Intervention de Marie-Thérèse Bonneau

Réunion du lundi 13 mai 2019 à 16h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) :

Peut-être faut-il revenir sur la manière dont les indicateurs ont été établis. À la suite des états généraux de l'alimentation, nous avons élaboré un plan de filière, dans le cadre duquel nous avons pris des engagements de trois ordres : économique, environnemental et sociétal – nous pourrons y revenir si vous le souhaitez. Au plan économique, l'ensemble des collèges – du moins ceux qui étaient présents à ce stade, car l'interprofession laitière va prochainement être élargie aux distributeurs – se sont engagés unanimement à ajouter aux indicateurs économiques et de marché que l'interprofession laitière publie depuis plusieurs décennies un indicateur de prix de revient prenant en compte les éléments constitutifs du coût de production du lait. Encore une fois, ces éléments ont été définis et unanimement validés par l'ensemble des collèges : celui de la coopération, celui des industriels privés et celui des producteurs, qui rassemble les syndicats représentatifs.

Ce qui est en cause, c'est la manière dont les opérateurs s'emparent de ces indicateurs. Car il peut exister une multitude d'indicateurs, si les opérateurs qui négocient le prix du lait n'en tiennent pas compte ou s'ils ne retiennent que ceux qui leur conviennent, ils ne seront pas d'une grande utilité. C'est la raison pour laquelle j'ai évoqué tout à l'heure la différence entre la loi et l'esprit de la loi. Dans son esprit, la loi visait, me semble-t-il, à reconnaître le fait que produire du lait en France aujourd'hui a un certain coût et qu'il convient de prendre en compte une partie de celui-ci dans la perspective de la valorisation du lait sur le marché intérieur. Or, cela reste encore à faire, car les habitudes anciennes demeurent très prégnantes dans les discussions et les négociations entre nos acheteurs de lait et leurs propres acheteurs. Elles prennent ainsi le pas sur ce qui devrait être la première discussion : celle qui met aux prises les producteurs et leurs acheteurs et qui doit prendre en compte la véritable valeur du lait tel qu'il est produit en France.

Nous savons, par ailleurs, qu'une partie de ce lait n'est pas destinée au marché intérieur et que, pour cette partie-là, nous sommes soumis aux mêmes règles que les autres opérateurs. Néanmoins, nous pensons que mettre en avant la filière française en arguant de la dimension économique et sociétale d'une répartition équilibrée de la valeur au sein de la chaîne alimentaire offrirait aux transformateurs une carte supplémentaire pour valoriser leur lait à l'extérieur.

La loi a été votée il y a environ six mois. De nouveaux contrats auraient donc pu être signés. Or, l'évolution est extrêmement timide : quelques contrats tripartites ont été signés avec des opérateurs, mais la part qu'ils représentent est minime. Pour que cela prenne une dimension très importante, il faut que le risque soit partagé alors qu'il est actuellement supporté par le maillon de la production. Je pense, par exemple, à la question des volumes. Or, les opérateurs qui transforment notre lait nous disent qu'ils ne peuvent pas faire ce qu'ils voudraient, car ils sont soumis à la concurrence. Mais notre position a toujours été la suivante : nous n'occultons pas les éléments de marché, mais nous estimons qu'il est possible de respecter, dans le cadre des négociations commerciales, une sorte de « code de la route » dont un des éléments serait la rémunération des producteurs. C'est d'autant plus important que le consommateur lui-même souhaite que le producteur soit convenablement rémunéré.

J'en viens aux questions connexes à la discussion du prix, évoquées par Mme Leguille-Balloy. Actuellement, l'ensemble des producteurs sont sous contrat, et les références sont discutées et négociées avec l'entreprise. Cela peut se concevoir dans le cadre de discussions commerciales. On pourrait entendre que l'entreprise négocie le volume dont elle a besoin parce que c'est le meilleur moyen qu'elle a de valoriser ensuite le produit. Aujourd'hui, les producteurs négocient avec une entreprise, en direct ou non : soit ils adhèrent à une coopérative, et lui transmettent leur pouvoir de discussion et de négociation, soit ils appartiennent à une organisation de producteurs, soit ils sont libres de négocier, mais cette liberté est un peu limitée dans la mesure où il y a un acheteur pour une denrée qui doit partir de l'exploitation toutes les 48 heures.

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