Intervention de Gisèle Delcambre

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 16h15
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Gisèle Delcambre, secrétaire générale de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) :

Je n'ai pas de chiffres à vous donner sur les tests osseux. La loi du 14 mars 2016 les a maintenus, tout en les encadrant très strictement et il me semble que l'usage qui en est fait varie beaucoup, selon les collègues et les territoires. Ce que je peux vous dire, mais vous le savez sans doute déjà, c'est que même les plus hautes autorités médicales considèrent que ces tests ne sont pas suffisamment fiables, puisqu'ils sont fondés sur des dispositifs anciens, datant du premier quart du XXe siècle, qui concernaient à l'origine une population caucasienne du Nord-Ouest de l'Amérique. Or nombre des mineurs que nous rencontrons aujourd'hui ne correspondent pas à ces critères. Il me semble, mais peut-être Laurent Gebler pourra-t-il compléter ma réponse, que ces tests osseux ont surtout vocation à s'appliquer au niveau de l'évaluation, à la demande, soit de l'aide sociale à l'enfance, soit du ministère public lorsqu'un mineur non accompagné se rend coupable d'une infraction et est placé en garde à vue.

Pour ma part, lorsque je vois, au cours d'une procédure, qu'une expertise osseuse a été faite, j'en demande le rapport, tout en me préoccupant de savoir si elle a été faite dans le cadre de la loi du 14 mars 2016. Les parents sont censés donner leur accord, mais ils ne sont pas là. C'est donc le mineur qui doit donner son accord, dans une langue qu'il comprend. Or je peux vous dire que dans la plupart des services hospitaliers, lorsqu'un jeune parle le bambara ou un dialecte de l'Afrique subsaharienne, il ne peut pas compter sur la présence d'un interprète au moment où l'expertise est faite. J'ai donc plutôt tendance à écarter cette expertise, à partir du moment où elle ne répond pas aux critères légaux.

Il m'est par ailleurs arrivé de constater que les tribunaux correctionnels, lorsqu'ils sont confrontés à des jeunes qui se situent à la limite entre la minorité et la majorité, font appel, plus facilement peut-être que les juridictions pour mineurs, à des tests osseux. Cela pose des problèmes, car nous sommes parfois saisis par le parquet au sujet d'un jeune qui est considéré comme mineur par le ministère public, et on s'aperçoit, sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire, qu'il a déjà été condamné par une juridiction pour majeurs. Nous sommes parfois confrontés, vous le voyez, à des situations totalement ubuesques.

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