La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Augustin de Romanet, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de la société Aéroports de Paris.
En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, nous auditionnons ce matin M. Augustin de Romanet, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général (PDG) de la société Aéroports de Paris (ADP).
Le Président de la République ne peut procéder à la nomination si l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
M. Augustin de Romanet a été entendu ce matin par le Sénat. L'audition, publique, sera suivie d'un vote à scrutin secret, effectué par appel nominal, hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote n'est possible ; des bulletins vous seront distribués. Deux scrutateurs seront nécessaires.
Monsieur de Romanet, nous vous avions déjà entendu, le 4 juillet dernier, au titre de vos fonctions de PDG d'ADP, alors qu'était annoncée la cession de participations de l'État au capital de la société. Celle-ci a finalement été inscrite dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE, et validée par le Conseil constitutionnel.
La proposition de reconduction dans vos fonctions intervient dans un contexte inédit. Vous le savez, la cession des participations de l'État dans ADP a suscité un débat très nourri au sein de notre Assemblée. Certains de nos collègues ont déposé une proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris en vue de sa soumission à un référendum d'initiative partagée. Le 9 mai dernier, le Conseil constitutionnel a jugé cette proposition conforme aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution.
Dans ces conditions, l'audition d'aujourd'hui présente évidemment un relief particulier. Je ne doute pas que de nombreuses questions vous seront posées par mes collègues, aussi je serai brève. Je vous propose de nous présenter dans un propos liminaire les axes que vous souhaitez privilégier dans le cadre de vos fonctions – si vous y êtes reconduit –, puis nous passerons aux questions.
Je vous remercie de m'accueillir pour cette présentation. Je rappellerai brièvement les grands enjeux du transport aérien et du groupe ADP, vous exposerai nos projets, puis vous dirai quelques mots de la privatisation car vous ne comprendriez pas que je ne parle pas de ce sujet d'actualité.
Quels sont les grands enjeux des groupes aéroportuaires mondiaux et d'ADP ? J'ai coutume de dire que l'entreprise n'appartient pas uniquement à ses actionnaires, mais à toutes ses parties prenantes – clients, salariés, actionnaires, mais aussi territoires sur lesquels elle exerce son activité.
Aux XXe et XXIe siècles, un nouveau métier a émergé, dans des conditions de croissance totalement atypiques, car non soutenables sur le long terme. Le transport aérien représentait 100 millions de passagers en 1960 et on estime que 8 milliards de passagers prendront l'avion en 2037, soit une multiplication par 80 en 80 ans. Cette demande croissante tient notamment au fait que les personnes accédant au statut de classe moyenne veulent voyager – un Indien moyen voyage 28 fois moins qu'un Américain. Après s'être logées, nourries, vêtues, les classes moyennes des pays émergents veulent voyager.
Sans considérer cela comme acquis pour l'éternité, à court terme, la demande de notre clientèle est forte et, en tant qu'aéroports, nous devons y répondre. À Paris, entre 2013 et aujourd'hui, nous avons reçu 16 millions de passagers supplémentaires. En six ans, sans aucun nouvel équipement, nous avons donc accueilli l'équivalent de deux fois l'aéroport de Marseille, ou plus que l'aéroport de Nice.
Notre première responsabilité vis-à-vis de nos clients est d'optimiser nos infrastructures – l'inauguration d'Orly 3 en est une illustration. Ces derniers recherchent également la connectivité : avec 331 villes et cent dix-sept pays desservis, et la meilleure desserte européenne vers la Chine, Paris remplit son rôle de facilitation du développement économique du pays.
En outre, nos clients recherchent la qualité de service. Une de nos priorités est de bien exercer notre mission d'hospitalité dans l'aéroport. Un classement récent, prenant en compte la ponctualité des avions, a fait polémique : on ne peut comparer la ponctualité dans un aéroport où trois avions décollent chaque jour et celle d'un aéroport comme Charles-de-Gaulle… Le classement AirHelp ne rend donc pas compte du travail réalisé par nos équipes. Le classement Skytrax souligne bien que nous avons amélioré notre performance et ainsi gagné 65 places depuis 2014. Nous sommes toujours sur une trajectoire ascendante.
Ensuite, que nous demandent nos actionnaires ? Ils veulent de la rentabilité, de la responsabilité et de la prévisibilité. S'agissant de rentabilité, le total shareholder return (TSR) ou rendement global d'un actionnaire qui aurait acheté une action en novembre 2012 et l'aurait revendue en décembre 2018, est de 22,5 % par an. De même, les dividendes ont régulièrement progressé puisque nous distribuons 60 % de nos résultats.
Enfin, qu'en est-il de nos salariés ? Notre objectif est d'accroître la performance de l'entreprise : nous savons que cela passe par la performance des salariés, leur développement personnel et leur formation professionnelle. Nous avons donc passé de très nombreux accords avec les organisations syndicales : accord d'intéressement sur le partage de la valeur ajoutée – nous sommes fiers de distribuer chaque année 8 % de la masse salariale en participation et en intéressement, ce qui permet à nos salariés de posséder 1,6 % du capital du groupe ADP, soit plus de 300 millions d'euros ; accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en janvier 2019 ; accord sur l'égalité professionnelle ; accord sur la diversité en 2017 ; accord permettant de prendre des congés supplémentaires pour s'occuper d'un enfant ou d'un proche ; accord de télétravail.
Notre taux d'emploi de personnes handicapées est de 7,3 %, supérieur aux obligations légales, ce dont nous sommes très fiers. Nous avons le souci d'accroître l'apprentissage – nous allons doubler notre nombre d'alternants au cours de l'année à venir ; nous multiplions les stages – notamment pour les élèves de troisième. Cela nous permet de conserver des salariés mobilisés pour les missions de l'entreprise – notamment la qualité de service – quelles que soient les circonstances extérieures.
Les territoires sont la troisième partie prenante : vous le savez, un aéroport ne peut pas se développer si les territoires alentours n'ont pas le sentiment que les externalités positives compensent les externalités négatives. Un aéroport accueille des avions qui font du bruit. Si nous ne sommes pas en mesure de créer des emplois, pourvus par les personnes des territoires proches, et de relayer les préoccupations environnementales pour maximiser les réductions de bruit, nous ne faisons pas notre travail. Notre structure tarifaire nous permet de favoriser les avions peu bruyants et qui polluent peu.
Nous essayons de conserver un équilibre entre ces quatre principales parties prenantes dans nos projets.
Quels seraient nos projets dans les cinq ans du mandat à venir si vous acceptiez de continuer à me le confier ? Nous souhaitons satisfaire la demande des clients – pouvoir être accueillis dans des conditions acceptables – quels qu'ils soient : clients des lignes internationales, comme ceux des lignes sous obligation de service public (OSP) à Orly, qui arrivent par exemple d'Aurillac. Nous allons investir 6 milliards d'euros dans les cinq prochaines années, en étant le plus productif possible et en continuant à demander à nos salariés des efforts d'organisation. Nous allons réaliser 130 millions d'euros d'économies d'ici 2025, ce qui devrait nous permettre de n'augmenter nos tarifs que de la hausse des prix plus 1,35 %, tout en doublant le montant des investissements – contre une augmentation égale à celle des prix plus 1,3 % dans le précédent contrat.
Parallèlement, nous allons continuer à développer nos activités commerciales, immobilières et internationales. Le développement de ces dernières doit permettre à l'entreprise de capter la croissance mondiale, de proposer à nos plus jeunes collaborateurs des carrières internationales qui rendent l'entreprise très attractive pour eux et de projeter le savoir-faire français en ingénierie, en bâtiment et travaux publics (BTP), en tours de contrôle ou en systèmes de transport automatique (people mover). Lorsque nous sommes concessionnaires d'un aéroport à l'autre bout du monde, les entreprises françaises peuvent y réaliser des investissements, des prestations de service, des constructions, etc.
Ce développement n'est possible que s'il est acceptable, en particulier en termes d'empreintes sonore et carbone. Nos émissions de CO2 ont diminué de 70 % depuis 2008 et nous nous sommes fixé l'objectif ambitieux de neutralité carbone en 2030 – sans acquisition de quotas de compensation. Nous allons recourir à des modes de chauffage plus écologiques – chauffage au bois et géothermie. Nous avons investi dans une chaudière au bois qui chauffe 25 % de l'aéroport Charles-de-Gaulle et allons développer la géothermie – elle est déjà installée à Orly. Nous allons mettre nos flottes de véhicules à l'électrique et installer des prises aux points de parking pour éviter que les avions n'utilisent les groupes électrogènes lorsqu'ils sont à poste.
