Pour répondre à votre deuxième question, si la justice des mineurs était aussi cartésienne, cela se saurait depuis longtemps… Nous travaillons dans l'humain et les choses ne sont pas si simples. J'aimerais tout de même resituer les choses : en tant que juges des enfants, nous travaillons à 75 % en protection de l'enfance. Le reste, c'est le contentieux de la délinquance des mineurs. Contrairement au regard sociétal qui peut être porté sur les jeunes, notre travail ne concerne pas prioritairement la délinquance des mineurs. Statistiquement, sur cent délinquants, dix seulement sont des mineurs, et ils ne se retrouvent pas tous aux assises. Heureusement pour nous, parce que le juge des enfants doit siéger en cours d'assises des mineurs et nous siégerions en permanence !
En revanche, il est tout à fait essentiel d'avoir des outils d'évaluation et d'agir précocement, pour éviter que ces jeunes ne passent entre les mailles du filet. Il importe aussi que l'évaluation ne soit pas sélective : faute de moyens, on a tendance à faire des choix, ce qui fait que certains jeunes restent sur le bord de la route. Et ces jeunes, on les retrouve généralement au pénal à l'adolescence, quand ils ont quatorze ou quinze ans. On met alors en oeuvre des mesures d'accompagnement – vous connaissez le sens de l'ordonnance du 2 février 1945 –, avant même que le jeune ne comparaisse devant le tribunal des enfants et après, dans le cadre d'une sanction, puisque des mesures éducatives peuvent être prononcées. Mais le temps passe très vite pour ces jeunes qui, lorsqu'ils arrivent dans nos bureaux à l'âge de quatorze, ans, sont déjà à quatre ans de la majorité. Leur personnalité s'est généralement mal construite, avec des parents en grande difficulté, qui sont totalement dépassés par la situation. Quand on en est là, on ne peut faire que du bricolage, avec les moyens qui sont les nôtres et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Or les choses ne sont pas simples, parce que nous manquons d'établissements et d'éducateurs. Les services des départements ne sont pas les seuls à manquer de moyens : c'est aussi le cas de la protection judiciaire de la jeunesse.