Intervention de Philippe Chalmin

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires :

Je n'aime pas beaucoup le mot « déflation ». D'un point de vue méthodologique, l'une des faiblesses de la méthodologie de l'Observatoire – et nous aurons beaucoup de mal à la contourner – est qu'elle perd de sa pertinence au fur et à mesure que notre consommation alimentaire se fait plus complexe. Nous nous limitons par essence au « fond du caddie », c'est-à-dire à des produits de base, à des produits peu transformés. L'une de nos discussions mardi – lorsque nous adoptions le prochain rapport au Parlement – portait sur la filière volaille. Le président du groupe de travail « Volailles » nous disait : « Il faut évoluer car on se cale toujours sur le poulet PAC, c'est-à-dire prêt-à-cuire », le poulet brut, là où la consommation s'oriente vers des morceaux de poulet et vers des produits de plus en plus transformés. ». Donc, lorsque nous nous limitons à la côte de porc, au jambon sous cellophane, au yaourt nature, à la brique de lait UHT, nous ne prenons pas en considération les produits intégrant le plus de services. Notre analyse, bien qu'elle soit valide, ne peut intégrer davantage de complexité. Quelle est la part agricole dans une pizza surgelée ? La pizza est un produit que l'on va retrouver à cheval sur de multiples filières puisqu'elle est composée de céréales, de concentré de tomates, de jambon, de quelques champignons : on ne peut pas la retrouver dans une seule filière.

Ensuite – et c'est toute la difficulté de la gestion des filières agroalimentaires en France – en amont, nous avons des prix agricoles qui, avec l'évolution de la politique agricole commune, ne sont plus des prix administrés. Ce sont des prix de marché, marqués par une instabilité totale sur un marché européen qui devient mondial. Aujourd'hui, si le prix du porc monte – grâce à Dieu, oserais-je dire –, c'est grâce à la peste porcine africaine en Chine. Le prix des produits laitiers dépend bien souvent de celui des grandes matières premières laitières – beurre et poudres – déterminé aux enchères de Fonterra en Nouvelle-Zélande. Le prix des céréales a toujours été instable, etc., etc. Nous avons donc une instabilité que je qualifierais de naturelle des prix agricoles.

À l'autre bout de la chaîne, pour des raisons peut-être liée à la concurrence qui existe au sein de notre appareil de distribution, nous avons une assez grande stabilité des prix à la consommation que confirment les données de l'INSEE. Lorsque nous regardons les grands produits alimentaires de base que nous suivons, la stabilité est encore plus grande. Dans notre rapport, quand on regarde l'évolution du prix de la brique de lait UHT, du kilo de steak haché, du kilo de jambon, on constate une stabilité totale. Les tensions que nous vivons entre industrie et grande distribution sont donc davantage liées à l'absorption par l'industrie et la distribution de cette instabilité agricole qu'à des chocs concurrentiels. Une des caractéristiques françaises est la stabilité des prix à la consommation de ces produits alimentaires de base.

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