Il y a un grand écart entre la présomption de la nécessité de soins, que je découvre dans les propos ma consoeur, et le fait que seule une jeune majeure, sur les huit que vous avez entendus, ait dit avoir été accompagnée psychologiquement. Cet écart pose la question de savoir s'il faut proposer aux enfants protégés un accompagnement ou des soins psychiques au sein de l'ASE, ou plutôt ailleurs. Ce n'est pas une sorte de luxe que l'on proposerait. L'une des conséquences de la séparation et de la protection est la possibilité offerte à l'enfant de rejouer, de reprendre la question du lien pathologique, au sein de la structure dans laquelle il est placé, que ce soit une famille ou une institution. Une psychopathologie du lien va donc forcément apparaître. D'où la nécessité de l'accompagnement.
Si cette pathologie n'apparaissait pas, l'enfant raterait une occasion de se reconstruire et de reprendre son développement. Les comportements ou les paroles par lesquels elle se manifestera, dans la famille d'accueil ou dans une institution, ne seront pas seulement une reprise des problématiques anciennes, mais aussi, parfois, un agir révélateur. Il a été question des révélations faites par les enfants une fois accueillis ; or celles-ci ne passent pas toujours par des paroles, mais parfois seulement par des actes, ou par les comportements des enfants dans leur famille d'accueil. Une lecture psychologique de ces situations est donc nécessaire.
Il existe encore aujourd'hui un problème de formation : les professionnels socio-éducatifs de la protection de l'enfance, à partir des outils qu'ils ont acquis, ont encore souvent le sentiment qu'il faut éviter de psychologiser, de psychiatriser, mais qu'il faut s'efforcer d'éduquer ou de rééduquer. Nous devons au contraire chercher à faire progresser la protection de l'enfance vers un modèle d'aide psycho-sociale à l'enfant…