Intervention de Augustin de Romanet

Réunion du mercredi 22 mai 2019 à 11h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Augustin de Romanet, président-directeur général d'Aéroports de Paris (ADP) :

Oui, madame Zivka Park, les inquiétudes liées à la privatisation ont un impact sur le cours de l'action – vous avez vous-même donné la réponse. L'existence de l'incertitude a un peu « décalé » le cours de l'action.

Vous m'avez également demandé quel était l'intérêt stratégique d'une privatisation. Je remercie tous ceux d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, qui m'ont interrogé en essayant d'aborder la question sous un jour apaisé. En soi, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le fait d'avoir un actionnaire public ou privé ne doit pas avoir de conséquences sur la qualité de notre gestion. Il faut espérer que toutes les entreprises publiques sont dans le même état d'esprit de compétitivité que les entreprises privées. Ce qui peut changer – je réponds techniquement à une question technique –, c'est que l'État ne pouvant descendre en dessous de 50 % du capital, nous ne pourrions, si nous avions un projet de fusion avec un autre grand groupe mondial, procéder par échanges de titres, ni faire une augmentation de capital. Techniquement, il y a donc une petite limitation au développement du groupe – à question technique, réponse technique.

Nous avons effectivement accordé une très grande attention aux accès routiers ; le prochain contrat prévoit ainsi 925 millions d'euros à cet effet. Les accès ferroviaires sont également très importants. Nous avons milité pour la ligne 17, qui desservira le futur terminal 4 et Le Mesnil-Amelot. Il faut qu'elle arrive le plus vite possible. Nous avons obtenu qu'elle arrive au Bourget-Aéroport pour 2024. Vous pouvez être assurés de notre engagement.

En outre, je vous remercie des mots aimables que vous avez eus à l'endroit des salariés d'ADP.

Vous avez évoqué les tensions que peut susciter le terminal 4. Nous n'étions pas obligés de faire cette concertation, et nous n'étions pas non plus obligés de la faire avec des garants, mais nous avons choisi de demander à la Commission nationale du débat public (CNDP) d'en désigner quatre. La concertation a donné lieu à 900 000 flyers dans 488 communes, plus de 30 réunions, 110 contributions écrites. Elle nous a permis d'acquérir beaucoup d'informations pour améliorer le projet.

Monsieur Jean-Marie Sermier, je vous remercie également des compliments que vous avez adressés aux équipes d'ADP. Il m'est difficile de vous dire quelle doit être, dans l'idéal, la part de tel ou tel actionnaire. Si je le faisais, je sortirais de ma condition. Comme je vous l'ai dit, j'essaie de faire mon métier en restant à ma place. Il est donc compliqué, pour moi, de répondre à votre question.

Les créneaux seront toujours gérés par l'Association pour la coordination des horaires, ou COHOR, c'est-à-dire l'organisme qui les gère aujourd'hui. Il n'y aura donc pas de changement dans l'attribution des créneaux.

Nos relations avec les plateformes régionales sont très bonnes parce que notre intérêt est d'améliorer la connectivité du pays. Quand une ligne s'ouvre, nous en sommes satisfaits, même si, compte tenu de la saturation d'Orly, nous avons évidemment, parfois, des difficultés. Sur certaines lignes, il y a parfois dix passagers ; il n'en faut pas moins veiller à accueillir toutes les lignes dans de bonnes conditions. J'aurai l'occasion d'y revenir si vous le voulez, mais nous faisons beaucoup d'efforts. Nous avons notamment modifié quarante postes avion pour pouvoir accueillir au contact des petits modules. Nos relations avec les plateformes ne changeraient donc pas, me semble-t-il, si nous changions d'actionnaires.

M. Jimmy Pahun évoquait le fait que les aéroports d'ADP sont mal classés du point de vue de la qualité de service. Il faut cependant vous dire que la qualité de service n'était pas une préoccupation avant 2010 – c'est M. Pierre Graff qui a alors commencé à s'en occuper – et, à mon arrivée en 2012, nous ne figurions même pas dans les classements. Nous avons donc commencé par nous dire qu'il fallait que nous nous mesurions aux autres. La première année que l'aéroport Charles-de-Gaulle a été classé, nous étions quatre-vingt-quinzième au classement Skytrax, qui regroupe 500 aéroports. Cette année, nous sommes trentième. Si vous prenez les trente plus gros aéroports du monde, nous sommes neuvième. Le terminal 2E, porte M – ce qu'on appelle le S4 dans notre jargon – était l'an dernier le quatrième meilleur terminal du monde. L'un de nos soucis est donc l'hétérogénéité de nos terminaux. Quant au classement AirHelp, paru il y a quelques jours, qui prend en compte la ponctualité des avions, il compare l'aéroport de Tenerife, avec trois vols par jour, et l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle… Si vous le souhaitez, je pourrai développer en privé.

Quant à la taxe sur le kérosène, je rappellerai simplement que le secteur aérien finance déjà lui-même ses infrastructures : les aéroports, les terminaux, les pistes… Tout cela est payé par le passager, sans aucune subvention. Si d'aventure, une taxe était envisagée, il faudrait veiller à faire un level playing field au niveau mondial pour ne pas pénaliser les compagnies françaises, notamment Air France.

