Vous avez raison, mais cela reste difficile à évaluer. Quand nous avons créé « Mousqueton », le chef de la brigade des mineurs nous a dit : « Vous savez, moi, les cas de fugue, j'en ai une pile haute comme ça ! Je distingue la fugue qui est en fait un retour un peu tardif de l'école et la vraie fugue, celle qui est inquiétante. »
J'ai oublié de dire que, dans le cadre de « Mousqueton », nous avons mis en place un code couleurs – vert, orange et rouge – qui nous aide à hiérarchiser. Cela dit, nous avons un travail à faire concernant la hiérarchisation de l'urgence. Nous essayons de le mener avec nos équipes. S'il y a une souffrance au travail – c'est vrai pour les secrétaires, pour les éducateurs de l'ASE, les assistants sociaux, mais également dans les internats –, c'est aussi parce que tout paraît urgent. Or, quand tout est prioritaire, rien ne l'est.
Je sais bien que vos différents interlocuteurs vont vous dire qu'en définitive il faut exclure des 1,2 % toutes les missions des départements. Je vous dirai pour ma part qu'il faut faire des choix – en l'occurrence, il faut choisir notre mission. Si l'enfance est vraiment une grande cause, un « méta-besoin », comme le disait la rapporteure de la mission de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant, cela veut dire, en termes de politiques publiques, que la protection de l'enfance est elle aussi un « méta-besoin ». C'est en raisonnant à partir de cette mission fondamentale qu'on organisera le travail des personnels. Cela dit, bien entendu, plus on consacrera de temps à chaque enfant, mieux ce sera. Si nous pouvions également embaucher beaucoup, peut-être serait-ce une bonne chose. En attendant, et sans croire au Père Noël, je pense que si nous commencions par arrêter de perdre du temps en travaillant mal les uns avec les autres, cela aiderait à mieux vivre le travail, en lui redonnant du sens. C'est ce que nous essayons de faire, mais il est vrai que cette réalité de la souffrance au travail est difficile à traiter.