Vous savez, chaque fois que je présente le rapport au Parlement ou à la presse, j'ai droit à la question : « Qui s'en met plein les poches » ? À long terme, incontestablement, c'est le consommateur. L'agriculteur, lui, a vécu une révolution culturelle. Il est passé de prix stables et administrés à des prix qui, à certains moments, peuvent être supérieurs à ses coûts de production et à d'autres moments largement inférieurs, avec des différences suivant les filières. Sur un marché agricole, le prix ne dépend pas du coût de production mais du rapport entre l'offre et la demande. Point à la ligne.
Les coûts au niveau de l'industrie et de la grande distribution sont différents. Selon la manière dont on absorbe les variations de prix, il y a des rapports de force différents. D'autre part, si nous nous écartons des échelles macroéconomiques extrêmement larges, et que l'on regarde par exemple la décomposition du prix du saumon – produit certes un peu particulier car largement importé – on observe que la part de la marge brute de la grande distribution tout comme celle de l'industrie a eu plutôt tendance à diminuer à des moments où il y avait des tensions sur les prix des poissons. Dans le cas du beurre, où le prix du beurre industriel était supérieur au prix du beurre constaté dans la grande distribution, les pâtissiers ou autres professionnels, allaient s'approvisionner dans la grande distribution, plutôt que sur la base des prix de Rungis. On voit donc bien qu'il existe des rapports de force.
Une des particularités de la grande distribution française, c'est d'avoir toujours maintenu un axe de prix relativement bas et de ne pas répercuter les variations. Nous avions fait il y a quelques années une comparaison sur les prix des produits laitiers en France et en Allemagne. On constatait beaucoup plus d'instabilité en Allemagne sur les prix des produits laitiers au niveau du consommateur. En France c'était totalement flat, quel que soit le niveau des prix des matières premières laitières à l'international.