Intervention de Pierrine Robin

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 14h00
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Pierrine Robin :

La question des fratries est complexe. En effet, comme l'a rappelé Isabelle Frechon, on a souvent affaire à des fratries plus nombreuses que dans la population générale, et où les naissances peuvent s'étaler dans le temps. Le parcours de chaque enfant peut donc être très différent de celui de ses frères et soeurs selon l'époque où il est né car, sur plusieurs années, la structure familiale a pu évoluer.

Par ailleurs, les enfants d'une même fratrie peuvent avoir des statuts très différents, certains pouvant être reconnus comme adoptables ou comme pupilles, mais pas les autres, ce qui va induire des différences dans la prise en charge. Ils peuvent également avoir un rapport très différent à l'histoire familiale, certains décidant volontairement de s'éloigner et de provoquer les mesures de prise en charge, d'autres faisant davantage corps avec la cellule familiale.

Enfin, il faut tenir compte des difficultés organisationnelles, liées au fait que les structures ne sont pas pensées pour accueillir des fratries, à part certains dispositifs comme SOS Villages d'enfants. En règle générale, la prise en charge est plutôt organisée par tranche d'âge. La fratrie provoque donc un jeu à plusieurs bandes, car accueillir une fratrie dans un lieu d'accueil déjà complet va imposer de déplacer des enfants s'y trouvant déjà, ce qui est source de difficultés.

En ce qui concerne l'Allemagne, je n'ai pas d'éléments concernant l'accueil des fratries. En revanche, en ce qui concerne l'accueil des mineurs non accompagnés, il est très différent outre-Rhin, et ce pour plusieurs raisons, qui tiennent notamment à la politique d'accueil global des immigrés et des réfugiés. Compte tenu de ses besoins démographiques, l'Allemagne pratique une politique d'accueil très forte, qui se caractérise notamment par un accompagnement long – parfois jusqu'à 25 ou 26 ans –, et un octroi plus rapide de la nationalité : même un enfant arrivé à 18 ans peut obtenir la nationalité allemande au bout de trois ans alors que, chez nous, c'est beaucoup plus compliqué.

Enfin, les dispositifs d'intégration – cours de langue, formation professionnelle – sont beaucoup plus développés que chez nous, tout en s'inscrivant dans une politique d'accueil fondée sur le respect de la différence, et donc la culture et de la religion de naissance.

Vous avez eu raison ensuite d'évoquer ensemble la parole de l'enfant et celle des éducateurs, car les deux sont liées. Mme Hélène Join-Lambert, qui a procédé à des comparaisons entre la France, l'Allemagne et la Russie, a ainsi montré que la liberté accordée aux enfants allemands était plus grande qu'en France et qu'elle était étroitement liée à la liberté accordée aux éducateurs : par exemple, un enfant pourra décider avec son éducateur de découcher une nuit pour rendre visite à un ami, tandis qu'en France cela ne pourra se faire sans l'autorisation du juge ou de l'autorité supérieure.

Cette liberté que l'on constate en Allemagne va donc de pair avec une plus grande responsabilité des éducateurs, là où, en France, on constate plutôt une forme de méfiance, vis-à-vis de l'enfant lui-même, mais également vis-à-vis de ceux qui en ont la charge, comme si, cette proximité provoquait une forme de contagion.

Quant à l'autosignalement, le dispositif a évolué avec le temps. Il existait à l'origine une charte permettant au dispositif d'accueil de ne pas faire de signalement aux services de seconde intention, y compris dans les situations de danger. Désormais, la loi leur fait obligation de procéder à ce signalement si la famille n'a pas d'elle-même contacté le Jugendamt.

Ces services de première intention sont des services de prévention axés tant sur la parentalité que sur l'enfance. Ils proposent un accompagnement individuel ou en groupe et sont là pour gérer des situations sans faire intervenir l'administration.

Les conférences d'aide constituent également un autre dispositif qui, depuis 1990, réunit environ tous les six mois ou tous les ans, l'enfant, les parents, les responsables de l'accompagnement et le référent, afin d'évaluer la situation et de déterminer les mesures à prendre ou non, dans une forme de co-construction.

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