s'intégrer dans la dynamique de politiques plus larges. Pour que cela soit possible, il faut imposer aux acteurs de travailler ensemble, mais aussi créer un cadre comme celui que nous avons imaginé, c'est-à-dire opérationnel, concret, sur le terrain, avec des groupes régionaux et même bientôt infrarégionaux. Enfin, l'évaluation, notamment dans le cadre de la contractualisation, doit être faite par des jeunes issus de l'ASE. Partout, dans les treize régions métropolitaines et dans les départements d'outre-mer (DOM), ce sont des jeunes issus de l'ASE qui animent les groupes régionaux. Évidemment, il ne faut pas que les représentants des collectivités aient le sentiment de passer devant un tribunal populaire chaque fois qu'ils vont dans ces réunions, faute de quoi ils ne reviendront plus. Il faut donc nouer la confiance entre les autorités politiques et les partenaires associatifs, y compris les gestionnaires de MECS.
Il me semble important de créer de tels écosystèmes – et il en existe dans certains territoires. Je le précise car il faut toujours se garder des postures consistant à donner des leçons ; en ce qui me concerne, je n'en ai à donner à personne. Les choses marchent bien là où les gens se parlent. Il me semble que la participation des personnes concernées, la place des jeunes dans la gouvernance nous imposent – quand je dis « nous », je veux parler des décideurs publics – de travailler ensemble, main dans la main, car le fait d'être confronté aux jeunes, à la réalité sociale qu'ils vivent et à leur exigence rend plus intelligent. Il est absolument nécessaire que les jeunes soient présents dans tous les cadres décisionnels : c'est là quelque chose que nous voulons imposer dans l'ensemble des dimensions de la stratégie de lutte contre la pauvreté. En effet, travailler sans les personnes concernées, c'est la certitude de continuer à se tourner le dos, à adopter des postures, à se livrer à des jeux de rôle.
En ce qui concerne la logique des parcours, comme je vous le disais tout à l'heure, il faut redresser l'ensemble des politiques publiques de la chaîne. De plus, même si je ne sais pas comment l'État va pouvoir prendre en charge cette question, il va bien falloir s'attaquer non seulement à l'hétérogénéité des pratiques, mais aussi à celle des prix. En effet, dans certains territoires, on constate des écarts considérables. En fonction du jour où ils ont appelé le 115, certains jeunes se retrouvent dans des centres d'hébergement d'urgence, d'autres dans des centres parentaux. Ces derniers proposent des prix de journée délirants. On apprend aux jeunes à manger au restaurant et on leur fait faire des choses formidables. Je pense que vous voyez à quel type de centres je fais allusion – il y en a en Isère. Ils font un travail social d'une qualité exceptionnelle, c'est vraiment de la dentelle, pour un tout petit nombre de jeunes. Cela coûte extrêmement cher. À côté, il y a un océan de misère : des jeunes femmes dans la même situation, pour des prix de journée de 30 euros – soit dix fois moins que les structures que j'évoquais à l'instant –, se retrouvent en hébergement d'urgence. Sans doute faut-il procéder à un étalonnage des prix.