Intervention de Olivier Lauriol

Réunion du lundi 20 mai 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Olivier Lauriol, fondateur d'Arkose Consulting :

Votre question est extrêmement large. En ce qui concerne le premier point, vous avez dit qu'on a le sentiment que le cadre juridique s'est un peu cassé les dents sur cette relation. J'ai un motif d'optimisme : ce cadre a officialisé quelque chose qui n'existait quasiment pas dans la grande distribution jusqu'à une date relativement récente et qui est l'écrit. Cela concerne notamment le contrat : il y a quelques années, des sommes colossales passaient d'une main à l'autre avec tout juste un papier à peine rédigé. Dans d'autres lieux, cela aurait pu avoir des connotations très péjoratives. Il existe aujourd'hui des contrats, même s'ils ne correspondent pas à ce que l'on demanderait quand on achète à titre privé une maison, mais il y a quand même des choses. Un autre point, que l'on voit peut-être moins mais qui est de plus en plus important et sur lequel nous insistons auprès de nos clients, est la notion de l'écrit. La question est de savoir ce que l'industriel a connu de satisfaisant ou d'insatisfaisant et surtout comment et quand il l'a dit, par écrit, à son client. Si quelque chose peut avoir une large contribution positive au rééquilibrage, c'est le fait que la distribution a horreur que le fournisseur officialise sa vision de ce qui a été fait, surtout quand elle n'est pas très positive. Un simple mail – et je pense que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est assez active – suffit à donner une petite impulsion dans la négociation, dans le sens d'un rééquilibrage. Mais encore faut-il que l'industriel accepte de le faire. Nous voyons, au sein d'Arkose, que des choses ont bougé sur ce plan.

En ce qui concerne le second point, le territoire de la négociation est un peu l'univers, en quelque sorte : il est en expansion permanente. On part de la base qu'est le chiffre d'affaires pour aller de plus en plus vers des données sociétales – telle enseigne veut avoir l'assurance d'avoir des produits bios. La question reste de savoir qui le fait, qui propose des produits, c'est-à-dire l'industriel, et donc comment on va négocier. L'aspect du prix reste prépondérant mais, quand on regarde les documents proposés par la distribution et que l'on peut appeler, pour simplifier, les conditions générales d'achat (CGA), qui sont des pavés de 80, 100 ou 110 pages, parfois, on voit que la distribution a réfléchi, une fois de plus, avant l'industriel et a pris de vitesse le cadre juridique. Les CGA ne sont quasiment pas citées dans ce cadre, c'est-à-dire dans le code de commerce, mais c'est un terrain sur lequel la distribution s'est engouffrée pour l'opposer à des conditions générales de vente (CGV) qui sont assez résiduelles, y compris dans les grands groupes – on en a parlé tout à l'heure.

Le territoire de la négociation est exponentiel et les mêmes questions se posent à chaque fois. En ce qui concerne le prix, comment fait-on pour avoir une contrepartie qui justifie une baisse ? Dans les autres domaines, comme la logistique et la fabrication d'un produit bio, comment fait-on pour que l'industriel ait toutes ses chances de retomber, finalement, sur ses besoins financiers ? On retrouve toujours la même logique : les CGV sont constamment en retard par rapport aux CGA et on sent que le cadre juridique hésite à être trop intrusif à l'égard des relations commerciales parce que nous ne sommes pas, bien sûr, dans un régime administré.

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