Les rapports avec les travailleurs sociaux de l'ASE sont teintés d'une grande méfiance et défiance de leur part, notamment en raison de la méconnaissance de la fonction d'avocat d'enfants. L'avocat est perçu comme un professionnel susceptible d'entretenir un conflit. Or telle n'est pas du tout la vocation de l'avocat d'enfants. Il faut essayer d'établir des passerelles, par exemple, en organisant des formations communes. C'est ce que nous tentons de faire, à notre niveau, au barreau de Lille comme dans d'autres. C'est essayer aussi d'établir des conventions avec l'aide sociale à l'enfance sur le fonctionnement de permanences pour rencontrer plus facilement les enfants et avoir accès aux enfants. Lorsqu'une famille est convoquée en audience d'assistance éducative devant le juge des enfants, la lettre est envoyée par le greffe lillois qui informe les parents de leur droit à être assistés par un avocat et de la possibilité qui leur est offerte de s'adresser à l'Ordre des avocats. L'enfant ne la lira pas. Les parents ne la remettront pas à l'enfant. Comment l'enfant saura-t-il qu'il a le droit à un avocat, comment saura-t-il à qui s'adresser s'il ne souhaite pas parler à son parent ou à un travailleur social ? Telle est notre difficulté. Pour l'heure, nous sommes liés par le texte qui indique : « Le droit d'être assisté d'un avocat en assistance éducative est rappelé aux intéressés dès leur première audition. » Ce n'est pas le cas actuellement.
J'en parle parce que je pense que les travailleurs sociaux qui sont en contact avec les familles lors de la phase d'évaluation, avant même un signalement, pourraient être l'un des premiers relais ; nous pourrions également intervenir à ce stade, notamment à travers les conférences familiales ou d'autres types d'interventions. C'est pourquoi ce travail en lien avec les travailleurs sociaux de l'aide sociale à l'enfance est essentiel, mais la culture judiciaire et la culture du travail social sont deux cultures totalement différentes. Beaucoup de choses sont à mettre en place.
Des avocats d'enfants quasi spécialisés ou en tout cas formés spécifiquement et organisés sont un outil intéressant parce que, à travers nos commissions, nous tentons d'établir des passerelles, des partenariats et de nous ouvrir à l'extérieur. Il s'agit d'une piste intéressante, à laquelle nous travaillons, mais qui n'est pas menée de façon égalitaire sur tous les territoires. Chaque ordre d'avocats n'a pas constitué de commissions ou de groupes de défense « Mineurs ». C'est ce à quoi travaille le groupe de travail « Mineurs » du Conseil national des barreaux (CNB).
Chaque tribunal pour enfants et chaque TGI avec un barreau organisé peut mettre en place de telles commissions et mener ce travail de partenariat ; cela pourra effectivement aider à établir des passerelles et nous permettre d'intervenir au plus tôt. En phase administrative, il peut s'agir d'actions collectives d'information sur le rôle de l'avocat et la façon d'y accéder. Le besoin fondamental d'un enfant et d'une famille, c'est aussi l'accès au droit et le respect du droit. Délivrer l'information est primordial. Elle peut être mise en place au niveau scolaire, par des actions spécifiques, des commissions, mais également par les centres sociaux, des lieux où se rendent les familles, par les PMI.
S'agissant de l'ordonnance de 1945, il faut savoir que le groupe de travail « Mineurs » du CNB travaille sur la question. Les états généraux des professionnels de la justice se sont tenus le 16 avril dernier au CNB. Un rapport est en cours d'écriture qui sera transmis à la chancellerie, mais nous travaillons bien évidemment à la question.