Nous nous sommes fixé une discipline interne stricte et avons décidé de fixer le prix interne du carbone à 100 euros, ce qui nous assure qu'il va « mordre » sur nos décisions d'investissement fortement émettrices de CO2. En outre, nous avons le devoir d'encourager les compagnies aériennes à développer des comportements vertueux. Je ne vous cache pas ma satisfaction lorsque, récemment, j'ai reçu l'actionnaire de la compagnie Corsair qui a bien compris que nous n'étions pas amis des avions bruyants et m'a annoncé que l'entreprise allait progressivement retirer ses Boeing 747 d'Orly par souci de l'environnement. Nos structures tarifaires visent à favoriser les avions qui polluent peu et font moins de bruit – un Airbus A320 Neo est deux fois moins bruyant qu'un A320 ancienne génération.
S'agissant des territoires, nous faisons beaucoup d'efforts pour l'accès à l'emploi et cherchons à renforcer les relations entre employeurs présents sur les plateformes et demandeurs d'emploi, à approfondir la coopération avec l'éducation nationale et les collectivités compétentes, mais aussi à améliorer l'insertion des personnes éloignées du marché du travail.
Pour conclure – vous ne seriez probablement pas à l'aise si je n'abordais pas de moi-même le sujet – je reviendrai sur la privatisation. Depuis ma nomination il y a six ans, j'ai toujours veillé à nous immuniser contre une identification de l'entreprise à la privatisation. Nous n'avons jamais considéré qu'elle était en soi à redouter ou à désirer. Notre fierté, c'est de remplir nos devoirs vis-à-vis des quatre parties prenantes, quel que soit notre actionnaire. Il n'existe pas de fatalité à être mal géré quand on est public, et appartenir à un actionnaire privé ne signifie pas forcément être efficace.
Notre fierté, et celle des collaborateurs d'ADP, est de rendre un bon service aux clients, aux compagnies aériennes et de respecter les territoires, quels que soient notre statut et la nature de l'actionnaire. Lorsqu'il y a deux ans, les pouvoirs publics nous ont fait part de leur souhait de descendre en dessous de 50 % du capital, nous leur avons transmis les éléments techniques de nature à permettre de préserver l'intégrité du modèle économique de l'entreprise et celle du système aéroportuaire francilien – Orly, Le Bourget et Charles-de-Gaulle, qui se complètent et ne se font pas concurrence.
La loi PACTE, telle que vous l'avez votée, accroît la faculté pour la puissance publique de contrôler l'actif et certains de nos collaborateurs, sur le ton de la plaisanterie, répètent souvent que cette loi nationalise l'entreprise ! Bien sûr, ce n'est pas le cas car la loi autorise l'État à réduire sa participation sous 50 %, mais des dispositions accroissent le contrôle sur le foncier et les actifs de Paris redeviendront propriété publique dans soixante-dix ans. Je suis évidemment prêt à répondre à vos questions sur le sujet.
S'agissant du référendum d'initiative partagée, nous n'avons pas de commentaire à faire. Concernant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi PACTE, nous ne pouvons naturellement pas commenter sa décision, comme cela a été repris dans une dépêche. Mais l'argument consistant à dire que nous sommes en concurrence nous touche puisque nous nous vivons comme tel : lorsqu'un passager veut aller du continent américain au continent asiatique, il est obligé de prendre une correspondance. Nous sommes alors en très forte concurrence avec Londres, Amsterdam, Francfort, Istanbul, Doha, Abou Dhabi, Dubaï et même Oman, qui vient de créer un hub il y a quelques mois. Nous sommes également en concurrence avec les centres-villes pour les commerces et avec les grands aménageurs pour l'immobilier – ainsi à Orly avec Icade.
Le ministre des finances a indiqué dimanche dans une interview qu'il souhaite que la France dispose d'un groupe aéroportuaire leader mondial. Nous partageons cet objectif et nous avons eu cette chance en 2018, avec 280 millions de passagers. Il est donc possible d'être leader mondial en étant public. Si nous ne gagnons pas d'autres concessions, il se peut que nous perdions cette première place car nous perdons l'exploitation de l'aéroport Atatürk à Istanbul, soit 70 millions de passagers en moins en 2019. Mais la compétition a toujours stimulé les énergies, c'est pourquoi nous ne la redoutons pas !
Monsieur Augustin de Romanet, vous dirigez ADP depuis 2012. L'entreprise fonctionne bien. Son résultat net a doublé en cinq ans. En 2018, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros – en hausse de 24 % par rapport à 2017 – et un résultat net du groupe de 610 millions d'euros – en hausse de 7 %. Votre nomination est l'occasion d'engager avec vous une discussion sur les défis de l'entreprise, que celle-ci reste publique ou qu'elle soit privatisée.
Nous parlions de sa santé financière. Depuis le gel de la privatisation, le cours en bourse d'Aéroports de Paris – 182 euros fin avril – a dévissé aux alentours de 155 euros. Revenons-nous simplement au niveau de 2017-2018, où existe-t-il une réelle inquiétude liée à l'incertitude juridique ?
S'agissant de la privatisation, la loi PACTE supprime l'obligation pour l'État de détenir la majorité du capital. Pour autant, le mode de régulation après la privatisation ne change pas, et les pouvoirs publics conservent une maîtrise totale du niveau des redevances appliquées aux compagnies aériennes. En outre, l'État garde l'intégralité de ses prérogatives actuelles, notamment le contrôle des frontières, de la zone publique, des marchandises et de la sécurité aérienne. Il est important de le redire.
Toutes ces assurances, le ministre de l'économie et les rapporteurs du projet de loi les ont expliquées. Néanmoins, il est un argument que nous n'entendons pas assez : l'intérêt stratégique pour notre pays de faire d'ADP un leader mondial incontesté du secteur aéronautique, que l'ouverture de son capital pourrait accompagner et renforcer. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur cet intérêt stratégique ?
Au-delà de ce débat, d'autres défis se posent à vous. Premier défi de taille, celui de l'amélioration de la qualité de service : certaines défaillances ne sont pas du seul fait d'Aéroports de Paris, comme les difficultés d'accès routier et ferroviaire. Qu'attendez-vous des pouvoirs publics en la matière ? Comment vous impliquez-vous dans l'amélioration de la qualité de service ?
Vous estimez que la construction d'un quatrième terminal à Roissy y contribuerait, mais permettrait également d'absorber une partie de la croissance du trafic aérien mondial et de ses retombées économiques. Je sais que vous avez à coeur l'acceptabilité de l'activité aéroportuaire sur le territoire. Bien que la réglementation ne l'impose pas, vous avez engagé une concertation publique sur la construction du terminal 4. J'y ai assisté à plusieurs reprises, et des tensions se font toujours sentir avec les associations de riverains sur les conséquences environnementales et en matière de nuisances liées à l'activité aéroportuaire. J'ai eu à coeur de mener le combat contre les nuisances sonores et pour la protection des riverains. Nous avons obtenu des avancées dans le cadre des débats liés à la privatisation de l'entreprise, qui doivent permettre d'améliorer la situation actuelle.
Je vous remercie de votre présence et des réponses aux questions que nous allons vous poser. Vous avez raison, le trafic aérien évolue positivement au niveau mondial et au niveau local. Les avionneurs – il faut le saluer – font des efforts importants pour diminuer l'empreinte écologique de ce moyen de transport. Il faut des plateformes importantes pour que cela fonctionne. ADP est une entreprise reconnue : Charles-de-Gaulle est le dixième aéroport du monde, vous évoluez très fortement, votre savoir-faire est reconnu dans d'autres pays – vous avez obtenu différents marchés, en Chine, à Hong Kong, à Shenzhen, au Vietnam ou même au Mexique récemment. Au nom du groupe Les Républicains, je voudrais vous féliciter, ainsi que l'ensemble des salariés d'ADP.
Actuellement, ADP est détenu à hauteur de 50,6 % par l'État français, les autres actionnaires étant présents à des niveaux bien inférieurs – 8 % pour Schipol et 8 % pour Vinci. Votre rentabilité annuelle de 22,5 % sur les cinq dernières années m'interpelle : ADP est une belle machine qui fonctionne bien et qui produit du cash. À l'heure où l'on parle de privatisation, quelle part l'État devrait-il idéalement détenir pour conserver une minorité de blocage ? L'État peut-il créer un pacte d'actionnaires avec un autre actionnaire ?
