Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du mardi 21 mai 2019 à 9h30
Questions orales sans débat — Renouvellement de la flotte de pêche française

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

En l'absence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, ma question s'adresse au ministre normand présent au banc du Gouvernement !

« Construire un bateau neuf, c'est 50 % de courage et 50 % de folie », me confiait vendredi un patron de pêche de Cherbourg qui a pris le risque de lancer deux navires de pêche polyvalents, construits à Dieppe par Manche industrie marine, pour pouvoir transmettre le flambeau à son fils et à son petit-fils.

Vous le savez, la moyenne d'âge des navires de pêche excède 25 ans. Au rythme actuel, il faudra plus d'un siècle pour renouveler notre flotte, sachant, que d'ici à trois ans, 5 000 marins, dont 2 000 patrons de pêche, prendront leur retraite, que les pêcheurs peinent à recruter et que la vétusté de la flotte est un obstacle à l'attractivité du métier.

Un bateau neuf, c'est 30 % de consommation d'énergie en moins, soit un résultat considérable pour l'environnement et pour l'équilibre économique des artisans, sur lesquels pèse la remontée du cours du gazole, à 48 centimes le litre actuellement, contre 31 centimes il y a quelques mois.

Hors du système coopératif qui prévaut sur certains territoires – j'étais à Boulogne-sur-Mer et à Étaples hier – , les entreprises de pêche ne sont plus accompagnées dans la construction, depuis l'extinction des aides publiques, qui ne sont plus considérées comme eurocompatibles depuis 2004. La fin des aides publiques a mis un coup de frein à la modernisation de la flotte.

J'ai, chez moi, au Tréport, un artisan qui a en projet la réalisation sur un chantier français d'un chalutier polyvalent de 25 mètres en remplacement d'un bateau de 21 mètres. C'est aussi un beau projet de transmission, avec un équipage de huit marins. Le patron, Jean Rouit, 63 ans, a posé le sac à terre, mais il veut consolider la reprise par son fils, dans un contexte incertain, marqué notamment par le flou qui entoure le Brexit.

Un bateau neuf, ça coûte 4,5 millions d'euros ; la marche de la passerelle est haute. Pour ces exemples de « courage » et de « folie », combien de pêcheurs doivent renoncer, faute d'accompagnement, laissant filer entre les mains d'investisseurs étrangers nos capacités de pêche et accélérant le processus de concentration capitalistique, au détriment d'une pêche artisanale, respectueuse de la ressource, pourvoyeuse d'emplois en mer et à terre, y compris, on le voit, dans l'industrie navale ?

La mission d'information parlementaire sur la pêche que j'ai l'honneur de présider fait le constat, au fil de ses auditions, qu'il existe un chemin pour une politique de la pêche plus ambitieuse, avec une vision et des objectifs à la hauteur de nos atouts maritimes, sans préjudice de la compétence européenne.

Pour faciliter l'installation de jeunes pêcheurs et le renouvellement des générations, enjeux stratégiques pour notre pêche, pour renforcer la polyvalence des bateaux, indispensable à une gestion durable de la ressource, pour améliorer – je sais que vous êtes sensible à cet argument, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales – le bilan carbone de nos navires sans attendre l'issue des débats sur le FEAMP, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, seriez-vous favorable à la mise en place, en concertation avec la profession, d'un outil strictement conditionné qui permette de mobiliser des investissements publics pour accompagner les sorties de flotte de navires vétustes, une sorte de plan de casse, évidemment conditionné au renouvellement de la flotte et à la construction d'unités neuves ?

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