Merci beaucoup d'avoir pensé aux unités médico-judiciaires (UMJ), ce n'est pas forcément évident lorsqu'il s'agit de protection de l'enfance. Je serai assez brève sur notre intervention. Une UMJ pédiatrique est pluridisciplinaire : elle regroupe des pédiatres, des puéricultrices, des psychologues, pour un positionnement résolument pédiatrique. Nous avons, c'est vrai, des liens privilégiés avec le parquet et la brigade de protection des mineurs. Ce sont nos interlocuteurs au quotidien, le principe de notre fonctionnement commun étant le décloisonnement. Il est extrêmement important de comprendre que nous formons une alliance fondée sur le décloisonnement.
Que fait-on dans une UMJ ? Je déclinerai la réponse en cinq points. La vocation de l'UMJ la destine d'abord à une activité de constat médico-légal. Nous voyons des enfants placés en urgence, le lendemain ou le surlendemain de ce placement, afin de les examiner et d'évaluer une incapacité totale de travail, qui sera ensuite utilisée pour qualifier les faits au pénal.
Il faut donner du sens à ces examens – c'est la chose extrêmement importante pour moi –, de manière à ce qu'ils s'inscrivent dans un vrai parcours de l'enfant. En matière d'agression sexuelle, par exemple, nous avons fait le choix de ne pas avoir de salle d'audition avec des policiers. À Paris, nous avions déjà la brigade des mineurs à 200 mètres de chez nous, ce n'était vraiment pas très loin ; et, d'autre part, eu égard au nombre d'agressions sexuelles examinées par les UMJ – plus de 300 par an –, nous aurions eu des policiers chez nous toute la journée. Nous avons donc choisi une autre forme de collaboration, fondée sur la cohérence du parcours de soins. Mélanie Dupont vous dira que nous avons créé des outils grâce auxquels la brigade de protection des mineurs peut visionner les examens, et qui nous permettent de les expliquer et de renforcer la continuité du sens de notre démarche.
Notre deuxième activité de constat, très importante à mes yeux, concerne les mineurs non accompagnés, dont nous devons notamment évaluer l'âge physiologique, puisque le Conseil d'État a décidé que nous devions poursuivre cette tâche. C'est pour nous une activité assez importante et assez soutenue, pluriquotidienne. Nous voyons parfois les enfants dans des hôtels, ce qui me préoccupe beaucoup. Ils y sont, de fait, non accompagnés, conformément au qualificatif qui leur est assigné. Je suis très inquiète pour ces jeunes qui vivent à l'hôtel.
Nous avons également une activité de soin – dans « médico-judiciaire », il y a aussi « médical ». Lors de l'examen des enfants, nous nous efforçons d'évaluer rapidement – faute de moyens humains et de temps – leurs besoins psychologiques. Mélanie Dupont vous en dira davantage en présentant sa fonction.
Dans cette UMJ, on voit aussi des adultes, notamment des femmes victimes de violences conjugales, là encore de façon pluriquotidienne, malheureusement. Il nous arrive d'émettre des signalements, ou de transmettre des informations préoccupantes à partir de l'UMJ elle-même, pour dénoncer une situation qui nous paraît vraiment inquiétante, notamment lorsque des enfants semblent en danger dans leur famille. Nous sollicitons parfois aussi le parquet pour pouvoir examiner d'autres enfants qui vivent dans l'entourage du cas dont nous sommes saisis, afin de nous assurer qu'ils ne sont pas eux aussi victimes de mauvais traitements.
Nous avons, troisièmement, une activité de conseil auprès de nos collègues, notamment des hôpitaux pédiatriques, qui font fréquemment appel à nous. En revanche, nous recevons peu de demandes d'autres secteurs – l'éducation nationale, par exemple, nous sollicite très peu, ce qui est peut-être dommage. Nous assurons également une activité de formation en lien avec la ville de Paris. Nous formons notamment, depuis l'unité médico-judiciaire (UMJ), de nombreux acteurs de la protection de l'enfance.
Nous travaillons, enfin, à la prévention. Il est vrai que les UMJ arrivent souvent trop tard, après que la prévention primaire a échoué. Je dirai cependant quelques mots du syndrome du bébé secoué, dont nous avons à traiter 240 à 320 cas par an, avec 20 % à 30 % de mortalité, et des séquelles extrêmement lourdes pour 75 % des survivants. Il y a donc vraiment des actions de prévention à mener en direction des parents, sans attendre l'étape de la maternité, où c'est trop tard, à mon avis. Il faut vraiment intervenir avant l'accouchement, notamment pour évoquer la question des pleurs de l'enfant et de leur gestion. On pourrait ainsi éviter un certain nombre de victimes tous les ans.