Vous proposez aujourd'hui la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et son remplacement par ce que vous appelez un impôt sur la fortune immobilière. Il est fortement symbolique de faire disparaître le mot « solidarité » de notre code général des impôts. Cette transformation est en réalité une dislocation de la fiscalité du patrimoine. Tout le patrimoine mobilier, soit les actions, les obligations et les titres divers, va sortir du champ de cette fiscalité. Seul l'immobilier y restera soumis.
Pourquoi exclure le patrimoine financier ? Vous nous dites : pour libérer l'investissement, comme si l'investissement était enfermé dans une sorte de carcan ou de prison. C'est une fable. Votre réforme ne prévoit aucun conditionnement, ni aucun fléchage, alors que nous vous avons fait hier soir des propositions en ce sens. Vous comptez aussi sur le seul bon vouloir des contribuables concernés. Là aussi, c'est une fable. Vous faites un pari de 3,2 milliards d'euros par an. Monsieur le ministre, sans contrepartie, il n'y a pas d'impact sur l'emploi ou l'investissement. Revoyez donc votre copie. Il en est toujours temps.
Au-delà de l'inefficacité économique, il y a bien sûr l'injustice sociale. Dans les faits, qui bénéficiera de la mesure ? Les choses sont limpides. Plus on monte dans l'échelle des revenus, plus la part du patrimoine financier est conséquente et plus les gains seront donc importants. Selon les estimations de l'OFCE, en 2012, les placements financiers représentent 90 % des portefeuilles patrimoniaux supérieurs à 10 millions d'euros. In fine, cette mesure profitera aux ultra-riches. Vous nous dites que l'ISF est anachronique. Mais c'est votre réforme qui l'est ! Regardez l'explosion du patrimoine des plus riches de notre pays. Il a été multiplié par sept en vingt ans, passant de 80 milliards à 570 milliards d'euros, soit 25 % du PIB. Dans le même temps, le nombre de personnes en situation de pauvreté a progressé considérablement.
Dès lors, il n'y a plus lieu de disloquer l'impôt de solidarité sur la fortune, mais de le renforcer comme nous le proposerons un peu plus tard.