En matière de construction du prix, nous essayons depuis quelques années, avec les instituts techniques, de mettre en place des références techniques et économiques filière par filière : volume des productions laitière et céréalière, rendements moyens, charges, revenus, etc. Nous disposons d'un historique d'une dizaine d'années pour certaines filières. Toujours avec les instituts techniques, nous nous efforçons d'améliorer les pratiques afin que les systèmes gagnent en performance, tout en respectant nos objectifs environnementaux et liés au bien-être animal. Nous voulons que demain, les produits bio continuent d'être accessibles à tous, mais pas à n'importe quel prix. Cette accessibilité ne doit pas aller au détriment des agriculteurs et des territoires. On trouve certes des fraises bio du Maroc à 1,5 euro la barquette, mais aucun producteur français, même conventionnel, ne peut atteindre un tel prix. Pour les industriels bio, les fraises s'achètent plutôt 4 euros la barquette. Nous avons ouvert des discussions avec plusieurs enseignes, pour tenter de les convaincre que la pression qu'elles exerçaient sur les prix risquait de détruire ou de déstabiliser des filières.
Quant aux marques de distributeur, elles sont anonymes : le client ignore qui a fabriqué le produit qu'il consomme. Peut-être vivons-nous la fin d'un système dans lequel, tous les deux ou trois ans, une enseigne changeait de fournisseur au profit du moins-disant. Pour répondre à une ambition de développement, et peut-être aussi aux attentes des consommateurs, la plupart des enseignes ont demandé à leurs fournisseurs habituels de produire du bio. Ces fournisseurs se tournent vers nous dans la précipitation, sommés de se convertir au bio en trois ou six mois. Nous leur expliquons que la démarche est tout autre.
Nous nous réjouissons que notre secteur se développe, mais il n'est pas question que ce soit à n'importe quel prix, au détriment des filières agricoles que nous avons bâties. Nous ne souhaitons pas non plus que toutes les TPE et PME qui ont choisi de longue date de développer une activité bio et de maintenir des approvisionnements locaux soient supplantées par des acteurs de taille plus importante. Nous sommes conscients que le combat est inégal. La profession se pose de nombreuses questions : doit-elle reposer les bases d'une agriculture qui serait davantage porteuse de responsabilité sociétale, de souci environnemental et de justice sociale ? Nous ne sommes pas favorables à un secteur bio à deux vitesses. Nous nous sommes battus, tous ensemble, pour que la profession s'unisse et fasse l'objet d'une réglementation commune. Le changement d'échelle actuel pourrait induire un besoin de différenciation, grâce auquel nous continuerons de porter haut et fort nos valeurs éthiques. La réglementation se négocie toutefois à l'échelle européenne, ce qui rend l'exercice est d'autant plus difficile. Peut-être notre profession devra-t-elle réaffirmer un certain nombre de principes pour éviter une dérive de la production bio.