Si la privatisation devait avoir lieu – ce que je ne souhaite pas à titre personnel –, qui gérera les créneaux donnés aux différentes compagnies, notamment ceux des vols intérieurs, qui ne sont pas toujours d'un intérêt économique vital mais sont essentiels pour l'aménagement de notre territoire ?
Quelles seront vos relations avec les plateformes disséminées dans notre pays ? Chacun sait que nous ne créerons plus de nouvelle plateforme après Notre-Dame-des-Landes. Ainsi, dans le Jura, à Tavaux, une excellente plateforme aéroportuaire est gérée par la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Des liens sont-ils possibles avec cette plateforme, mais aussi avec d'autres aéroports régionaux ?
Monsieur Augustin de Romanet, le calendrier veut que nous examinions la proposition de votre nomination, quelques jours après la validation par le Conseil constitutionnel de l'organisation du référendum d'initiative partagée qui vise à contester la privatisation du groupe Aéroports de Paris.
Permettez-moi, avant de vous interroger, de m'étonner de l'alliance de circonstance qui s'est nouée dans les couloirs de notre assemblée pour faire obstacle à la procédure parlementaire. Alliance étrange qui ne doit son existence qu'à l'opportunisme des uns et au reniement des autres. (Protestations.)
Que l'on soit pour ou contre la privatisation d'ADP, on ne peut que regretter cette manoeuvre des oppositions. Ou devrais-je utiliser le singulier, et me réjouir de leur union. (Nouvelles protestations.) De La France Insoumise aux Républicains – les signataires n'ayant pas poussé le vice jusqu'à associer le Rassemblement national –, nos collègues ont trouvé des causes communes pour lesquelles se battre.
C'est une manoeuvre légale certes, mais peu honorable. La décision du Conseil constitutionnel est peut-être conforme à la lettre de notre Constitution, mais elle ne l'est pas à son esprit. En son article 11, cette dernière dispose qu'un tel référendum ne peut remettre en cause une disposition adoptée par le Parlement depuis moins d'un an. Le constituant avait donc à coeur de ne pas opposer démocraties directe et représentative en empêchant les procéduriers de se saisir de la première contre la seconde. En définitive, je crains que cette manoeuvre ne serve ni le Parlement, ni la démocratie, ni la France, ni les Français. Nous ne pouvons que regretter le dévoiement de cet instrument de démocratie directe, dont nous souhaitons, par ailleurs, faciliter le recours à travers la réforme constitutionnelle.
J'en viens maintenant à mes questions, monsieur Augustin de Romanet. Je ferai simple car vous avez déjà partiellement répondu. Vous avez parlé de croissance non soutenable. Comment expliquez-vous que les aéroports de Paris soient si mal classés à l'international ? Est-ce le fruit de l'histoire ou des contraintes réglementaires ? Qui en porte la responsabilité ? Pouvez-vous nous faire un bilan de votre action depuis 2012 pour remédier à cette situation ? Quel en est le résultat ?
Nous examinons actuellement le projet de loi d'orientation des mobilités. Pourriez-vous nous dire – éventuellement à titre personnel –, ce que vous pensez d'une taxe sur le kérosène et sur le « vrai prix » d'un billet d'avion ? Une étude récente met en lumière les conséquences graves pour l'espérance de vie des personnes vivant aux abords des aéroports : quelles sont vos pistes pour réduire encore davantage les nuisances sonores ?
Quel terrible paradoxe, monsieur Augustin de Romanet : vous allez sans doute redoubler alors que vous avez fait du bon travail ! Vous êtes un bon élève. D'ailleurs, vous êtes fier de votre bilan – vous l'avez laissé transparaître dans vos propos et dans une publicité récente dans plusieurs journaux. Quelques chiffres permettent de l'illustrer – cela nous éloignera de vaines polémiques : vous avez géré 281,4 millions de passagers en 2018 et êtes devenu le numéro un mondial de la gestion aéroportuaire ; le trafic aérien a progressé de 7,6 % par rapport à 2017 pour l'ensemble du groupe et de 3,8 % sur la plateforme de Paris ; le chiffre d'affaires est en hausse de 23,8 % en 2018 – 4,5 milliards d'euros – et le bénéfice net de 6,9 % – 110 millions d'euros. Le chiffre d'affaires a progressé de 60,6 % depuis votre arrivée à la tête de l'entreprise publique et, au premier trimestre 2019, la dynamique se poursuit puisque le chiffre d'affaires consolidé progresse de 11,9 %, pour atteindre 1,08 milliard d'euros.
ADP mène une politique de développement ambitieuse à l'international : prise de contrôle d'Airport International Group (AIG) – concessionnaire de l'aéroport international d'Amman en Jordanie – et acquisition de la société de gestion de l'aéroport d'Antalya, en mai 2018, par le biais de TAV Airports.
Le chiffre d'affaires par passager – 18,40 euros en 2018 – devrait atteindre 23 euros après livraison de projets d'infrastructures. Les perspectives financières de croissance du trafic aérien et de développement international du groupe sont donc excellentes. L'entreprise est bien gérée – c'est tout à votre honneur. De surcroît, l'État peut en attendre des dividendes conséquents et en progression.
Monsieur Augustin de Romanet, vous qui dirigez cette entreprise depuis maintenant sept ans, et qui avez également dirigé la Caisse des dépôts et consignations pendant cinq ans, vous anticipez donc les perspectives financières et semblez soucieux des finances et des actionnaires qui accompagnent votre entreprise. Pensez-vous qu'un actionnaire avisé devrait – ou pas – conserver dans son portefeuille les actions du groupe ADP, qui est une entreprise florissante ? Vous en avez fait la démonstration : le statut actuel et la participation de l'État ne vous ont pas empêché de mener à bien vos projets et la stratégie de l'entreprise.
En souhaitant vous reconduire dans vos fonctions de PDG d'Aéroports de Paris, le Président de la République semble reconnaissant du travail d'ores et déjà effectué. Mais il est également soucieux de la stabilité de l'entreprise, plus que jamais cruciale alors qu'ADP est au croisement des chemins et dans une période un peu floue.
J'avoue ne pas être strictement opposé à la privatisation, mais elle doit s'accompagner de tous les garde-fous possibles pour qu'elle ne se fasse pas à n'importe quel prix. En effet, ADP se porte plus que bien, il suffit de regarder les résultats records de 2018 ou votre bénéfice net, qui a doublé en cinq ans. Tous les voyants sont donc au vert. C'est pourquoi il ne faut pas brader l'entreprise. Il faut également veiller à ce que les consommateurs ne soient pas les dindons de la farce – comme ce fut le cas pour les autoroutes – avec des coûts aéroportuaires à la hausse.
Nous avons conscience que le référendum d'initiative citoyenne, validé par le Conseil constitutionnel, vous plonge dans l'incertitude face aux futurs investisseurs. Vinci semble avoir déjà pris les devants, en acquérant l'aéroport britannique de Gatwick. Comment analysez-vous la situation ? Comment poursuivez-vous les négociations avec l'État sur le projet de contrat de régulation économique pour 2021-2025 ?
Votre vision prospective d'ADP passe notamment par le Plan stratégique 2025. En cas de privatisation, vous n'avez aucune garantie que cette belle ambition ne soit pas remise en question. Comment voyez-vous les choses ?
Vous avez lancé de nombreux et importants chantiers. Pouvez-vous nous rappeler quels sont les principaux en cours, la manière dont ils évoluent et ce que vous en attendez exactement en termes de compétitivité ? Quels seront les impacts de la privatisation sur les grands travaux en cours ? L'inauguration il y a un peu plus d'un mois d'Orly 3 fait partie de votre politique de renouveau. Pourriez-vous nous présenter cette nouvelle infrastructure ? Comment va-t-elle faire évoluer la fluidité des flux de passagers ? Qu'implique-t-elle en matière environnementale ?
Nous le savons, nos aéroports sont une des premières victimes du savoir-faire français et de l'accueil français que nous présentons aux voyageurs étrangers. Quels sont vos perspectives et vos projets pour améliorer l'image de nos aéroports et l'accueil des passagers ?
Enfin, dans vos projections, vous évoquez une hausse du nombre de passagers de plus de 20 millions d'ici 2025 : sur quoi vous fondez-vous ?
Vous êtes le PDG d'une entreprise qui marche bien – tous les collègues l'ont répété. Elle est dotée d'une très forte rentabilité : vous le disiez ce matin au Sénat, 60 % du résultat est redistribué aux actionnaires, dont l'État. C'est une véritable poule aux oeufs d'or dont je ne comprends pas qu'on la livre au privé – et je ne suis pas le seul : la droite ne le comprend pas, la gauche ne le comprend pas, le Sénat ne le comprend pas, le Conseil d'État – à demi-mot – ne le comprend pas, les syndicats ne le comprennent pas. Le comprenez-vous ?
