Notre assemblée discute aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération dans le domaine de la mobilité terrestre. Derrière ce titre – cela a déjà été dit – , se cache en fait un accord militaire et de défense d'un genre nouveau qui, comme l'a rappelé justement le rapporteur, dessine potentiellement le futur cadre de la coopération en matière militaire au niveau européen.
D'abord, il faut se réjouir que, pour la première fois, notre assemblée soit appelée à se prononcer sur un accord de ce type. Cela est d'autant plus important qu'il est la traduction concrète d'une vision stratégique en matière de défense, dont nous dessinons les contours au Parlement à l'occasion, entre autres, des lois de programmation militaire.
Il faut se réjouir, ensuite, du choix que l'État et l'armée belges ont fait en signant, non seulement, un contrat d'armement avec la France, mais aussi et surtout, un contrat de partenariat gouvernemental qui engage nos deux pays bien plus loin que les accords classiques. Il s'agit avant tout d'une volonté d'intégration très importante de nos deux armées de terre grâce à l'acquisition de capacités identiques.
Concrètement, je le rappelle, ce contrat porte sur l'acquisition par la Belgique de 442 véhicules – 382 Griffon et 60 Jaguar – , pour un montant total de 1,5 milliard d'euros. Dans ce cadre, la Belgique confie à la France un mandat pour assurer la négociation avec les industriels, la rédaction du contrat, sa conclusion et sa notification, ainsi que son suivi technique, administratif et financier.
Au-delà de cet accord d'armement, il s'agit de nouer avec l'armée belge un partenariat stratégique. L'article 2 de cet accord l'indique clairement : il s'agit de « définir le principe, le cadre et les modalités du partenariat stratégique et de la coopération mise en place entre les parties dans le domaine de la mobilité terrestre à l'occasion du renouvellement de leurs composantes motorisées respectives ».
Cette coopération concernera ainsi la « coopération opérationnelle entre armées de terre » incluant l'organisation et l'interopérabilité entre armées, la coopération en matière de formation et d'entraînement, de soutien, d'infrastructure, ainsi que la « coopération en matière d'armement », avec la mise en place d'un comité de pilotage « Partenariat armement ». L'ambition de cet accord est donc, à terme, d'intégrer le plus largement possible nos deux armées qui se connaissent bien et s'estiment d'ores et déjà grandement.
L'utilisation de matériels communs et la formation commune à ces armements constituent un pas important en ce sens, avec la volonté assumée, côté belge, d'aboutir à une interopérabilité totale entre nos deux armées. Le sens de ce type d'accord est clair et traduit l'engagement indéfectible de la Belgique à une intégration plus poussée des États européens. Le sujet de la défense commune des États européens est posé depuis des décennies : nous en avons là une concrétisation très prometteuse.
Nous avons donc tout lieu de saluer cette initiative dans un contexte particulièrement éprouvant pour nos armées. Car ce type d'accord débouchera bien entendu sur un plus grand investissement de nos partenaires européens sur les théâtres d'opération, que la France est souvent seule à supporter. Alors que l'armée belge est en soutien régulier de notre armée, notamment au Sahel, nous espérons que ce type d'initiative incitera à l'avenir d'autres pays à s'y intéresser. Cela semble être le cas, puisque le rapporteur évoque entre autres la Suisse, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg, au titre des pays intéressés par le programme Scorpion.
De même, alors que les opérations auxquelles nos armées doivent faire face sont de natures de plus en plus diverses, il faut avoir conscience que ce genre d'intégration augmente finalement nos capacités. Bien peu d'armées sont aujourd'hui capables, en Europe, de disposer de forces de projection dans des territoires éloignés et dans des délais très rapides. Travailler en collaboration est donc aussi pour notre armée une formidable opportunité.
Il s'agit, de plus, de valoriser nos programmes militaires, en l'occurrence le programme Scorpion, qui vise une approche davantage collaborative avec nos partenaires.
Enfin, les convergences d'objectifs et stratégiques nous confortent en ce sens. Les développements géopolitiques de ces dernières années, ainsi que les attentats terroristes, ont relancé les investissements en capacités militaires. Les soldats, comme en France, ont été appelés pour mener des opérations sur le sol national, afin d'assurer la sécurité de lieux publics.
Le continent africain retient notre attention conjointe et les liens de la Belgique avec des États comme la République démocratique du Congo sont particulièrement importants pour la France : en témoigne le tout récent déplacement du ministre Le Drian dans ce pays, pour y annoncer un retour de l'implication française. La Belgique est, en outre, toujours très disposée à approfondir l'émergence d'une défense et d'une armée européennes.
Au regard de l'évolution du monde, de sa déstabilisation et de l'abandon progressif de la protection qu'a pu offrir jusque-là la puissance américaine, il est plus que jamais nécessaire que nous avancions rapidement sur les enjeux que nous avons largement évoqués.
Dans cette future Europe de la défense, la France occupera à l'évidence une place, dans la mesure où elle est aujourd'hui la seule armée de l'Union, si l'on met de côté l'armée britannique, à disposer de capacités telles que celles que nous déployons en Afrique. Cela fait de nous des partenaires et des acteurs majeurs de la scène internationale à venir, si nous sommes capables de tirer parti des possibilités que nous offre une association plus étroite avec nos voisins et nos partenaires naturels.
Le rapport met l'accent sur l'équilibre que constitue ce type d'accord, en particulier pour l'État français, dont les risques sont très mesurés. Il convient désormais de faire la promotion de ces accords pour les faire prospérer et espérer que d'autres suivront.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue, pour sa part, la confiance et l'initiative de la Belgique et soutiendra bien entendu cet accord, en souhaitant qu'il marque une première étape dans la construction urgente de l'autonomie européenne en matière de sécurité et de défense que nous appelons de nos voeux.