Selon l'étude d'impact du projet de loi, en 2016, le salaire net des femmes était en moyenne 12,9 % inférieur à celui des hommes dans l'ensemble de la fonction publique, avec des variations selon les versants. L'écart était de 20,6 % dans la fonction publique hospitalière, de 14,3 % dans la fonction publique d'État et de 9,1 % dans la fonction publique territoriale.
Si l'étude ne fournit pas de données chiffrées sur les violences sexuelles, elle évoque tout de même quatre-vingt-dix-huit sanctions disciplinaires en 2017 contre des agents publics pour faute grave relative aux moeurs, dont le harcèlement sexuel.
Les femmes sont majoritaires parmi les agents publics mais elles sont plus nombreuses dans les conditions les plus précaires – contractuelles et temps partiels – et elles sont en minorité dans les catégories A+, c'est-à-dire, parmi les hauts fonctionnaires. Conséquence, elles sont plus frappées par la précarité : elles forment l'écrasante majorité des contractuels – 67 % – , l'écrasante majorité des contrats à temps partiels ; ce sont elles qui risquent le plus de ne pas se maintenir dans l'emploi ; ce sont les premières victimes des coupes budgétaires. La flexibilité dans le budget, c'est le licenciement ou le non-emploi des femmes.
À cela s'ajoutent les discriminations croisées, qui aggravent la situation pour les femmes subissant des discriminants sur un ou plusieurs motifs, en plus de l'assignation à un genre.
En 2016, le rapport L'Horty sur les discriminations dans l'accès à l'emploi public a mis en évidence des discriminations liées à l'origine pour les trois professions – écart entre 6 et 12 points – , dans le cadre de recrutement sur CV – écarts plus importants que ceux constatés dans le privé.
Autres évidences : les discriminations liées à une origine supposée et à la réputation du lieu de résidence pour deux professions sur trois, avec un écart défavorable pour les personnes perçues comme étant d'origine maghrébine pour les postes de responsables administratifs dans la fonction publique d'État.
Le rapport a pointé de nombreuses limites dans la mise en place des actions en faveur de l'égalité, notamment, le peu de normes uniformes contraignantes visant à lutter contre les discriminations croisées et une mise en place disparate, aléatoire, avec une intensité variable selon les services, les types d'administration, les versants, les catégories et selon les types de recrutements.
Le dispositif de l'article 29 prévoit principalement deux mesures.
Tout d'abord, une obligation de mise en place d'un dispositif de signalement. Jusque-là, une circulaire du 9 mars 2018 prévoyait que les employeurs publics mettent en place, notamment, une cellule d'écoute. De notre point de vue, la mesure prévue à l'article 29 souffre du même écueil que le dispositif de 2018 : la cellule d'écoute est interne au service, ne mobilise pas nécessairement de personnels spécifiquement formés à ces questions et peut être composée, selon la taille des structures, d'une seule personne.
Ensuite, deuxième dispositif de cet article, une obligation pour les employeurs publics de réaliser un plan d'action relatif à l'égalité réelle. Le non-respect de cette obligation pourra entraîner une sanction financière de 1 % de la rémunération brute annuelle globale du personnel.
Si la mise en place d'un plan d'action constitue, selon nous, une étape positive, se pose la question des compétences à mobiliser pour le plan d'action qui, là encore, a pour objectif d'assurer l'égalité professionnelle uniquement entre les femmes et les hommes.
Comme le plan d'action, la cellule d'écoute est particulièrement restrictive. Pourtant, les textes conventionnels comme les directives européennes auxquels l'étude d'impact se réfère en termes de base légale visent de nombreux autres motifs de discrimination : « la race, les origines, l'opinion politique, la religion ». En outre, les premiers motifs de réclamation contre des discriminations dans l'emploi public devant le Défenseur des droits, en 2018, avant les discriminations liées au critère « sexe » sont « le handicap et l'origine, la race, l'ethnie ».
Rappelons également que, selon le onzième baromètre sur la perception des discriminations dans l'emploi, 27 % des agents et agentes publics déclarent avoir été confrontés, depuis cinq ans, à des propos et des comportements sexistes, mais aussi homophobes, racistes, liés à la religion, au handicap ou à l'état de santé. Ce chiffre est supérieur à celui du secteur privé, qui est de 21 %.
Ces situations concernent les groupes historiquement et systémiquement discriminés. Selon le rapport, « 33 % des personnes perçues comme non blanches déclarent des attitudes racistes pour 6 % des personnes perçues comme blanches, 24 % des personnes homosexuelles ou bisexuelles déclarent des attitudes homophobes pour 2 % des personnes hétérosexuelles, 23 % des femmes déclarent avoir été confrontées à des attitudes sexistes pour 6 % des hommes, 22 % des personnes de confession musulmane déclarent des propos ou comportements en lien avec leur religion pour 3 % des personnes de confession chrétienne, 15 % des personnes qui déclarent un handicap ou une maladie chronique rapportent des propos et comportements handiphobes pour 2 % des personnes en bonne santé ».
Nous considérons que l'approche et les réponses apportées manquent d'une vision et d'une analyse intersectionnelles, comme c'était déjà le cas en 2016. Nous nous identifions toutes et tous, souvent positivement, et sommes hélas souvent assignés négativement à un genre, une appartenance ethno-raciale, une orientation sexuelle. C'est tout cela qui doit être pris en compte dans les propositions formulées, dont l'écueil central, je l'ai dit, est l'impensé des dimensions multiples des identités et la nécessité d'avoir une vision plus globale.
Lutter efficacement contre le sexisme implique de lutter contre toutes les autres discriminations, sans quoi de nombreuses personnes discriminées en fonction de leur identité de genre ne seront pas protégées par les dispositifs. Tel est le sens des propositions que nous livrons au débat : imposer la parité dans les nominations aux conseils d'administration pour renforcer les dispositifs déjà existants, rendre obligatoire les sanctions en cas de non-édiction ou non-respect du plan d'action, instaurer un pôle égalité qui prendra en compte les apports des politiques publiques menées jusqu'ici en matière de lutte contre les discriminations et sera doté des instruments permettant de répondre à ces problèmes endémiques contre lesquels la fonction publique, plus que d'autres secteurs, doit se montrer exemplaire.