Intervention de Olivier Lauriol

Réunion du lundi 20 mai 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Olivier Lauriol, fondateur d'Arkose Consulting :

Le concept de boîte que j'ai évoqué tout à l'heure était la traduction du box, qui est un lieu physique, un bureau plus ou moins grand dans lequel vous avez, dans la majorité des cas, une table centrale où se trouve, toujours dans la majorité des cas, un ordinateur auquel l'acheteur se connecte et qui est tourné vers lui, en grande partie. On va vous recevoir lors de rendez-vous définis, à heure fixe, qui sont malgré tout gérés d'une façon beaucoup plus courtoise qu'il y a quelques années. On se fixe une heure de rendez-vous, qui est généralement confirmée la veille par un mail, et on va discuter de l'accord. On parle notamment de l'accord antérieur, et c'est pour cette raison que l'éphéméride est importante.

Schématiquement, il y a aux mois de septembre et d'octobre ce qu'on appelle les rendez-vous d'atterrissage. On regarde comment l'année en cours va se solder en termes de chiffre d'affaires, de marge, etc. Cela donne déjà l'intonation de ce que sera la négociation à venir. Si un distributeur est clairement en retard par rapport à ses objectifs quant à la marge qu'il avait cru pouvoir dégager avec le fournisseur, cela va sans doute lui donner des leviers supplémentaires pour l'année suivante. La façon dont la négociation se solde se construit à travers cet entretien d'atterrissage et la façon dont on va négocier sur l'avenir commence déjà à s'énoncer, notamment avec l'envoi des CGV – réglementairement avant le 1er décembre. Beaucoup de distributeurs demandent qu'elles soient envoyées beaucoup plus tôt, en septembre ou début octobre, d'une manière assez insistante. Tout cela vise à faire déjà le lien entre « n » et « n+1 » dans la négociation.

Quand arrive la négociation annuelle, on se retrouve dans un box. C'est, là aussi, la particularité de cette négociation frontale : vous êtes en face de l'acheteur, et assez éloigné de tous les autres services de l'enseigne qui pourraient éventuellement apporter un éclairage pour négocier différemment. Il y a très peu de contacts autorisés avec la supply chain ou les services de marketing. On entre dans une forme de dramatisation qui fait partie du cheminement de la négociation franco-française.

Je vais faire un petit aparté : on parle toujours de la négociation à la française, qui étonne le reste du monde – on a au moins cette forme de reconnaissance (Sourires). La distribution est assez schizophrène. Elle est très axée sur la culture française, qui est méditerranéenne, relationnelle, un peu conviviale, parfois rude, mais qui a monté les systèmes français de distribution en favorisant notamment les indépendants, avec des structures courtes et en étant beaucoup dans le relationnel, dans une proximité presque affective avec le fournisseur, même si on se « confronte ». Aujourd'hui, la schizophrénie se manifeste à travers le fait que nous sommes aussi français au sens du côté rationnel des choses : nous sommes les inventeurs du code civil. Cette schizophrénie est précisément ce que la distribution a du mal à gérer.

Un box d'achat est très clairement destiné à établir une influence psychologique, dans le cadre, recherché, des doutes permanents que l'industriel doit avoir sur sa pérennité dans l'enseigne et en même temps avec un encadrement de plus en plus précis, notamment du fait du cadre contractuel et des exigences des industriels, qui fait que la négociation doit rebasculer vers le rationnel. On doit abandonner la culture de schizophrénie, méditerranéenne et nordiste, que j'ai évoquée. C'est ce qui se passe aujourd'hui dans un box, avec des profils d'acheteurs – et je continue à illustrer mon propos – qui sont très souvent jeunes, au sens où beaucoup n'ont pas mis les pieds dans un point de vente. Du côté de l'industrie, en revanche, tous ceux qui sont en première ligne dans les négociations ont fait de la vente et ont une perspective, une intuition de ce que doit être un équilibre économique, parce qu'ils le vivent, ils le sentent. La négociation se déroule en plusieurs rendez-vous jusqu'à la date butoir du 1er mars.

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