Que l'on soit député depuis un ou plusieurs mandats, quelle que soit la place où nous siégeons dans l'hémicycle, nous savons toutes et tous que le règlement de l'Assemblée nationale est le métronome de la vie de notre institution. C'est bien autour de ce texte que s'organisent nos travaux parlementaires. C'est aussi selon ce texte que nous façonnons la loi, sous l'oeil vigilant du Conseil constitutionnel. C'est enfin ce texte qui détermine en grande partie la perception de notre travail de législateurs par les Françaises et les Français.
Après la profonde refonte de notre règlement dans la foulée de la réforme constitutionnelle de 2008, et après la réforme de 2014 engagée par Claude Bartolone, nous allons à notre tour ajouter une pierre à l'édifice du droit parlementaire.
Nous devons le faire dans un esprit de responsabilité, en étant toujours soucieux d'une plus grande efficacité au service de nos concitoyennes et de nos concitoyens, d'un travail parlementaire aux prises et en phase avec la réalité des territoires dans lesquels ils vivent. Car, mes chers collègues, nous ne nous y trompons pas : derrière la réforme de notre règlement, l'enjeu est bel et bien d'apporter une première réponse à la crise de confiance que connaissent nos institutions, et l'Assemblée en particulier.
Le groupe Libertés et territoires souhaite donc que cette réforme permette aux Français de se reconnaître davantage dans les travaux de notre assemblée. Pour cela, elle doit instaurer un meilleur équilibre entre les droits de la majorité et ceux de l'opposition, des groupes minoritaires et des députés non inscrits, qui ne doivent pas être oubliés. Ils ne sont pas des sous-députés, mais bien des représentants de la nation, élus démocratiquement par les électeurs de leurs circonscriptions.
En abordant l'examen de cette proposition de résolution, nous devons, mes chers collègues, avoir pour objectif la recherche permanente d'un équilibre respectueux de chacun et, si cela est possible, parvenir au consensus le plus large possible, car une réforme du règlement s'inscrit nécessairement dans la durée, dans le temps long. Elle doit avoir une valeur permanente, qui ne change pas au gré des alternances politiques. Chacun de nous sait que la majorité d'aujourd'hui peut être l'opposition de demain, et que ses membres peuvent bientôt siéger dans un groupe minoritaire, voire être non-inscrits.
Nous devons ainsi placer le curseur au bon endroit, entre les droits de la majorité, qui lui viennent de sa forte représentativité, et les nouveaux droits de l'opposition, des groupes minoritaires et des députés non inscrits.
Le pluralisme garanti par l'article 4 de notre Constitution doit pouvoir s'exprimer pleinement à l'Assemblée nationale. Il en va de la crédibilité de notre institution. À cet égard, je souhaite saluer la méthode privilégiée par le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui a réuni régulièrement les groupes parlementaires, six mois durant, afin d'écouter, de dialoguer et de parvenir au meilleur équilibre possible.
Le rapporteur, Sylvain Waserman, a su demeurer fidèle à cet esprit, en consultant largement et en enrichissant la réforme du règlement qui nous est proposée, tout en préservant son esprit originel.
Nous avons ainsi pu avancer ensemble sur la séance unique de questions d'actualité au Gouvernement, dont l'instauration ne devait pas conduire à affaiblir la capacité des groupes minoritaires ou d'opposition à contrôler l'action du Gouvernement.
De la même manière, nous saluons les engagements clairs que nous avons obtenus sur le fait que les seuils nécessaires à la constitution d'un groupe ne seraient pas modifiés par ce projet de résolution. Il s'agissait de lignes rouges à ne pas franchir pour plusieurs groupes parlementaires, dont le nôtre.
Mais soyons clairs : ce que nous défendons, à travers notre position, ce n'est pas la situation du groupe Libertés et territoires, c'est avant tout le pluralisme, utile pour éclairer le débat parlementaire, et qui est vital pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Je ne peux donc que déplorer que nos débats en commission aient été marqués par la mauvaise foi de certains, qui semblent refuser aux députés la possibilité de former librement un groupe politique, alors que la Constitution le prévoit.