Merci, monsieur Christophe Bouillon, de votre intervention, qui ira droit au coeur de l'ensemble des collaborateurs du groupe.

Par ailleurs, votre propos est particulièrement habile et intelligent parce qu'il me conduit imperceptiblement à sortir de ma condition et à me transporter du rôle de manager et de dirigeant mandataire social à celui d'analyste financier ou de conseil en placements boursiers ; je rends donc hommage à l'habileté de votre question, mais cela vous expliquera aussi mon embarras à vous répondre.

Ceux qui ont acheté l'action à 200 euros au mois de juillet ont aujourd'hui un titre d'une valeur de 150 euros ; ils ont donc perdu 25 %. La bourse est toujours un peu risquée. Ce qui est vrai, c'est que l'action a connu un bon parcours depuis 2013. Le rendement de notre périmètre régulé n'était que de 3,8 %, et nous avons atteint le niveau du cours moyen pondéré du capital. Tout ce que je dis est absolument public, c'est sur le site internet de la société et, le 5 avril dernier, nous l'avons expliqué à tous les investisseurs. Il est exact que l'un des facteurs de progression du cours depuis 2013 a été le fait que nous avons atteint notre plafond de rentabilité sur le secteur régulé. Nous étions à 3,8 %, nous avons atteint les 5,4 % du troisième contrat de régulation économique ; pour le quatrième contrat de régulation économique, nous avons un coût moyen pondéré du capital estimé à 5,6 %, et nous avons même démarré avec un tout petit peu d'avance. Sur la partie régulée, nous allons donc dégrader marginalement notre rentabilité. Ce qui est vrai, c'est que, le 5 avril, nous avons annoncé aux marchés financiers que notre résultat opérationnel courant et notre EBITDA – earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization – pourraient, si tout se passe bien – il y a des risques – croître d'ici à 2025 de 40 % à 60 % ; nous espérons, d'une part, maintenir la rentabilité du périmètre régulé au niveau de 5,6 % en moyenne au cours de cette période et, d'autre part, développer nos activités internationales, nos commerces, etc.

Placer son argent ainsi, en bourse, est-il sans risque ? Non. Il y a des risques liés au terrorisme – le trafic peut alors s'effondrer –, aux pandémies, etc. Par ailleurs, le rapport des coûts aux bénéfices est très élevé ; aujourd'hui, il est de 25,4, mais, avant la chute du cours, il était de 30.

Qu'est-ce que cela veut dire ? L'activité de l'État en tant qu'actionnaire d'ADP consiste à se dire « j'ai un actif qui a été géré dans des conditions telles que sa valorisation est aujourd'hui élevée ». Il est incontestable, et nous l'avons montré le 5 avril, que nous avons tout fait pour que si, d'aventure, des titres devaient être cédés, rien ne soit caché du potentiel de croissance de cette entreprise, de manière à ce que le bon prix soit payé. Finalement, si nous sommes vraiment une si bonne affaire, le marché paiera le vrai prix, et il y aura une vraie compétition. Ce qui est important, me semble-t-il, c'est qu'il y a des risques mais que l'activité d'infrastructure régulée d'ADP – comme celle d'Engie, de Veolia, ou de beaucoup d'autres entreprises qui gèrent des services publics pour partie régulés – attire les investisseurs boursiers parce que l'imprévisibilité est moins grande et la volatilité présumée plus faible ; mais le fait que cette volatilité soit présumée plus faible fait que notre prix est plus élevé. Songez que la capitalisation boursière d'ADP est deux à trois fois supérieure à celle d'autres entreprises qui ont le même résultat. Avec 600 millions d'euros de résultat net, la capitalisation boursière de certaines sociétés cotées à Paris n'est que de 8 à 10 milliards d'euros – elle peut même être inférieure.

L'arbitrage consiste pour l'État à se demander s'il peut faire autre chose dans de meilleures conditions et, de ce point de vue, je ne veux pas empiéter sur le débat que vous avez eu. Je crois cependant que vous devez faire crédit au management du fait qu'il essaie de tout faire pour que si l'État décidait un jour de céder tout ou partie de ses actions, ce soit au vrai prix, pour que le contribuable récupère le produit de ce qui appartient aujourd'hui à la collectivité.

M. Guy Bricout m'a alerté sur un certain nombre de sujets, notamment les négociations avec l'État. Quelles garanties de maintien du quatrième contrat de régulation économique ? Il n'y a jamais de garantie dans la vie. Cependant, nous avons essayé de présenter un contrat de régulation économique qui fasse le maximum d'économies sur les charges et qui réduise le plus possible les investissements – ce n'est pas de gaieté de coeur que nous investissons 6 milliards d'euros plutôt que 3 ; c'est simplement parce que nous en avons besoin pour accueillir les passagers. Je vous rappelle que cela inclut 900 millions d'euros pour les accès routiers. Aujourd'hui, les accès routiers à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sont embouteillés et nous n'avons pas de bons accès ferroviaires ; il s'agit de prévoir de bons accès pour le futur terminal. Je n'imagine pas qu'un nouveau propriétaire puisse revenir sur l'esprit du contrat de régulation économique qui est aujourd'hui préparé – il pourra certes le modifier dans sa lettre, pour des détails, mais pas dans son esprit. Pour répondre clairement à votre question, monsieur le député, il n'y a pas de risque pour la période qui va jusqu'à 2025.

