Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) souscrit à l'objectif de moderniser, perfectionner, démocratiser, adapter le mode de fonctionnement de l'Assemblée nationale. Nous nous sommes, du reste, d'emblée déclarés disponibles pour y réfléchir. Mais, sans nier les avancées intéressantes que comporte le texte, nous constatons qu'un point majeur suscite l'hostilité de l'ensemble des groupes d'opposition : la réduction du temps et des modalités du débat parlementaire et la prééminence reconnue aux groupes sur la liberté individuelle de chaque député. Du reste, cet aspect de la réforme n'est pas sans soulever un problème constitutionnel, car chaque député, s'il s'affilie à un groupe, représente avant tout la Nation et rend des comptes au peuple qui l'a élu et non à son groupe. Cela nous paraît donc extrêmement grave. Quant aux autres mesures visant à limiter le débat parlementaire, Philippe Gosselin les a énumérées ; je n'y reviens donc pas.

Je connais la fascination de la majorité pour le fonctionnement du secteur privé, mais le Parlement, ce n'est pas un conseil d'administration, ce n'est pas seulement un endroit où on prend des décisions d'application immédiate ; comme l'indique l'étymologie du mot, c'est avant tout un lieu où on se parle, où on débat – c'est le lieu de la controverse politique.

J'ajoute que, du point de vue du fonctionnement de la démocratie dans notre pays, si on veut que l'opinion publique s'imprègne des questions débattues, que les citoyens se saisissent du débat parlementaire et se réapproprient les enjeux politiques et démocratiques, si on veut, en somme, que le débat soit éclairé par l'expression de l'opinion des uns et des autres, il faut, que vous le vouliez ou non, laisser du temps pour la discussion au Parlement.

À l'ère des réseaux sociaux et de l'accélération du temps médiatique, on a l'impression que tout doit aller plus vite, mais ce n'est pas vrai. Comme le disait précédemment un de nos collègues, en dépit de tout ce que l'on entend, nous avons beaucoup moins de temps pour le débat parlementaire en France qu'il n'y en a en Allemagne, par exemple. Cela pose une question démocratique, car il ne faut pas seulement envisager la chose sous l'angle de l'efficacité : l'enjeu est de savoir comment on fait vivre la démocratie dans notre pays, comment on permet aux citoyens de s'emparer des sujets. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, pour les députés communistes, c'est un point fondamental, sur lequel on ne saurait transiger.

Nous proposerons bien évidemment des amendements pour améliorer le texte : nous nous inscrivons de manière constructive dans ce débat, car nous avons tous intérêt à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Attention, toutefois : comme l'a dit David Habib, il n'est pas imaginable de réformer l'Assemblée en s'appuyant seulement sur le fait majoritaire. Il ne peut y avoir de réforme de l'Assemblée et de son fonctionnement que par la recherche du consensus. Si cela doit prendre du temps, prenons-en. Il ne s'agit pas là d'une loi : il est question du fonctionnement même de l'Assemblée. Comme le disait le rapporteur dans son propos introductif, la majorité d'aujourd'hui peut être la minorité de demain. La question n'est donc pas de savoir comment se fabriquer un confort pour les trois années de législature restantes : l'enjeu est d'accroître la respectabilité de cette assemblée, de la moderniser et de lui donner un peu plus de poids et de capacité d'animation de la vie démocratique de notre pays. Sans consensus, il ne peut pas y avoir de réforme respectable de l'Assemblée.

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