J'ai cru comprendre que vous auditionneriez la direction de la PJJ. Je serai donc rapide et profiterai de l'expérience qui fut la mienne. Concernant les grandes orientations de la PJJ, bien que je les connaisse, je suis un peu moins légitime pour vous répondre. En revanche, je me permettrai de faire quelques observations quant aux différences qui m'ont frappée entre ces deux institutions cousines.
Premièrement, la convergence est réelle. Nous y rencontrons les mêmes enfants, mais pas dans les mêmes volumes. L'ASE connaît un effet de masse foudroyant. Il m'a foudroyé quand je suis arrivée à l'ASE, a fortiori dans le département du Nord, avec 20 000 situations différentes. L'effet de masse est partout présent, ce qui n'est pas le cas à la PJJ. Voilà qui remet les choses dans leur contexte. Cependant, nous voyons bien les mêmes enfants, mais pas au même moment. Nous avons donc beaucoup de mal à travailler ensemble au même moment, dans une logique de complémentarité.
J'identifie trois caractéristiques de la PJJ. Premièrement, quand nous nous occupons des enfants, des adolescents ou de ces tout jeunes adultes à la PJJ, nous constatons une très grande spécialisation des équipes éducatives, très bien formées à l'accompagnement des enfants et des adolescents dans un cadre judiciaire. Ce n'est pas du tout le cas à l'ASE. Quelle surprise foudroyante que de constater que des personnels, après trois ans de formation initiale polyvalente d'éducateur spécialisé, n'aient jamais entendu parler du développement de l'enfant, de ses besoins, etc. ! Ce n'est pas l'objet de la formation, qui est en fait de former des travailleurs sociaux polyvalents, censés s'occuper de tous les publics. À la PJJ, les personnels ont deux ans de formation complets sur ces sujets précis, suivis d'un accompagnement, prolongé par la formation continue, etc.
Deuxièmement, la PJJ dispose de moyens très importants, en termes d'encadrement et de pluridisciplinarité, que je n'ai jamais connus ni à l'ASE ni dans le monde associatif. Je parle d'équipements, du nombre de psychologues, du nombre de travailleurs sociaux, d'assistants sociaux, en plus des éducateurs spécialisés, tout cela dans une dimension de complémentarité et non d'interchangeabilité.
Troisièmement, j'évoquerai rapidement un point qui va vous intriguer, celui du faible recours au placement dans les pratiques et les postures professionnelles de la PJJ, qui constitue une dimension quasi culturelle. Sur l'ensemble des enfants suivis par la PJJ, moins de 5 % des enfants sont confiés dans le cadre d'un hébergement, alors que, pour l'ensemble de la protection de l'enfance, dans le domaine civil, environ la moitié des enfants le sont.