Proposer que vingt-neuf députés soient nécessaires pour constituer un groupe, ce qui conduirait à la disparition de plusieurs des groupes de notre assemblée, c'est refuser ce pluralisme qui doit prévaloir dans notre démocratie, c'est nier les courants de pensée dans lesquels se retrouvent un certain nombre de nos concitoyens. Ces courants de pensée sont parfois inscrits depuis très longtemps dans le paysage politique, depuis plus longtemps que ceux qui, aujourd'hui, entendent décider quel groupe politique a le droit de se constituer ou non. Notre groupe n'a pas moins de légitimité que les autres.
Nous entendons les Français qui expriment, depuis plusieurs mois, leur besoin de s'identifier à des élus qui leur ressemblent, et dont le travail puisse être plus facilement valorisable. C'est pour répondre à cette attente que notre règlement doit évoluer. Il doit être plus moderne, et porteur d'une démocratie plus vivante, plus proche de nos concitoyens et plus accessible, si nous voulons que notre démocratie représentative soit réhabilitée.
Cette réforme est donc nécessaire. Pour autant, je m'interroge sur le calendrier dans lequel elle s'inscrit. Pour plus de lisibilité de notre règlement, il aurait en effet pu être plus pertinent de le réformer après la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République à l'issue du grand débat national.
Celle-ci induira inévitablement des évolutions dans l'équilibre entre nos institutions, qui affecteront nécessairement notre assemblée. En 2009, la réforme du règlement avait ainsi eu lieu après la révision constitutionnelle. J'ajoute que, sans une vraie revalorisation du rôle du Parlement, que notre groupe défendra lors de la future réforme constitutionnelle, le travail que nous menons autour de la réforme du règlement n'aurait pas la même utilité ni le même sens.
Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui l'obligation de réussir à améliorer le fonctionnement de notre assemblée, en renforçant les droits de tous.
Des avancées réelles existent dans cette proposition de résolution, notamment sur les travaux des commissions d'enquête, des missions d'information de la Conférence des présidents, et du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Nous saluons également le volontarisme de ce texte pour plus de transparence et de déontologie.
D'autres évolutions, qui vont dans le sens d'une rénovation de la procédure parlementaire, reçoivent l'assentiment des députés de notre groupe. Je pense en particulier au recours, pour certains textes, à la procédure de législation en commission.
Nous soutenons également l'encadrement de la possibilité, pour les députés appartenant à un même groupe, de défendre des amendements identiques. Nous sommes fondamentalement favorables à la liberté de déposer des amendements, mais celle-ci ne doit pas conduire à des pratiques abusives. Or nous avons constaté que cela avait pu être le cas, à des fins d'obstruction parlementaire. C'est cela qui allonge inutilement nos débats, et non l'expression du pluralisme.
Nous nous réjouissons aussi de l'amélioration du dispositif relatif au droit de pétition. La légitimité de notre institution passe également par la capacité offerte à nos concitoyens de saisir notre assemblée d'un sujet, s'il leur paraît important que la représentation nationale l'examine. Nous formulerons plusieurs propositions en ce sens.
Nous imaginons bien dans quel contexte vous avez proposé de limiter les suspensions de séance. Vous savez, monsieur le rapporteur, que notre groupe y est opposé, comme il l'est à la limitation à cinq minutes du temps de parole en discussion générale.
En revanche, nous pensons qu'il sera nécessaire de préciser le nouveau dispositif des contributions écrites, afin de mieux les encadrer, à l'image de ce qui a été instauré pour les questions écrites, ou de ce qui existe aujourd'hui au Parlement européen.
J'espère, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que nous pourrons avancer sur les points que je viens de citer. Ils appellent, pour nous, des améliorations indispensables lors de nos débats. Notre groupe aborde donc l'examen de cette proposition de résolution avec bienveillance, dans un esprit constructif, afin d'en préserver l'esprit et de l'améliorer encore.
Nous espérons que cette réforme du Règlement permettra un fonctionnement plus moderne et plus démocratique de notre assemblée. Nous souhaitons également qu'au-delà de la recherche de l'efficacité, cela permettra à nos compatriotes de mieux comprendre le sens des travaux parlementaires et de se saisir davantage des sujets dont nous discutons ici.
Enfin, nous croyons profondément que seul un meilleur équilibre des droits de chacun nous permettra d'élaborer des lois plus proches de la réalité des territoires, plus efficaces et répondant davantage aux attentes des Françaises et des Français.