Vous êtes par ailleurs président de Paris Europlace, qui vise à promouvoir la place financière de Paris. Vous êtes donc un fin connaisseur des finances : si vous étiez actionnaire de cette poule aux oeufs d'or, la livreriez-vous au privé ? Vous qui êtes informé du dossier depuis ses prémices, s'agit-il d'un cadeau à Vinci ? Pourriez-vous nous éclairer sur les motivations du Gouvernement ?
Vous essayez de jouer la Suisse en restant neutre : « si c'est privatisé, c'est bien ; si ce n'est pas privatisé, tant mieux ». Mais il ne s'agira pas du même projet si vous devenez filiale de Vinci ou si vous êtes un service public national ! Vous vous retrouvez pris au milieu d'une bataille juridique et politique qui vous dépasse : que veut-on faire des services publics dans ce pays ? Doit-on arrêter de privatiser ?
Le deuxième enjeu est directement politique, c'est « non à Macron ». Le troisième a été posé par notre collègue : quelle démocratie souhaite-t-on ? Est-ce se mettre d'accord ici, avec des majorités automatiques et la toute-puissance de l'exécutif sur le législatif, ou est-ce aussi faire appel aux citoyens par le biais de référendums d'initiative partagée, et peut-être demain d'initiative citoyenne ?
Pour le bien de l'entreprise, votre souhait ne pourrait-il pas être de sortir de ce maelström et de demander le gel de ce projet ?
Cela ne me fera pas pleurer, mais le cours de l'action a nettement baissé en bourse. Cette séquence est-elle bonne pour vous ? En 2005, il y a déjà eu une ouverture de capital. Cela a abouti à la suppression de 2 000 emplois depuis cette date, avec un doublement du trafic. Si l'ouverture de capital se poursuit vers la privatisation, Vinci ne va peut-être pas investir dans la durée – ce que peut se permettre l'État.
Je n'entrerai évidemment pas dans les controverses que peut susciter la perspective de la privatisation d'Aéroports de Paris. Cette audition en vue de votre reconduction n'est pas le lieu de le faire.
Les très bons résultats d'Aéroports de Paris témoignent de la qualité de votre action à la tête de ce grand groupe. Je tiens à le souligner, et je m'en félicite. Je parle non pas seulement des résultats sur le plan financier, mais aussi des résultats sur le plan environnemental : ADP, vous l'avez rappelé, accompagne la lutte contre le réchauffement climatique et s'est fixé des objectifs très ambitieux, en particulier celui de réduire de 65 % ses émissions de CO2 par passager entre 2009 et 2020, tout en développant le trafic.
Je veux revenir sur quelques questions que j'ai déjà abordées dans le cadre de la discussion de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE, notamment sur l'idée d'un retour à la caisse unique afin que les activités commerciales de plus en plus importantes dans les aéroports de Roissy et d'Orly contribuent, comme il se doit, aux investissements futurs, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres pays, et, par conséquent, permettent de modérer les redevances aéroportuaires d'ADP. Quel est votre point de vue ? Nous avions également souhaité redonner à l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires tout son rôle, notamment dans l'encadrement des tarifs.
Sujet d'actualité, les chauffeurs de taxi, qui ont manifesté hier devant l'Assemblée nationale, sont confrontés à de très graves difficultés, notamment à cause des conditions dans lesquelles ils sont accueillis à Roissy et à Orly. Les files d'attente, tant des taxis que des passagers qui sortent des aéroports, sont particulièrement longues. Le problème est-il en voie de solution ? Il y va aussi de l'image que nous donnons aux étrangers qui arrivent dans notre pays.
Quant à l'accueil et aux conditions d'accueil des agents de l'État, ne reste-t-il pas beaucoup d'efforts à faire ?
Je vous invite, monsieur le président-directeur général, à répondre aux questions des orateurs des groupes, avant les questions de nos autres collègues.
Oui, madame Zivka Park, les inquiétudes liées à la privatisation ont un impact sur le cours de l'action – vous avez vous-même donné la réponse. L'existence de l'incertitude a un peu « décalé » le cours de l'action.
Vous m'avez également demandé quel était l'intérêt stratégique d'une privatisation. Je remercie tous ceux d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, qui m'ont interrogé en essayant d'aborder la question sous un jour apaisé. En soi, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le fait d'avoir un actionnaire public ou privé ne doit pas avoir de conséquences sur la qualité de notre gestion. Il faut espérer que toutes les entreprises publiques sont dans le même état d'esprit de compétitivité que les entreprises privées. Ce qui peut changer – je réponds techniquement à une question technique –, c'est que l'État ne pouvant descendre en dessous de 50 % du capital, nous ne pourrions, si nous avions un projet de fusion avec un autre grand groupe mondial, procéder par échanges de titres, ni faire une augmentation de capital. Techniquement, il y a donc une petite limitation au développement du groupe – à question technique, réponse technique.
Nous avons effectivement accordé une très grande attention aux accès routiers ; le prochain contrat prévoit ainsi 925 millions d'euros à cet effet. Les accès ferroviaires sont également très importants. Nous avons milité pour la ligne 17, qui desservira le futur terminal 4 et Le Mesnil-Amelot. Il faut qu'elle arrive le plus vite possible. Nous avons obtenu qu'elle arrive au Bourget-Aéroport pour 2024. Vous pouvez être assurés de notre engagement.
En outre, je vous remercie des mots aimables que vous avez eus à l'endroit des salariés d'ADP.
Vous avez évoqué les tensions que peut susciter le terminal 4. Nous n'étions pas obligés de faire cette concertation, et nous n'étions pas non plus obligés de la faire avec des garants, mais nous avons choisi de demander à la Commission nationale du débat public (CNDP) d'en désigner quatre. La concertation a donné lieu à 900 000 flyers dans 488 communes, plus de 30 réunions, 110 contributions écrites. Elle nous a permis d'acquérir beaucoup d'informations pour améliorer le projet.
Monsieur Jean-Marie Sermier, je vous remercie également des compliments que vous avez adressés aux équipes d'ADP. Il m'est difficile de vous dire quelle doit être, dans l'idéal, la part de tel ou tel actionnaire. Si je le faisais, je sortirais de ma condition. Comme je vous l'ai dit, j'essaie de faire mon métier en restant à ma place. Il est donc compliqué, pour moi, de répondre à votre question.
Les créneaux seront toujours gérés par l'Association pour la coordination des horaires, ou COHOR, c'est-à-dire l'organisme qui les gère aujourd'hui. Il n'y aura donc pas de changement dans l'attribution des créneaux.
Nos relations avec les plateformes régionales sont très bonnes parce que notre intérêt est d'améliorer la connectivité du pays. Quand une ligne s'ouvre, nous en sommes satisfaits, même si, compte tenu de la saturation d'Orly, nous avons évidemment, parfois, des difficultés. Sur certaines lignes, il y a parfois dix passagers ; il n'en faut pas moins veiller à accueillir toutes les lignes dans de bonnes conditions. J'aurai l'occasion d'y revenir si vous le voulez, mais nous faisons beaucoup d'efforts. Nous avons notamment modifié quarante postes avion pour pouvoir accueillir au contact des petits modules. Nos relations avec les plateformes ne changeraient donc pas, me semble-t-il, si nous changions d'actionnaires.
M. Jimmy Pahun évoquait le fait que les aéroports d'ADP sont mal classés du point de vue de la qualité de service. Il faut cependant vous dire que la qualité de service n'était pas une préoccupation avant 2010 – c'est M. Pierre Graff qui a alors commencé à s'en occuper – et, à mon arrivée en 2012, nous ne figurions même pas dans les classements. Nous avons donc commencé par nous dire qu'il fallait que nous nous mesurions aux autres. La première année que l'aéroport Charles-de-Gaulle a été classé, nous étions quatre-vingt-quinzième au classement Skytrax, qui regroupe 500 aéroports. Cette année, nous sommes trentième. Si vous prenez les trente plus gros aéroports du monde, nous sommes neuvième. Le terminal 2E, porte M – ce qu'on appelle le S4 dans notre jargon – était l'an dernier le quatrième meilleur terminal du monde. L'un de nos soucis est donc l'hétérogénéité de nos terminaux. Quant au classement AirHelp, paru il y a quelques jours, qui prend en compte la ponctualité des avions, il compare l'aéroport de Tenerife, avec trois vols par jour, et l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle… Si vous le souhaitez, je pourrai développer en privé.
