Nous abordons l'examen du projet de loi autorisant l'approbation des accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Suisse, d'une part, et entre la France et le Luxembourg d'autre part.
Comme l'ont indiqué les précédents orateurs, ce texte a fait l'objet de discussions très riches en commission. Il comportait certaines insuffisances et suscitait de nombreuses interrogations qui ont été relayées, dès le 7 février 2018, par le rapporteur Bruno Fuchs. Celui-ci avait alors expliqué que ces accords-cadres lui semblaient peu à même de déboucher sur des accords transfrontaliers utiles aux citoyens et à nos 360 000 travailleurs frontaliers, qui sont 143 000 à travailler en Suisse et 70 000 au Luxembourg.
Il avait noté que les conventions pouvaient être soumises à une autorisation ministérielle, ce qui aurait pour conséquence de freiner considérablement leur application. Au demeurant, la négociation des conventions locales serait confiée à des institutions de nature administrative, les agences régionales de santé, qui sont les plus qualifiées pour juger des besoins sur le terrain. Si seul l'accord-cadre est soumis à ratification, il convient néanmoins de s'assurer que les choses soient suffisamment précises pour que l'administration s'en empare.
Nous parlons là d'un sujet essentiel, qui ne concerne rien de moins que la santé et l'affiliation à l'assurance maladie de nos concitoyens.
C'est pourquoi la coopération avec nos voisins est très importante et doit être recherchée, alors qu'elle reste à ce jour très limitée pour certaines raisons déjà évoquées : des différences importantes en matière de niveau de vie, de salaire et de coût de la santé, un nombre grandissant de frontaliers résidant en France et travaillant dans les deux pays, et des difficultés tenant à la non-appartenance de la Suisse à l'Union européenne. Il convenait d'y remédier.
La commission, lors de la première discussion de ce projet de loi, a conclu qu'il n'était pas abouti et que son application serait hasardeuse, voire qu'il pourrait conduire à des incohérences. Elle a donc renvoyé son adoption à une date ultérieure, en chargeant un groupe de travail de formuler des propositions visant à le rendre acceptable.
Ses rapporteurs ont ainsi soumis à la commission plusieurs recommandations qui nous semblent aller dans le sens d'une plus grande efficacité. La question de l'association des caisses primaires d'assurance maladie de référence dans chaque région française concernée, celle de l'amélioration de l'information des habitants ainsi que celle de l'association au processus des administrations comme des agences régionales de santé sont des éléments essentiels.
Nous saluons la volonté des rapporteurs de ramener le politique au coeur de ces négociations, au-dessus des administrations et au plus proche des besoins de nos concitoyens. À l'heure où les Français réclament à juste titre davantage de proximité, il faut faire confiance aux élus locaux pour contribuer à conclure des accords et des conventions qui répondent à cette demande.
Le portage politique évoqué dans le rapport nous paraît donc absolument incontournable. C'est grâce à lui que nous serons en mesure de veiller à l'intérêt des patients et des allocataires de l'assurance maladie.
Nous sommes ainsi très sensibles aux propositions que vous formulez en faveur d'une gouvernance démocratique des coopérations sanitaires transfrontalières : je pense notamment à la constitution de commissions d'usagers, de professionnels de santé et d'élus des territoires concernés.
Cette implication de tous les acteurs qui vivent au quotidien ces difficultés nous permettra, j'en suis certaine, de trouver des solutions et de déboucher sur des initiatives pérennes.
Vous évoquez des préoccupations que je partage pleinement : la réciprocité dans la coconstruction d'offre de soins, la mise en place de diagnostics partagés des priorités, et la question de la démographie des professions médicales et paramédicales, qui dépasse au demeurant le seul cadre transfrontalier.
Tous ces sujets constituent de fait, pour nos concitoyens, autant de préoccupations urgentes : il importe donc de nous donner les moyens effectifs d'y répondre. C'est pourquoi le groupe de travail était salutaire et utile afin de donner à ces accords leur plein potentiel.
Il était important de s'assurer d'une portée juridique claire des accords-cadres afin de garantir la continuité des soins dispensés aux populations des zones frontalières. Les accords-cadres qui nous sont soumis offrent des opportunités intéressantes pour les acteurs des zones transfrontalières, à condition que la puissance politique s'en saisisse : c'était là tout l'enjeu de cette discussion. La situation actuelle, de ce point de vue, n'est pas satisfaisante car elle laisse un secteur entier, la santé, totalement dérégulé : il convient donc de soutenir ce type d'accords en souhaitant qu'à l'avenir ils puissent être définis plus clairement.
Nos concitoyens ont beaucoup à gagner à ce que nous puissions développer des projets avec nos voisins immédiats – et de confiance – que sont le Luxembourg et la Suisse. Notre coopération n'est à ce jour pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être, notamment en matière de santé.