Quels sont nos principaux chantiers ? Il y a tout d'abord la fusion des satellites du terminal 1 – nous allons ouvrir au mois de juillet 2020 un bâtiment de 40 000 mètres carrés pour mieux accueillir les passagers –, la fusion du 2B et du 2D, les travaux préparatoires pour les accès routiers du terminal 4, qui verra le jour en 2028, et, à Orly, la création d'une nouvelle jetée pour des postes avion qui permettent d'avoir, au contact, des avions domestiques.

Monsieur François Ruffin, votre question avait le même degré de sophistication élaborée que celle de M. Christophe Bouillon ; je vous en sais gré. Pour cette raison, vous pardonnerez les circonlocutions par lesquelles je vous répondrai. Plus sérieusement, je ne pense pas que l'on puisse parler de cadeaux à Pierre ou Paul, et je ne pense d'ailleurs pas que la vente ait été « préfléchée » pour Pierre ou Paul ; en tout cas, je ne l'imagine pas.

Pour l'entreprise, le projet est-il le même selon que c'est un acteur privé ou un acteur public qui la détient ? C'est une très bonne question. Je vous donne mon sentiment personnel, mais la loi PACTE comporte par exemple une disposition inédite qui permet à la puissance publique d'imposer un investissement. Je ne crois pas que nous investissions trop à Charles-de-Gaulle ; cependant, si un acteur privé décidait d'arrêter de construire le moindre terminal et d'entasser les gens comme des sardines pour réaliser des économies d'échelle, l'État aurait la faculté de lui enjoindre de faire un investissement. Je ne pense donc pas qu'il y ait de rupture majeure.

Je ne veux pas trop commenter « de l'extérieur », même si votre question est tentante et pourrait me conduire à vous répondre en commentateur, en banquier d'affaires ou en analyste financier. Je le ferai volontiers en privé avec vous mais, pour le moment, en tant que gestionnaire de l'entreprise, je dois rester à ma place et respecter toutes les parties prenantes, y compris mes actionnaires. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat ce matin, l'idée que l'on puisse avoir une entreprise en état d'être cédée au prix maximum – parce qu'il faut que, si d'aventure, l'État vendait quelques actions, il vende au prix maximum – pour que l'État en fasse autre chose, est une question qui me dépasse totalement.

Monsieur Bertrand Pancher, je vous remercie également de vos encouragements, qui me vont droit au coeur. Cependant, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire que l'idée d'un retour à la caisse unique pour modérer les redevances aéroportuaires me semble contre-productive. Dans un groupe international, cela contribuerait à désinciter Paris – nous n'aurions pas de rentabilité prévisionnelle à Paris et nous placerions tous nos cash-flows à l'étranger. Deuxièmement, la caisse unique vous garantit que nous avons, nous, aéroports, intérêt à être les plus productifs possible sur la caisse régulée.

M. François Ruffin a fait état des 2 000 emplois qui, effectivement, n'existent plus dans l'entreprise. Il y en a 1 000 qui sont liés au fait que nous avons abandonné l'activité d'assistance en escale ; c'est un effet de périmètre. Il y en a 1 000 autres qui sont effectivement liés au fait que nous n'avons pas remplacé certains départs la retraite. Nous subissons une telle pression des compagnies aériennes pour modérer nos tarifs…

Lorsque je suis arrivé à ADP, les gens me disaient : « ADP, c'est Arriver, Dormir, Partir ! ». ADP avait l'image d'une entreprise qui n'était pas productive. Je pense que ce n'était pas fondé et que les équipes d'ADP ont toujours été extrêmement attentives à la qualité du service et à la productivité. C'est même parce qu'elles y sont attentives qu'elles ont accompagné ce mouvement, me semble-t-il, dans des conditions acceptables.

Je serai bref sur les chauffeurs de taxi, monsieur Bertrand Pancher ; à défaut, nous devrions y consacrer tout le reste du débat. Ce qui m'empêche de dormir, ce sont les temps d'accès en voiture à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, les temps d'accès à la police aux frontières, parfois le temps de livraison des bagages qui n'est pas parfait, et les protestations des chauffeurs de taxi, notamment contre le racolage. La préfecture de police qui prend progressivement possession de ses nouvelles fonctions – désormais, elle a compétence sur la zone publique des aéroports – a accru le nombre de personnels qui y sont dédiés, et nous avons créé des bases arrières de taxis modernisées à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et nouvelles à Orly. Nous informons en temps réel des temps d'attente et des arrivées des avions, nous faisons des publicités contre le racolage, des agents portant des chasubles bleues orientent vers les vrais taxis, et nous avons des réunions bimestrielles depuis le début de l'année 2019 avec les chauffeurs de taxi. Nous luttons contre les taxis clandestins, mais nous savons que nous devons y travailler davantage, avec l'État.

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