Présidente du groupe d'amitié France-Suisse, mon propos se focalisera sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse.
Quand l'épidémie de grippe aviaire, qu'il était nécessaire de combattre à la source afin d'éviter une pandémie, a provoqué les premières réflexions sur cet accord, se doutait-on qu'il mettrait plus de dix ans à arriver dans l'hémicycle ?
Quand, à l'initiative de notre présidente Marielle de Sarnez, la représentation nationale a jugé utile de créer un groupe de travail afin de poursuivre nos investigations sur les tenants et aboutissants de cette ratification et de formuler des recommandations, se doutait-on qu'il faudrait dix mois pour l'adopter sereinement en commission des affaires étrangères ?
Quand, députée d'une circonscription limitrophe avec la Suisse, j'interpellais les acteurs administratifs et locaux côté France, me doutais-je de la teneur des échanges qui en découleraient, à savoir que cet accord n'était pas une priorité, que l'inventaire des spécialisations des établissements était irréalisable, qu'il nous fallait avant tout rentabiliser nos infrastructures, que la responsabilité des uns incombait bien évidemment aux autres ou que les lobbies suisses avaient bien fait leur travail ?
Cultivant une certaine idée de la France, je vous avoue que j'en étais loin, très loin, en tout cas plus loin que les quelques kilomètres qui nous séparent des compétences médicales suisses auxquelles nous n'avons aujourd'hui pas accès.
Pourquoi tant de réticences côté français ? Que cache donc cet accord ? Comme tout accord-cadre, il définit des contours juridiques.
En l'occurrence, celui-ci fixe un cadre général pour la passation de conventions de coopération sanitaire transfrontalière, dont il détermine le domaine potentiel et précise les autorités administratives territoriales habilitées à les conclure. Les acteurs locaux des neuf cantons suisses frontaliers et des régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes vont pouvoir s'en saisir afin d'améliorer l'offre de soins proposée aux habitants et ce quel que soit leur régime d'assurance, leur lieu de résidence et leur niveau de vie.
Les intentions sont donc claires. Vous les avez rappelées, madame la secrétaire d'État : développer une dynamique de coopération sanitaire transfrontalière, la faire vivre et s'assurer d'un meilleur accès à des soins de qualité pour les bassins de vie autour de la frontière.
À bien y regarder, quel impact cet accord peut-il bien avoir sur l'organisation des soins pour les habitants d'un bassin de vie commun ? Car au final, tout l'enjeu est bien là : produire des effets positifs sur la vie quotidienne des citoyens concernés.
Pour répondre à cette interrogation, prenons, au hasard, le cas de la Haute-Savoie.
L'organisation de la santé hospitalière y est à la fois singulière et totalement incohérente. Pour des raisons politiques, elle dispose en effet de deux groupements hospitaliers de territoire – GHT – dont un, le GHT Nord, n'a pas d'établissement de recours. Le patient est donc confronté à des hôpitaux en concurrence et non complémentaires, alors qu'à proximité se trouve un hôpital universitaire suisse qui pourrait jouer le rôle d'établissement recours et qui offre des technologies et des spécialisations de pointe.
Dans ce contexte, l'accord-cadre garantit l'accès et le suivi d'un soin de proximité. Le patient et la qualité des soins dispensés sont bien au coeur du système de santé et l'administration, l'infrastructure et le politique, à son service.
Alors, dix ans ou dix mois, qu'importe aujourd'hui ? La signature de l'accord international remonte à 2016. La Suisse l'a ratifié en 2017. Faisons de l'année 2019 celle de sa mise en oeuvre !
Cet « accord parfait », sous réserve que ses dispositions soient suivies d'effet, entre en résonance avec la devise du village binational de Saint-Gingolph, commune scindée en deux par l'histoire, qui célébrera le 30 juin prochain 450 ans d'amitié franco-suisse – valaiso-savoyarde, pour les puristes !
En l'honneur de la bonne entente entre voisins, vous y êtes invités, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, afin de fêter l'accord-cadre, que je vous encourage à ratifier, comme tous ceux à venir ou à réviser, notamment la convention du 27 février 1882 pour le raccordement de la ligne de chemin de fer de Thonon au Bouveret via Saint-Gingolph !