Vous êtes le PDG d'une entreprise qui marche bien – tous les collègues l'ont répété. Elle est dotée d'une très forte rentabilité : vous le disiez ce matin au Sénat, 60 % du résultat est redistribué aux actionnaires, dont l'État. C'est une véritable poule aux oeufs d'or dont je ne comprends pas qu'on la livre au privé – et je ne suis pas le seul : la droite ne le comprend pas, la gauche ne le comprend pas, le Sénat ne le comprend pas, le Conseil d'État – à demi-mot – ne le comprend pas, les syndicats ne le comprennent pas. Le comprenez-vous ?
Vous êtes par ailleurs président de Paris Europlace, qui vise à promouvoir la place financière de Paris. Vous êtes donc un fin connaisseur des finances : si vous étiez actionnaire de cette poule aux oeufs d'or, la livreriez-vous au privé ? Vous qui êtes informé du dossier depuis ses prémices, s'agit-il d'un cadeau à Vinci ? Pourriez-vous nous éclairer sur les motivations du Gouvernement ?
Vous essayez de jouer la Suisse en restant neutre : « si c'est privatisé, c'est bien ; si ce n'est pas privatisé, tant mieux ». Mais il ne s'agira pas du même projet si vous devenez filiale de Vinci ou si vous êtes un service public national ! Vous vous retrouvez pris au milieu d'une bataille juridique et politique qui vous dépasse : que veut-on faire des services publics dans ce pays ? Doit-on arrêter de privatiser ?
Le deuxième enjeu est directement politique, c'est « non à Macron ». Le troisième a été posé par notre collègue : quelle démocratie souhaite-t-on ? Est-ce se mettre d'accord ici, avec des majorités automatiques et la toute-puissance de l'exécutif sur le législatif, ou est-ce aussi faire appel aux citoyens par le biais de référendums d'initiative partagée, et peut-être demain d'initiative citoyenne ?
Pour le bien de l'entreprise, votre souhait ne pourrait-il pas être de sortir de ce maelström et de demander le gel de ce projet ?
Cela ne me fera pas pleurer, mais le cours de l'action a nettement baissé en bourse. Cette séquence est-elle bonne pour vous ? En 2005, il y a déjà eu une ouverture de capital. Cela a abouti à la suppression de 2 000 emplois depuis cette date, avec un doublement du trafic. Si l'ouverture de capital se poursuit vers la privatisation, Vinci ne va peut-être pas investir dans la durée – ce que peut se permettre l'État.