Quant à la taxe sur le kérosène, je rappellerai simplement que le secteur aérien finance déjà lui-même ses infrastructures : les aéroports, les terminaux, les pistes… Tout cela est payé par le passager, sans aucune subvention. Si d'aventure, une taxe était envisagée, il faudrait veiller à faire un level playing field au niveau mondial pour ne pas pénaliser les compagnies françaises, notamment Air France.
Merci, monsieur Christophe Bouillon, de votre intervention, qui ira droit au coeur de l'ensemble des collaborateurs du groupe.
Par ailleurs, votre propos est particulièrement habile et intelligent parce qu'il me conduit imperceptiblement à sortir de ma condition et à me transporter du rôle de manager et de dirigeant mandataire social à celui d'analyste financier ou de conseil en placements boursiers ; je rends donc hommage à l'habileté de votre question, mais cela vous expliquera aussi mon embarras à vous répondre.
Ceux qui ont acheté l'action à 200 euros au mois de juillet ont aujourd'hui un titre d'une valeur de 150 euros ; ils ont donc perdu 25 %. La bourse est toujours un peu risquée. Ce qui est vrai, c'est que l'action a connu un bon parcours depuis 2013. Le rendement de notre périmètre régulé n'était que de 3,8 %, et nous avons atteint le niveau du cours moyen pondéré du capital. Tout ce que je dis est absolument public, c'est sur le site internet de la société et, le 5 avril dernier, nous l'avons expliqué à tous les investisseurs. Il est exact que l'un des facteurs de progression du cours depuis 2013 a été le fait que nous avons atteint notre plafond de rentabilité sur le secteur régulé. Nous étions à 3,8 %, nous avons atteint les 5,4 % du troisième contrat de régulation économique ; pour le quatrième contrat de régulation économique, nous avons un coût moyen pondéré du capital estimé à 5,6 %, et nous avons même démarré avec un tout petit peu d'avance. Sur la partie régulée, nous allons donc dégrader marginalement notre rentabilité. Ce qui est vrai, c'est que, le 5 avril, nous avons annoncé aux marchés financiers que notre résultat opérationnel courant et notre EBITDA – earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization – pourraient, si tout se passe bien – il y a des risques – croître d'ici à 2025 de 40 % à 60 % ; nous espérons, d'une part, maintenir la rentabilité du périmètre régulé au niveau de 5,6 % en moyenne au cours de cette période et, d'autre part, développer nos activités internationales, nos commerces, etc.
Placer son argent ainsi, en bourse, est-il sans risque ? Non. Il y a des risques liés au terrorisme – le trafic peut alors s'effondrer –, aux pandémies, etc. Par ailleurs, le rapport des coûts aux bénéfices est très élevé ; aujourd'hui, il est de 25,4, mais, avant la chute du cours, il était de 30.
Qu'est-ce que cela veut dire ? L'activité de l'État en tant qu'actionnaire d'ADP consiste à se dire « j'ai un actif qui a été géré dans des conditions telles que sa valorisation est aujourd'hui élevée ». Il est incontestable, et nous l'avons montré le 5 avril, que nous avons tout fait pour que si, d'aventure, des titres devaient être cédés, rien ne soit caché du potentiel de croissance de cette entreprise, de manière à ce que le bon prix soit payé. Finalement, si nous sommes vraiment une si bonne affaire, le marché paiera le vrai prix, et il y aura une vraie compétition. Ce qui est important, me semble-t-il, c'est qu'il y a des risques mais que l'activité d'infrastructure régulée d'ADP – comme celle d'Engie, de Veolia, ou de beaucoup d'autres entreprises qui gèrent des services publics pour partie régulés – attire les investisseurs boursiers parce que l'imprévisibilité est moins grande et la volatilité présumée plus faible ; mais le fait que cette volatilité soit présumée plus faible fait que notre prix est plus élevé. Songez que la capitalisation boursière d'ADP est deux à trois fois supérieure à celle d'autres entreprises qui ont le même résultat. Avec 600 millions d'euros de résultat net, la capitalisation boursière de certaines sociétés cotées à Paris n'est que de 8 à 10 milliards d'euros – elle peut même être inférieure.
L'arbitrage consiste pour l'État à se demander s'il peut faire autre chose dans de meilleures conditions et, de ce point de vue, je ne veux pas empiéter sur le débat que vous avez eu. Je crois cependant que vous devez faire crédit au management du fait qu'il essaie de tout faire pour que si l'État décidait un jour de céder tout ou partie de ses actions, ce soit au vrai prix, pour que le contribuable récupère le produit de ce qui appartient aujourd'hui à la collectivité.
M. Guy Bricout m'a alerté sur un certain nombre de sujets, notamment les négociations avec l'État. Quelles garanties de maintien du quatrième contrat de régulation économique ? Il n'y a jamais de garantie dans la vie. Cependant, nous avons essayé de présenter un contrat de régulation économique qui fasse le maximum d'économies sur les charges et qui réduise le plus possible les investissements – ce n'est pas de gaieté de coeur que nous investissons 6 milliards d'euros plutôt que 3 ; c'est simplement parce que nous en avons besoin pour accueillir les passagers. Je vous rappelle que cela inclut 900 millions d'euros pour les accès routiers. Aujourd'hui, les accès routiers à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sont embouteillés et nous n'avons pas de bons accès ferroviaires ; il s'agit de prévoir de bons accès pour le futur terminal. Je n'imagine pas qu'un nouveau propriétaire puisse revenir sur l'esprit du contrat de régulation économique qui est aujourd'hui préparé – il pourra certes le modifier dans sa lettre, pour des détails, mais pas dans son esprit. Pour répondre clairement à votre question, monsieur le député, il n'y a pas de risque pour la période qui va jusqu'à 2025.
Quels sont nos principaux chantiers ? Il y a tout d'abord la fusion des satellites du terminal 1 – nous allons ouvrir au mois de juillet 2020 un bâtiment de 40 000 mètres carrés pour mieux accueillir les passagers –, la fusion du 2B et du 2D, les travaux préparatoires pour les accès routiers du terminal 4, qui verra le jour en 2028, et, à Orly, la création d'une nouvelle jetée pour des postes avion qui permettent d'avoir, au contact, des avions domestiques.
Monsieur François Ruffin, votre question avait le même degré de sophistication élaborée que celle de M. Christophe Bouillon ; je vous en sais gré. Pour cette raison, vous pardonnerez les circonlocutions par lesquelles je vous répondrai. Plus sérieusement, je ne pense pas que l'on puisse parler de cadeaux à Pierre ou Paul, et je ne pense d'ailleurs pas que la vente ait été « préfléchée » pour Pierre ou Paul ; en tout cas, je ne l'imagine pas.
Pour l'entreprise, le projet est-il le même selon que c'est un acteur privé ou un acteur public qui la détient ? C'est une très bonne question. Je vous donne mon sentiment personnel, mais la loi PACTE comporte par exemple une disposition inédite qui permet à la puissance publique d'imposer un investissement. Je ne crois pas que nous investissions trop à Charles-de-Gaulle ; cependant, si un acteur privé décidait d'arrêter de construire le moindre terminal et d'entasser les gens comme des sardines pour réaliser des économies d'échelle, l'État aurait la faculté de lui enjoindre de faire un investissement. Je ne pense donc pas qu'il y ait de rupture majeure.
Je ne veux pas trop commenter « de l'extérieur », même si votre question est tentante et pourrait me conduire à vous répondre en commentateur, en banquier d'affaires ou en analyste financier. Je le ferai volontiers en privé avec vous mais, pour le moment, en tant que gestionnaire de l'entreprise, je dois rester à ma place et respecter toutes les parties prenantes, y compris mes actionnaires. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat ce matin, l'idée que l'on puisse avoir une entreprise en état d'être cédée au prix maximum – parce qu'il faut que, si d'aventure, l'État vendait quelques actions, il vende au prix maximum – pour que l'État en fasse autre chose, est une question qui me dépasse totalement.
Monsieur Bertrand Pancher, je vous remercie également de vos encouragements, qui me vont droit au coeur. Cependant, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire que l'idée d'un retour à la caisse unique pour modérer les redevances aéroportuaires me semble contre-productive. Dans un groupe international, cela contribuerait à désinciter Paris – nous n'aurions pas de rentabilité prévisionnelle à Paris et nous placerions tous nos cash-flows à l'étranger. Deuxièmement, la caisse unique vous garantit que nous avons, nous, aéroports, intérêt à être les plus productifs possible sur la caisse régulée.
