Pour avoir participé, depuis bien des années, à diverses auditions, comme beaucoup de mes collègues présents, je pense, malheureusement, que, pour tous nos services publics, que ce soit les services de PMI, ceux des conseils départementaux, ceux de pédopsychiatrie, ou en général ceux des hôpitaux publics – c'est un peu désolant de devoir vous le dire, et il ne s'agit certes pas de tout ramener à cela – la question des moyens de la prévention et du soin en France est vraiment posée.
Pour ce qui est de la prévention, en tout cas, les pouvoirs publics nous disent en permanence qu'il faut remettre la prévention au niveau du soin – à supposer que l'on puisse ainsi les opposer, de façon un peu caricaturale, alors qu'ils ne s'opposent pas. En réalité, on court toujours après ces moyens insuffisants. Je n'irai pas plus loin là-dessus, parce qu'il y aurait beaucoup à dire, mais je vous laisserai notre document sur la PMI.
Je voudrais revenir rapidement sur certains points qui viennent d'être évoqués. Sur la formation, vous nous demandiez vers qui un enfant peut se tourner lorsqu'il est victime, ou lorsqu'il sait que l'un de ses camarades l'est. La culture sur ces questions doit être développée chez tous les acteurs de l'enfance – qu'ils appartiennent à l'éducation nationale, au secteur de la santé, ou à d'autres secteurs d'accueil – de façon à ce que l'enfant puisse, le cas échéant, trouver auprès d'une personne de confiance l'appui nécessaire pour pouvoir parler. Cela suppose qu'il y ait, peut-être dans son milieu de vie, quelqu'un dont il soit proche, pour une raison ou une autre, et à qui il puisse se confier ; ou alors une personne jouissant d'une culture suffisante pour comprendre les signes que peut présenter un enfant, pour repérer chez lui que quelque chose ne va pas, et pour aller vers lui. Il faut que l'enfant puisse aller vers des adultes formés, et que des adultes formés puissent aller vers les enfants qui présentent des difficultés.
Pour les médecins, certains outils existent, mais le développement professionnel continu devrait en faire partie. La Haute Autorité de santé a par exemple édité, il y a deux ou trois ans, un document très bien fait, je trouve, à l'intention des médecins généralistes, sur la manière de repérer des signes de maltraitance, ou, en tout cas, de se poser la question de savoir si un enfant en est victime, ou risque de l'être. Mais les médecins connaissent-ils ce document ? Ces thématiques sont-elles suffisamment développées dans les formations postuniversitaires ? Je n'en suis pas certain.
Vous nous interrogiez sur l'information préoccupante. La législation sur ce sujet a évolué. Il était arrivé, dans le passé, que des médecins soient sanctionnés par le conseil national de leur ordre pour avoir transmis des signalements. Aujourd'hui, un médecin qui transmet un signalement ou une information préoccupante ne doit plus pouvoir être sanctionné par l'ordre, pourvu qu'il l'ait fait suivant les règles de déontologie. Or les médecins ne le savent pas : je lisais hier dans Le Quotidien du médecin la réaction d'un confrère qui disait : « Oui, mais on va être sanctionné si on fait une information préoccupante. » Cela veut dire que cette législation, qui date au moins de quatre ou cinq ans, n'est pas connue des médecins de terrain. Il y a donc vraiment tout un travail de formation et de culture professionnelle à accomplir.
Un mot, enfin, concernant les parents. L'une de mes collègues présentes disait tout à l'heure qu'il fallait renforcer la prévention et expliquer en quoi l'éducation, si elle est violente, comporte des risques. Il faut en effet accomplir ce travail d'explication et de prévention, mais aussi offrir des lieux de parole aux parents, parce que, parfois, pour certains d'entre eux, le travail d'explication et de conviction ne suffit pas. Ils sont de chair et de sang, et leurs propres conflits internes peuvent être avivés par les comportements consécutifs aux difficultés que l'enfant rencontre à ce moment-là. Il faut qu'il y ait auprès d'eux des professionnels auxquels ils puissent faire appel, et qu'ils puissent participer à des groupes de parole facilement accessibles, dans des lieux d'accueil parents-enfants. Il faut, enfin, développer aussi tout ce secteur-là, non pour former les parents au métier d'être parent, parce que ce n'est pas un métier, mais pour leur offrir des lieux d'expression, de dialogue avec d'autres parents, d'échanges d'expériences, où des professionnels soient également présents pour les aider à élaborer ce qui est en train de se passer avec leur bébé ou avec leur enfant. Lorsque ces groupes existent, on voit comment des choses qui ont l'air de se nouer peuvent se dénouer très rapidement. Encore faut-il que ces dispositifs soient développés.