Intervention de Ludovic Maréchal

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 17h15
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Ludovic Maréchal, directeur de l'ASE du département de la Moselle :

Je vais commencer par vous répondre au sujet des personnes qui sont témoins des difficultés rencontrées par certains jeunes. C'est tout l'objet de notre nouveau schéma 2019-2023, qui fait le pari du préventif : il faut faire remonter les informations le plus en amont possible. Vous avez raison : un éducateur sportif, par exemple dans un club de football, qui accompagne des enfants tous les mercredis, voire deux fois par semaine, plus le week-end, est parfois témoin de choses qui le dérangent. La question est de savoir ce qu'il peut faire de ces informations. Je ne crois pas qu'il faille que ces gens-là deviennent des travailleurs sociaux. En revanche, ils doivent savoir vers qui se tourner. C'est le pari du préventif ; il faut aller au contact du milieu associatif et dire : « Donnez-nous cette information, nous allons en faire quelque chose, dans le respect de la famille. Ne vous inquiétez pas, notre ambition n'est pas de placer l'enfant et qu'il n'en ressorte qu'à 18 ans : elle est de tendre la main à cette famille, pour essayer d'abord de comprendre ce qui se passe, de mesurer les difficultés qu'elle rencontre et ensuite de lui proposer un accompagnement. ». C'est un travail de proximité, en amont, que nous essayons de tisser dans notre réalité territoriale, en Moselle. C'est aussi le sens du travail de collecte effectué par les CRIP : l'information préoccupante doit ensuite devenir, sur le terrain, une occasion de travailler avec les familles.

Vous nous avez demandé comment on pourrait simplifier. Nous avons établi un cahier des charges décrivant l'articulation entre l'ASE et le milieu associatif habilité, pour bien définir qui fait quoi. À cet égard, on note une évolution de la « ligne métier » de l'aide sociale à l'enfance : nous sommes désormais des coordinateurs du projet pour l'enfant. C'est ce que je dis aux référents ASE de Moselle : « Vous êtes des coordinateurs du projet pour l'enfant. Votre rôle est d'associer tous les acteurs qui sont autour de cet enfant, y compris la famille, et de faire en sorte que tout le monde travaille dans le sens de ce projet. Dans la temporalité du projet, il y a des moments où vous devez être présents, d'autres où c'est le partenaire qui prend en charge l'enfant qui doit agir, d'autres encore où c'est le juge qui décide. Parfois aussi, c'est l'ASE qui peut trancher. » Nous avons ainsi essayé de clarifier le rôle de chacun.

« Mousqueton » est une équipe mobile, rattachée à un établissement de protection de l'enfance, donc à une maison d'enfants à caractère social. Un éducateur « Mousqueton » a, en moyenne, quatre dossiers dans son escarcelle. Il prend contact avec le jeune, là où celui-ci se trouve. Quand on fait entrer un jeune dans le dispositif, on lui dit : « Demain, à telle heure, ce dispositif démarre pour toi, que tu le veuilles ou non. ». L'idée est de lui signifier que ce n'est pas lui qui choisit s'il a besoin d'être protégé ou pas. « Tu as la date et l'heure : si tu veux être présent, nous souhaitons évidemment travailler avec toi. »

Quand nous avons construit le dispositif, et dans la mesure où il s'adresse à des jeunes fugueurs, nous nous sommes demandés avec la brigade des mineurs s'il fallait lever la déclaration de fugue faite auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie. Lever la déclaration, ce serait donner un blanc-seing ; donc nous ne le faisons pas. C'est une manière de dire au jeune : « Ce n'est pas parce qu'on t'a fait entrer dans “Mousqueton” que tu as le droit de traîner à vingt-deux heures place de la République à Metz : tu n'as rien à y faire à cette heure-là. Tu seras ramené auprès du dispositif, qui doit pouvoir t'accueillir au moins deux fois cinq nuits par mois. » Pourquoi avons-nous fixé cette règle de dix nuits par mois ? Nous avons estimé que, si un jeune était prêt à revenir plus de dix nuits, il pouvait sortir de « Mousqueton » et retourner dans un autre type de dispositif.

Dire à un enfant qu'on fait un pas de côté, qu'on accepte, d'une certaine façon, la situation dans laquelle il s'est mis, cela ne signifie pas qu'on ne lui impose plus la moindre exigence. En l'occurrence, nous exigeons de lui qu'il entre en contact au moins une fois par jour avec l'équipe mobile grâce aux nouveaux modes de communication, soit par téléphone – tous les éducateurs « Mousqueton » ont un portable –, soit via le compte Facebook de l'équipe. Cela fonctionne : quand on fait ce pas de côté, les jeunes reviennent et cela nous permet, après, de retisser le lien, de retravailler leur projet autrement. Même si une adolescente de 16 ans a un petit copain âgé de 30 ans et que cela choque – c'est un exemple concret du type de situation que nous avons rencontré dans le cadre de « Mousqueton » –, plutôt que de lui dire : « Ce n'est pas bien », on essaye d'appréhender cette réalité qui est la sienne et de voir comment on peut la réinscrire dans un parcours, au lieu de la rendre dépendante de cette relation amoureuse.

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