M. François Ruffin a fait état des 2 000 emplois qui, effectivement, n'existent plus dans l'entreprise. Il y en a 1 000 qui sont liés au fait que nous avons abandonné l'activité d'assistance en escale ; c'est un effet de périmètre. Il y en a 1 000 autres qui sont effectivement liés au fait que nous n'avons pas remplacé certains départs la retraite. Nous subissons une telle pression des compagnies aériennes pour modérer nos tarifs…
Lorsque je suis arrivé à ADP, les gens me disaient : « ADP, c'est Arriver, Dormir, Partir ! ». ADP avait l'image d'une entreprise qui n'était pas productive. Je pense que ce n'était pas fondé et que les équipes d'ADP ont toujours été extrêmement attentives à la qualité du service et à la productivité. C'est même parce qu'elles y sont attentives qu'elles ont accompagné ce mouvement, me semble-t-il, dans des conditions acceptables.
Je serai bref sur les chauffeurs de taxi, monsieur Bertrand Pancher ; à défaut, nous devrions y consacrer tout le reste du débat. Ce qui m'empêche de dormir, ce sont les temps d'accès en voiture à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, les temps d'accès à la police aux frontières, parfois le temps de livraison des bagages qui n'est pas parfait, et les protestations des chauffeurs de taxi, notamment contre le racolage. La préfecture de police qui prend progressivement possession de ses nouvelles fonctions – désormais, elle a compétence sur la zone publique des aéroports – a accru le nombre de personnels qui y sont dédiés, et nous avons créé des bases arrières de taxis modernisées à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et nouvelles à Orly. Nous informons en temps réel des temps d'attente et des arrivées des avions, nous faisons des publicités contre le racolage, des agents portant des chasubles bleues orientent vers les vrais taxis, et nous avons des réunions bimestrielles depuis le début de l'année 2019 avec les chauffeurs de taxi. Nous luttons contre les taxis clandestins, mais nous savons que nous devons y travailler davantage, avec l'État.
Vous avez évoqué la forte croissance du trafic aérien, mais ne faudrait-il pas envisager l'économie du transport aérien dans son ensemble, fret de marchandises compris ? La congestion aéroportuaire devient une menace pour le fret. Alors qu'ils représentent 80 % du fret, les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et Orly qui sont classés en niveau 3 des plus saturés.
Pensez-vous qu'il soit possible de désaturer ces aéroports en reportant le fret sur des aéroports secondaires, comme l'aéroport de Dole-Jura, qui offre espace et infrastructures pour accueillir le fret à l'avenir ?
La Haute-Loire, territoire rural, compte un petit aéroport, à côté du Puy-en-Velay, sur le territoire de la commune de Loudes, avec un aller-retour le matin et un autre le soir, tous deux à destination d'Orly. Cette ligne, fortement subventionnée par les collectivités locales, est indispensable pour assurer le développement économique de ce territoire rural. Comment voyez-vous, à l'avenir, les relations entre ces petites lignes indispensables en milieu rural et ADP, notamment en ce qui concerne le montant des importantes redevances d'atterrissage acquittées par ces petites lignes ?
Monsieur le président-directeur général d'ADP, merci de nous avoir fait part des bons résultats d'Aéroports de Paris, sur le plan financier, mais aussi en termes d'hospitalité, d'externalités et même d'accessibilité. D'une certaine façon, vous nous faites la démonstration, à la fois par votre parcours personnel et par votre action et vos résultats, que l'État n'est pas incapable de gérer une entreprise du secteur public, qu'il peut même être efficace pour conduire certaines transformations stratégiques. Je veux pour ma part vous interroger sur la transition écologique, dont ADP peut devenir un levier majeur. J'attends des engagements à cet égard.
Les aéroports, ce sont beaucoup d'espaces verts, de quelques centaines à quelques milliers d'hectares. Parfois, ils abritent de nombreuses espèces ordinaires ou remarquables, qui peuvent être protégées ou d'intérêt patrimonial. Les aéroports sont majoritairement de vastes espaces enclavés dans des zones urbaines ou agricoles. La flore et la faune y compteraient ainsi plus de 2 000 espèces différentes, dont 200 espèces d'oiseaux et 1 000 espèces de plantes.
Il faut également prendre en compte les risques, notamment de collision – les périls aviaires –, auxquels cette biodiversité expose la sécurité aérienne. Selon la dernière enquête du service technique de la direction générale de l'aviation civile sur la prise en compte de la biodiversité par les gestionnaires d'aéroports, 56 % des gestionnaires ont mis en place un programme en faveur de la biodiversité. Quelles actions souhaiteriez-vous mettre en oeuvre en faveur de la biodiversité à la suite de votre probable reconduction ?
Monsieur le président-directeur général, le tourisme est une chance et une force indéniable pour notre pays. Les deux premières destinations touristiques dans notre pays, à égalité, sont le Var et les Pays de Savoie, avec 67 millions de nuitées touristiques sur un total 430 millions.
L'aéroport principal des Pays de Savoie est un aéroport international, qui se situe à Genève, en Confédération helvétique. Quelles sont, au quotidien, les relations qu'entretient ADP avec le Conseil d'État de Genève, qui gère l'aéroport, puisque cet aéroport lui appartient ? Y a-t-il des problèmes particuliers ?
Madame Danielle Brulebois, vous dites que 80 % du fret français se fait à l'aéroport Charles-de-Gaulle et à celui d'Orly, et vous le regrettez. En fait, c'est surtout à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Avec 2,2 millions de tonnes de marchandises par an, cet aéroport est numéro un en Europe, avec quelques tonnes d'avance sur Francfort. À Orly, on compte 180 000 tonnes par an les bonnes années.
Nous ne serions pas malheureux que les aéroports secondaires aient plus de fret. J'ai toujours apprécié la compétition, et, quand l'assiette du voisin se remplit, cela ne vide pas la mienne. Si nous sommes en compétition avec les aéroports de province pour le fret, cela ne pose aucun problème. En revanche, le fret est très important pour la rentabilité d'une compagnie comme Air France. Les soutes d'un avion 777 sont énormes ; sa rentabilité est donc largement fonction du fret qu'il embarque.
En tant qu'exploitant aéroportuaire, nous prenons le soin d'avoir des équipements logistiques de qualité. Pour les médicaments, nous sommes certifiés pour avoir des réfrigérateurs de bonne qualité qui permettent le transport et la conservation des médicaments ; nous avons des stations équestres pour les chevaux qui partent dans les pays arabes ; etc. Nous faisons notre travail de prestataire de services pour que le cargo qui le souhaite puisse venir à Paris, mais nous ne sommes pas amis du fait que la France soit centralisée comme elle l'est.
Je connais bien la ligne Paris-Le Puy, évoquée par M. Jean-Pierre Vigier. J'en ai discuté avec des élus importants de la région. Les petites lignes ne sont pas du tout défavorisées puisqu'une ligne avec une quinzaine de passagers par vol comme celle-ci consomme l'un des 250 000 créneaux horaires d'Orly, créneaux extrêmement précieux, puisqu'ils sont plafonnés pour nous.
Pour ADP, un vol pour Le Puy est comme un vol pour La Réunion en 747. Un vol avec 500 passagers occupe un créneau tout autant qu'un vol pour Le Puy.
Nous n'avons aucune raison de vouloir être désagréables vis-à-vis des petites lignes. Il y a des obligations de service public et nous accueillons toutes les lignes qui ont des créneaux, en essayant de le faire le mieux possible.
Je peux rassurer M. Jean-Pierre Vigier sur cette ligne et, même si l'entreprise était dans des mains privées, ce n'est pas à l'actionnaire privé de déterminer s'il accueille la ligne ou non. C'est le COHOR, organisme de coordination des créneaux, qui en est le décideur.
Monsieur Guillaume Garot, à la suite de vos prédécesseurs habiles, vous me posez une question à laquelle il m'est difficile de répondre. (Sourires.) Quand vous dites que l'État n'est pas un incapable et peut être efficace, c'est un compliment que je renvoie à tous les collaborateurs du groupe.
