L'API est l'Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile, dont l'action relève du sanitaire. Elle a été créée en 1984, mais je n'en retracerai pas l'histoire, son site est facile à consulter pour qui souhaite savoir d'où nous venons.
Notre association est, avec d'autres, à l'origine de la constitution d'un collège national de pédopsychiatrie, au sein de la Fédération française de psychiatrie. Il fait fonction d'interface avec les pouvoirs publics, en faisant remonter nos préoccupations, tant cliniques qu'institutionnelles. Nous avons ainsi, par l'organisation d'états généraux en avril 2014, mis en avant que 465 000 enfants étaient suivis en 2011. Il est vrai que nos chiffres ne sont pas réactualisés chaque jour, mais nous signalions déjà, à l'époque, une augmentation des demandes qui dépassait nos capacités d'accueil et d'évaluation. Les états généraux ont abouti à dix propositions, dont bon nombre devraient être reprises par le débat qui nous réunit aujourd'hui. Je n'ai pas le temps de les répéter, mais nous les mettrons à votre disposition, notamment celles sur la prévention.
L'API est également à l'initiative de journées dans le territoire, ou participe à leur organisation. Ainsi les journées annuelles de perfectionnement de la psychiatrie publique, organisées au ministère. Elles ont accueilli, en septembre dernier, le docteur Martin-Blachais, venue nous présenter son rapport sur les besoins fondamentaux de l'enfant. Cela m'amène à parler tout de suite de notre rôle dans les procédures de la protection de l'enfance.
Les préoccupations spécifiques de la pédopsychiatrie publique concernent la symptomatologie induite par les carences et la maltraitance. Cette symptomatologie peut être résumée schématiquement en sept grandes catégories de troubles durables, c'est-à-dire des troubles qui se prolongent bien au-delà des prises de mesures environnementales, et qui se manifestent différemment selon l'âge de l'enfant et la durée d'exposition au dysfonctionnement environnemental. Chacun de ces troubles nécessite des mesures de prévention et de prise en charge thérapeutique spécifiques, afin d'en améliorer le pronostic. C'est ce que font nos équipes. Je ne suis pas sûre d'avoir le temps de citer ces sept catégories mais, si cela vous intéresse, je pourrai les développer plus tard.
Ces troubles psychiques sont susceptibles d'être évités. Comme cela vient d'être dit, de nombreux progrès ont déjà été faits, depuis des décennies, grâce à un repérage de plus en plus précoce. Malgré ces progrès, nous pouvons encore nous trouver face à des troubles déjà installés. Dans ce cas, des mesures thérapeutiques adéquates permettent d'éviter des conséquences graves et des séquelles à distance, qui sont très coûteuses en termes de morbidité, de pathologies somatiques, de soins psychiatriques au long cours, de répercussions transgénérationnelles, ou encore de handicaps… Je pense que d'autres intervenants pourront traiter, dans la suite de cette audition, des conséquences à l'âge adulte. Pour cela aussi, j'ai apporté une liste, si vous voulez en parler plus tard.
Avant de donner la parole à mon collègue le docteur Pavelka, qui développera les apports concrets et théoriques des équipes de la pédopsychiatrie publique investies au quotidien dans la protection de l'enfance, je termine sur des constats. La mise en place du secteur infanto-juvénile, avec son maillage dans le territoire national, avait la prévention dans ses gênes. Cette pédopsychiatrie publique de secteur a donc largement participé au développement du dépistage, de plus en plus précoce, des signes de souffrance et de troubles psychiques par les professionnels de l'enfance. Pour ce faire, la pédopsychiatrie est très impliquée dans un travail d'articulation avec les équipes de PMI et les services de médecine scolaire et de pédiatrie, dont des représentants ont également été conviés à cette audition. Nos collègues témoigneront sûrement de cette collaboration nécessaire. Il en va de même de notre collaboration avec les services de l'ASE, sachant que les enfants bénéficiant d'une mesure de protection nécessitent souvent plus de concertation entre les équipes, et l'organisation rapide de soins.
L'énumération des nombreuses améliorations que nous pourrions envisager ici serait trop longue. Cependant, notre expérience clinique nous permet de témoigner et de participer activement aux travaux du Conseil national de la protection de l'enfance sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je crois d'ailleurs qu'une audition de membres de ce conseil a déjà eu lieu. L'avis du CESE intitulé Prévenir les ruptures de parcours en protection de l'enfance a également souligné l'importance de faire appel aux services de pédopsychiatrie pour de nombreuses situations. Il signale en outre le manque de moyens et la grande hétérogénéité de l'offre de soins dans le territoire.
C'est dans le même sens que nous insistons, pour dire que, si notre sujet d'aujourd'hui est la protection de l'enfance, c'est-à-dire celle des enfants déjà repérés, nous avons encore à améliorer ce repérage et à accélérer les procédures de prise en charge ; ce alors que la pédopsychiatrie publique ne peut actuellement apporter à tous les enfants qui consultent, protégés ou non, les soins dont ils devraient bénéficier, faute de structures et de moyens humains suffisants.
Dans l'impossibilité de faire face à toutes ses missions, que ce soit dans le champ sanitaire ou dans le champ médico-social, elle est malmenée sur le plan budgétaire. Une logique économico-financière à court terme – je ne la détaillerai pas, cela a été fait – est peu propice aux suivis longs et au travail coordonné dont a besoin la population des enfants protégés. L'idée que l'on puisse encore redéployer, alors que nous sommes à l'os depuis des années, serait absurde ; de même, le décloisonnement entre secteurs sanitaire et médico-social n'est pas une bonne idée, car c'est la complémentarité des équipes qui est garante du meilleur soin : loin d'être la plus coûteuse, elle est la plus efficace.