Qu'il s'agisse d'une ligne à grande vitesse ou d'une infrastructure routière conséquente, on voit bien qu'il y a, en la matière, quelques éléments de continuité.
Il reste que les trois scénarios présentés par le Conseil d'orientation des infrastructures nous donnent de la bonne matière à débattre.
Entre les Assises et aujourd'hui, il y a eu aussi, même si c'est une sorte d'inversion du calendrier, le nouveau pacte ferroviaire, dont on ne peut pas encore mesurer les effets : des décisions doivent être prises dans quelques mois, notamment celle sur la reprise de la dette, et les changements en matière d'organisation ne sont pas sans soulever, on le constate, quelques problèmes au sein même de la SNCF, même si ce texte visait à transposer une directive européenne.
Tout à l'heure, M. Adam nous a gentiment invités à découvrir l'Armada. Je le comprends : moi-même élu normand, je souhaite que nous soyons le plus grand nombre à le faire. Je vous conseille simplement de ne pas y aller en train… Je profite de l'occasion pour vous dire, madame la ministre, que la SNCF a choisi le moment même de l'Armada, dans les quinze prochains jours, pour procéder à nombre de travaux, qui auront pour effet, excusez-moi du peu, d'allonger la durée de trajet entre Paris et Rouen d'une heure quinze ou une heure trente à deux heures cinquante. Vous pourriez peut-être intervenir pour rétablir une durée normale pendant cet événement, qui concerne non seulement les Normands mais aussi l'ensemble du pays, puisqu'il s'agit de navires.
Entre les Assises et aujourd'hui, il y a eu également le mouvement des gilets jaunes, évoqué par certains de rapporteurs, qui avait, tout du moins à ses débuts, en novembre de l'année dernière, pour cause principale le coût des transports, la charge importante que représente, dans le budget des ménages, le déplacement quotidien entre le domicile et le travail, pour ceux qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule.
À cela s'ajoute la notion de fracture territoriale. Si cette problématique a été mise en avant lors du grand débat national, elle n'est pas pour autant nouvelle : nous sommes d'ailleurs assez bien documentés sur la France périphérique, sur la France des lisières, sur tous ces territoires qui ont parfois le sentiment d'être délaissés. Or, comme cela a été très bien rappelé, la mobilité concerne autant les trajets entre le domicile et le travail que les trajets visant à rejoindre un service public, notamment sanitaire. Comme vous l'avez répété avec raison, madame la ministre, le droit à la mobilité est essentiel pour trouver un travail ou, lorsqu'on est jeune, une formation, un stage. Nous savons à quel point les personnes dépourvues de moyen de locomotion sont pénalisées lorsqu'elles répondent à une offre d'emploi.
Voilà ce qui s'est passé depuis la tenue des Assises nationales de la mobilité. Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous présentez ce texte, comme vous l'avez déjà fait au Sénat. J'y ai relevé un terme qui est peut-être un mot-valise, mais qui n'en est pas moins important : c'est le mot « révolution ». Vous l'avez d'ailleurs prononcé.
Je n'oublie pas que, pour beaucoup d'entre vous, Révolutions est d'abord le titre du livre-programme d'un candidat devenu président – votre livre de chevet. Quoi qu'il en soit, le mot « révolution » peut s'entendre de trois façons différentes. Je pense d'abord au côté périodique de ce terme : vous avez évoqué tout à l'heure la LOTI, une grande loi des années 1980, en phase avec la façon dont les transports étaient alors considérés. Je suis de ceux qui pensent que vous avez eu raison de passer de la notion de transport à celle de mobilité, qui permet d'englober davantage de dimensions et de thématiques. La deuxième définition de « révolution » renvoie à la rotation autour d'un axe. En ce sens, on peut vouloir la révolution tout en faisant du surplace ! Selon une troisième acception, une révolution est un changement. Il est vrai qu'après avoir vécu la révolution du transport de masse, notamment avec le ferroviaire, et la révolution du transport individuel, avec la voiture, qui symbolisait souvent la liberté, nous devons aujourd'hui réaliser une troisième révolution qui conjugue les deux précédentes en alliant le potentiel de la masse à la notion d'individualisation et en collant à la réalité de nos territoires. C'est tout l'enjeu de ce projet de loi.
J'en reviens donc au texte que vous défendez, madame la ministre. Il prévoit tout d'abord une programmation des infrastructures. Vous avez défini quatre priorités qui me paraissent essentielles : répondre aux déplacements du quotidien, réduire la fracture territoriale, s'engager résolument dans la transition écologique, faire évoluer le transport de marchandises. Ce dernier thème, maintes fois évoqué, mérite que nous menions une action bien plus efficace.
Parmi les infrastructures identifiées dans les conclusions du COI, il y a des axes autoroutiers et des axes ferroviaires qui ne correspondent pas directement aux déplacements du quotidien. Je vais citer un exemple que je connais assez bien. Vous savez qu'il existe, dans mon département, un projet de ligne nouvelle Paris-Normandie. L'un des axes prioritaires identifiés se situe entre Rouen et Yvetot : en l'état actuel du projet, il est prévu de relier directement ces deux villes, distantes de 34 kilomètres, pour un coût de 900 millions d'euros. Mais, ce faisant, on ne résout pas le problème des déplacements quotidiens.
Je vous invite à jeter un coup d'oeil à une carte assez instructive, réalisée par l'INSEE, qui retrace les déplacements domicile-travail, les fameux mouvements pendulaires. On observe des halos autour des grandes agglomérations, des grandes métropoles. Or, lorsqu'on superpose cette carte de l'INSEE et celle issue des travaux du COI, on s'aperçoit que les infrastructures prévues ne permettront pas de répondre immédiatement aux enjeux posés par ce type de déplacements. S'il faut bien évidemment programmer un certain nombre des investissements prévus, il faut aussi corriger certaines options afin de les faire mieux correspondre à vos choix prioritaires.
S'agissant toujours de la programmation des infrastructures, c'est aussi sur la question du financement que le bât blesse. Comme l'ont dit plusieurs acteurs, dont certains ont participé à ces travaux, si le choix se porte sur le scénario 2 du COI, qui semble avoir les faveurs du Gouvernement, il manquera sans doute autour de 500 millions d'euros pour atteindre les objectifs affichés.
Des propositions ont été faites en la matière. Celle qui consiste à récupérer une fraction des recettes issues des amendes radars n'est pas satisfaisante : elle est fragile, surtout lorsque les radars subissent des dégradations, comme cela vient de se produire, et elle n'est pas à la hauteur des enjeux. En commission, notre rapporteur a également proposé d'affecter au financement des nouvelles infrastructures une partie du « surplus » de recettes de la taxe Chirac. Il espère gagner ainsi 30 millions d'euros. C'est toujours mieux que rien, mais cela ne permettrait de financer qu'un seul kilomètre de ligne ferroviaire nouvelle : une telle proposition n'est donc pas à la hauteur des besoins de l'AFITF. On observe malgré tout que près de 14 milliards d'euros du produit de la TICPE échappent aux transports. Cette somme ne serait-elle pas une manne ou, en tout cas, une possibilité d'accroître les financements de l'AFITF ?