S'agissant de la transition écologique, vous avez raison. En interne, nous avons réfléchi au prix du carbone que nous pouvions fixer. Nous avons essayé de nous donner un prix du carbone qui « morde » sur la rentabilité de nos investissements. Nous l'avons fixé à 100 euros à compter de 2023 – 50 euros dès maintenant. Cependant, un prix du carbone, cela ne veut rien dire. Si vous avez très peu d'investissements qui émettent du gaz à effet de serre, vous pouvez afficher un prix de 500 euros et vous présenter comme le roi du monde ; il y a des entreprises qui ont un prix de 20 euros et qui sont beaucoup plus vertueuses. Nous avons pour notre part essayé de fixer un prix qui corresponde à une morsure, il se trouve que c'est 100 euros mais ce qui est surtout important, c'est que cela morde.
La part d'énergies renouvelables dans notre consommation finale sera de 15 % en 2020 et nous essayons toujours de l'accroître. Nous allons faire de la géothermie à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle – et vous savez que nous avons déjà une centrale à bois.
Nous diminuons autant que possible notre consommation intermédiaire d'eau potable. Nous voulons qu'elle soit, en 2020, inférieure de 5 % à ce qu'elle était en 2014.
Nous valorisons les déchets non dangereux, à hauteur de 45 % en 2020, et de 70 % pour les déchets de chantier en 2020. Et nous collecterons 100 % des biodéchets de nos clients en 2020.
S'agissant de l'air, une première étape sera d'atteindre en 2020 avec 25 % de véhicules électriques. Notre objectif à l'aéroport Charles-de-Gaulle étant la neutralité en émissions de carbone en 2030, nous devrions avoir 100 % de véhicules électriques.
Quant à la biodiversité, et j'en profite pour répondre aussi à M. Loïc Dombreval. Nous allons réduire de 50 % nos utilisations de glyphosate à Orly et à Charles-de-Gaulle d'ici à 2020. Nous sommes promoteurs de l'association HOP! Biodiversité qui favorise le maintien de la diversité dans nos aéroports.
Enfin, 100 % de nos bâtiments sont certifiés « haute qualité environnementale » (HQE) ou Building Research Establishment Environmental Assessment Method (BREEAM).
Monsieur Martial Saddier, nous n'avons aucune difficulté avec l'aéroport de Genève. Nous sommes en mesure de desservir 111 aéroports dans le monde ; l'aéroport de Genève fait partie des 110 avec lesquels nous n'avons aucune difficulté. Et je partage évidemment votre avis sur le tourisme.
Monsieur le président-directeur général, vous projetez une augmentation du trafic de 40 millions de passagers grâce au nouveau terminal de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Vous avez également, comme vous venez de le dire, un objectif de neutralité carbone d'ici à 2030.
Cela étant, le « tout kérosène » et les variations du cours du baril sont des problèmes pour le climat, pour le prix des billets et peut-être, à terme, pour vous, pour le trafic. La taxation du kérosène pourrait forcer l'émergence de carburants alternatifs – comme le bio-kérosène ou l'hydrogène – ou même accélérer le développement d'avions électriques. EasyJet avait fait des annonces. Comment pouvez-vous, à votre niveau, favoriser cette transition écologique dont bénéficieraient tant le climat que le trafic ?
Les lignes d'aménagement du territoire passent souvent pour des variables d'ajustement de la régulation du trafic, ce qui se traduit très concrètement par des créneaux régulièrement reportés, à l'origine de retards récurrents au départ des aéroports régionaux. Je pense tout particulièrement à celui d'Aurillac, que je connais mieux. J'ai entendu votre réponse, mais la situation est loin d'être satisfaisante, et je ne suis pas totalement rassuré. Pouvez-vous donc nous assurer qu'un éventuel changement de statut d'ADP sera sans effet sur la desserte de Paris, en particulier d'Orly, par ces lignes d'aménagement du territoire ? Du fait du petit nombre de passagers transportés, alors qu'elles occupent les créneaux d'avions de plus grande capacité, nous craignons qu'elles ne soient jugées économiquement peu intéressantes et peu rentables par de nouveaux actionnaires.
Monsieur le président-directeur général, sinon le Gouvernement, du moins la majorité, dit en substance que vous gérez mal ADP, ce pourquoi il faut privatiser l'entreprise. Nous ne partageons évidemment absolument pas ce constat – il n'y a qu'à lire le rapport annuel. Ils sous-entendent que vous n'auriez pas les moyens de financer le plan d'investissement de 7 milliards d'euros que vous avez lancé, qui est nécessaire et que nous approuvons.
Selon votre rapport annuel, vous dégagez 1,8 milliard d'euros de capacité d'autofinancement par an, au minimum. Cela paraît largement suffisant pour financer l'investissement.
Pouvez-vous nous confirmer que la société dégage suffisamment de capacité d'autofinancement et de cash-flow pour financer le plan d'investissement que vous avez lancé ?
J'en profite pour vous assurer de notre soutien à propos de votre gestion – point de vue que ne partage manifestement pas tout à fait la majorité.
Vous avez indiqué comment vous comptiez atteindre la neutralité carbone en 2030. Cependant, sauf erreur de ma part, cet objectif ne prend pas en compte les émissions liées au trafic, qui s'élèvent à 285 grammes de CO2 par kilomètre et par passager en moyenne, selon l'Agence européenne de l'environnement.
Pensez-vous que le groupe ADP pourrait contribuer à la baisse de l'empreinte carbone de chaque passager dans les aéroports ?
Je tiens tout d'abord à vous dire, monsieur Augustin de Romanet, que je suis farouchement opposé à la privatisation d'aéroports de Paris, singulièrement à la lumière des tracas judiciaires actuels de l'aéroport de Toulouse-Blagnac pour cause de non-respect du cahier des charges par le principal actionnaire.
Par ailleurs, vous avez un long parcours dans des structures publiques comme la Caisse des dépôts. Votre réponse me permettra de me positionner : peut-on, selon vous, moderniser une entreprise sous statut public ?
Ma deuxième question concerne l'aberration environnementale consistant, sur les trajets courts, à mettre des avions là où le train est possible ; compte tenu de l'urgence écologique, l'entreprise réfléchit-elle sérieusement cette question ?
Pour ma part, je suis convaincu qu'un aéroport constitue un outil, une marque formidable pour l'aménagement et le développement d'un territoire. C'est pourquoi je souhaiterais vous interroger sur les relations que vous entretenez avec les collectivités territoriales, compte tenu de l'organisation de l'État français et de nos collectivités. Je désire surtout savoir si vous pensez que la loi PACTE vous offrira justement des possibilités d'intégrer plus avant les relations avec les collectivités territoriales et les élus locaux.
Monsieur le président-directeur général, certains d'entre nous ont sans doute vu un reportage récent montrant la présence de personnes sans domicile fixe errant sur le site de Roissy 24 heures sur 24 : environ 150 personnes, dont certaines sont présentes depuis près de dix ans. Ces personnes sont évidemment respectables ; cependant, au-delà de l'aspect humain, se posent des questions d'hygiène et de sécurité. Je souhaiterais donc savoir comment vous jugez cette situation aujourd'hui, et ce que pourrait être son évolution en cas de privatisation du groupe ADP.
Je remercie Mme Valérie Rabault de parler à la place de la majorité, mais nous avons bien compris que l'intérêt stratégique de la France est bien de disposer d'un leader international dans le secteur aérien.
Monsieur le président-directeur général, un des derniers défis qui vous attend est la livraison du Charles-de-Gaulle Express pour renforcer la desserte de l'aéroport. Pensez-vous que sa mise en service pour les Jeux olympiques de 2024 soit tenable ? Que cela impliquerait-il de la part des pouvoirs publics ?
M. Jean-François Cesarini m'a interrogé sur la taxation du kérosène et sur ce que nous pouvions faire pour contribuer à limiter les consommations et les émissions de CO2.
Tout d'abord, au sol, nous voulons tout faire pour limiter le temps de roulage, de façon à ce que les avions consomment moins de pétrole en roulant. Nous avons aussi pris l'initiative de fournir de l'électricité à partir de l'aéroport lui-même et non pas par des groupes électrogènes. Par ailleurs, nous incitons au renouvellement des flottes. Comme je l'ai dit, nous essayons de supprimer les avions qui font trop de bruit et dont les émissions sont trop polluantes.
Nous allons moduler les tarifs des redevances aéronautiques en fonction du bruit et des émissions polluantes ; je rappelle qu'un A320 Neo pollue deux fois moins qu'un A330. Nous essayons donc d'ajuster nos propositions tarifaires pour que les choses aillent dans le sens de la vertu environnementale.
Je crois à l'avion électrique dans le futur. J'imagine très volontiers qu'un tel engin puisse fonctionner en régime de croisière et à l'atterrissage ; j'ai toutefois du mal à imaginer un avion décollant avec une alimentation électrique, je pense que l'on aura toujours besoin de pétrole pour le décollage.
S'agissant de la transition écologique, et je réponds aussi par là à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, je dis qu'il y a deux dimensions ; celle d'intérêt général et celle d'intérêt particulier.
Si j'étais dans l'intérêt particulier à 100 %, je vous dirais que je ne veux pas avoir à faire ça, que je ne veux pas m'en occuper, que je laisse croître le nombre des avions, et que c'est tant mieux pour nous.
Mais il faut tout de même accepter de séparer son cerveau en deux hémisphères ; l'intérêt de la collectivité est probablement que l'évolution du transport aérien mondial soit contenue. Je disais ce matin à certains de vos collègues qu'il existe en Suède un mouvement qui dit « Stop aux avions ; honte aux avions, etc. » Ce débat est politique, et je sortirais de mon rôle en y entrant. Mais est-il démocratiquement acquis que la population suédoise, qui a déjà eu l'occasion de voyager dans sa vie, puisse imposer à la population du Malawi ou du Lesotho de ne pas voyager ? Il y a en effet aujourd'hui des zones du monde qui veulent voyager et d'autres qui se rendent compte qu'elles n'ont plus besoin d'autant voyager.
Il y a trois ans, j'avais dit à une radio que dans quelques années, il ne sera plus tellement possible d'aller en vacances aux Maldives à Noël en famille ; parce que l'empreinte carbone de ce voyage est trop forte.
Ou, si vous le permettez, à Aurillac ! (Sourires) À Super-Lioran, il y a de très bonnes nouvelles remontées mécaniques, et qui continueront à être desservies au contact, puisque le taux de contact pour les avions d'Aurillac a augmenté de 17 points cette année, au cours de laquelle ce nombre est passé de 31 à 48.
Plus sérieusement, je réponds à M. Vincent Descoeur que le fait que l'actionnaire soit privé ne changera rien à l'autorité de COHOR, l'Association pour la coordination des horaires, ni à l'autorité de la direction de l'aviation civile. Je n'imagine pas une seule seconde que vous, parlementaires, ayez moins d'accès au management ou moins de facultés. Aujourd'hui par exemple, sur le territoire français, beaucoup d'aéroports sont gérés par des entités privées, et vos relations avec le management et les actionnaires sont tout aussi proches ; je ne suis donc pas sûr qu'il y ait de drame.
La question de Mme Valérie Rabault fait partie de la série des questions très sophistiquées. Je ne crois pas que le Gouvernement ait dit que nous gérions mal ADP. Une phrase a peut-être été mal perçue par nos collaborateurs, mais je ne pense pas que le Gouvernement nous en veuille. J'en veux pour preuve que c'est lui qui a proposé que le management actuel continue. Nous avons les moyens de nous développer, cela est vrai et je n'ai jamais dit autre chose ; vous me faites donc répéter ce que j'ai toujours dit. Avons-nous assez d'argent pour nous développer ? La réponse est oui.
Il faut être notarial dans les deux sens du terme. Je suis obligé de dire avec la même force qu'on peut très bien gérer une entreprise avec des capitaux publics, mais aussi que le plancher de 50 % de la participation de l'État au capital est un handicap pour créer un géant mondial. Nous avons été leader mondial en 2018. Si demain matin, nous voulions racheter un grand groupe international, nous devrions le faire par échange de titres et diluer un peu la part de l'État. Donc, de façon notariale, il est exact que le groupe pourrait se développer et être un géant mondial si cette limite de 50 % était levée.
J'ai pesé chacun de mes mots : lever cette limite de 50 % ne signifie pas nécessairement descendre à 0 %, mais par exemple descendre à 40 %, 30 %, 20 %, 10 %, etc., car la loi PACTE autorise tout.
Monsieur Sébastien Nadot, la réponse à votre première question est oui : il est non seulement possible, mais souhaitable de moderniser les entreprises, quel que soit leur statut, public ou privé.
Par ailleurs, faut-il favoriser le train sur des trajets courts de préférence à l'avion ?
Là aussi, sur le plan de l'intérêt général, la réponse est probablement oui, mais nous, aéroports, accueillons tous les avions que le COHOR nous demande d'accueillir. Lorsque l'on parle de trajet court, il faut par exemple distinguer Paris-Aurillac, qui est relativement court, mais est formidablement important par rapport à la route, de Paris-Amsterdam, desservi par un TGV. Je préfère donc Paris-Aurillac à Paris-Amsterdam, mais cela reste théorique : la chose est plus compliquée, parce qu'à Amsterdam il y a un hub de connexion aéroportuaire, etc.
Je n'ai donc pas aujourd'hui la capacité technique de répondre de façon définitive à votre question ; le débat reste ouvert.
À M. Lionel Causse qui m'a demandé si la loi PACTE permettait de mieux travailler avec les élus, je dirai que nous souhaitons d'ores et déjà être proches d'eux ; c'est la raison qui nous a conduits à implanter notre siège social à l'aéroport Charles-de-Gaulle.
Par ailleurs, comme vous le savez, quatre censeurs siègent désormais à notre conseil d'administration, qui sont quatre élus locaux : le maire d'Orly, la présidente de la région Île-de-France, Mme la maire de Paris et le président de l'établissement public de Roissy. Ainsi, paradoxalement, la loi PACTE va accroître l'empreinte publique sur l'entreprise.
La question de Mme Valérie Beauvais est assez dramatique, parce qu'effectivement les situations humaines sont catastrophiques. Une personne est dédiée quasiment à plein-temps à Charles-de-Gaulle au travail avec les associations, notamment la Croix-Rouge, à qui nous avons confié un mandat de gestion de cette situation très délicate, car ce sont plusieurs dizaines de personnes qui vivent à demeure sur le site.
Madame Zivka Park, je crois vous avoir répondu : il est incontestable que le mouvement autorisé par le vote de votre Assemblée permet au groupe d'envisager une croissance encore plus forte ; c'est incontestable. Sans vouloir entrer dans des débats de fond sur l'innovation, même si j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, je crois que si aujourd'hui nous possédons tous un iPhone, c'est parce que le ministère de la défense américain a investi dans des innovations de rupture…
S'agissant du CDG Express, ce qui est très important, c'est de bien se rendre compte qu'il ne doit pas nuire aux transports du quotidien. Nos collaborateurs et nous-mêmes savons que la ponctualité du RER B est insuffisante et que sa qualité de service est améliorable. Pour le CDG Express, nous avons prévu 500 millions d'euros de travaux, c'est-à-dire quasiment 35 % pour améliorer le RER B et la ligne K.
Nous avons donc bon espoir en la volonté politique du Gouvernement. Il a accepté de signer un contrat de concession en janvier dernier, avec la Caisse des dépôts, SNCF Réseau et ADP. La décision d'engager la parole de l'État a été prise pour construire cette ligne ; ce qu'il faut maintenant, c'est qu'elle soit acceptable par les riverains et qu'ils comprennent qu'il n'y a pas lieu d'opposer les transports du quotidien et le CDG Express. Nous avons beaucoup milité pour la ligne 17, comme je l'ai dit tout à l'heure ; elle doit arriver à Charles-de-Gaulle au plus tard en 2030, si possible en 2028, et je pense qu'en n'opposant pas les deux, nous avons une chance d'y arriver.
Bien évidemment, monsieur Augustin de Romanet, cela me fait penser au barreau ferroviaire Picardie-Roissy, dont il me semble qu'il est également nécessaire ; pouvez-vous me le confirmer ?
Incontestablement ; le barreau de Gonesse, le barreau de Picardie, la ligne 17, le CDG Express, tout ce qui permet d'améliorer les transports collectifs, est soutenu par nous.
Merci, monsieur le président-directeur général. Nous allons vous laisser partir pour pouvoir procéder au vote.
Après le départ de M. Augustin de Romanet, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant Mme Sandrine Le Feur et Mme Zivka Park.
Nombre de votants | 28 |
Bulletins blancs ou nuls | 1 |
Abstention | 0 |
Suffrages exprimés | 27 |
Pour | 27 |
Contre | 0 |
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Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 22 mai 2019 à 11 h 15
Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, Mme Laurence Gayte, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Sébastien Nadot, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Jean-Pierre Vigier, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, Mme Bérangère Couillard, M. David Lorion, M. Jean-Luc Poudroux, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierre Dharréville, Mme Isabelle Florennes, Mme Valérie Rabault, M. François Ruffin, M. Boris Vallaud