Intervention de Olivier Damaisin

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Damaisin, Régimes sociaux et de retraite et Pensions :

En loi de finances initiale pour 2018, la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions totalisaient 65 milliards d'euros de crédits de paiement, dont près de 55 milliards pour les pensions des fonctionnaires civils et des militaires. Soit 1 milliard d'euros de dépenses en plus par rapport à l'exécution 2017.

En fin d'année 2018, l'analyse de l'exécution des crédits votés montre que les dépenses ont été supérieures à la prévision, pour les deux missions. Cet écart est de 127 millions d'euros en ce qui concerne la mission Régimes sociaux et de retraite et de 94 millions d'euros en ce qui concerne le CAS Pensions.

Je vais revenir sur les faits saillants de l'exécution 2018, mission par mission.

S'agissant de la mission Régimes sociaux et de retraite, la surexécution observée est nettement plus importante qu'en 2017. L'écart est ainsi de 127 millions d'euros, soit 3 % des crédits votés, tandis qu'il était de 25 millions d'euros l'année dernière, soit 0,34 % des crédits votés. Cet écart de 127 millions d'euros s'explique par une mauvaise prévision des crédits nécessaires à l'équilibre des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Du côté de la caisse de la RATP, c'est un différend avec l'entreprise sur le mode de calcul des cotisations patronales qui explique ce besoin supplémentaire de 3 millions.

Mais le plus gros écart vient de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, la caisse gestionnaire du régime spécial de la SNCF. En cours d'année, 124 millions d'euros supplémentaires lui ont été versés. Une partie, 35 millions, est la conséquence des grèves du printemps 2018 liées à la réforme ferroviaire, qu'il était difficile d'anticiper et en raison desquelles les recettes de cotisations ont été moindres. Mais le reste, 89 millions d'euros, correspond au remboursement intégral d'une dette que l'État avait sur la caisse depuis 2016. Pour le contexte, cette dette est née de deux décisions du Conseil d'État prises en 2016. Le Conseil d'État avait annulé l'arrêté ministériel fixant le taux de cotisation patronale, dit « T1 », dans le régime spécial de la SNCF, pour les années 2013 à 2015. Dès lors, la caisse, et par ricochet l'État, s'était trouvée redevable d'une dette de près de 100 millions d'euros envers la SNCF. Ce point avait été évoqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, et j'avais interrogé à plusieurs reprises la direction du budget afin de connaître les modalités du remboursement. Vos services disaient alors vouloir échelonner les remboursements sur plusieurs années. Finalement, le ministère a choisi de rembourser intégralement en 2018, en procédant à l'ouverture de 115,5 millions d'euros en loi de finances rectificative. En guise de complément, la caisse a reçu des crédits transférés depuis le programme 195.

Ces ouvertures de crédits en cours d'exercice auraient pu être évitées si le remboursement intégral de la dette avait été programmé dès la loi de finances initiale. Depuis quelques années, le montant prévisionnel de la subvention d'équilibre versée à la caisse est systématiquement sous-estimé. Ainsi, en 2016 il avait fallu trouver un financement complémentaire de 51 millions d'euros. En 2017, de 18 millions d'euros.

Monsieur le ministre, je salue le choix de l'État de solder ses dettes, tant celle qu'il avait auprès de la caisse de la SNCF que celle qu'il avait contractée auprès de Klesia pour le congé de fin d'activité des conducteurs routiers, le CFA, et qu'il a aussi remboursée intégralement en 2018. Cependant, vous en conviendrez comme moi, il serait souhaitable que cette situation de surexécution ne se reproduise pas en 2019. En loi de finances initiale, une augmentation de 19,5 millions d'euros par rapport à 2018 a été prévue. Sera-t-elle suffisante à votre avis ? À ce stade, avez-vous identifié un risque d'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année 2019 ? Comment améliorer les prévisions en vue de la loi de finances pour 2020 ?

Concernant le CFA, j'ai également un doute sur un risque de surexécution des crédits budgétés pour 2019. En loi de finances initiale, la subvention de l'État a été fixée à 95,38 millions d'euros. Or le bureau des retraites et des régimes spéciaux évoque un montant prévisionnel de de 98,5 millions d'euros pour la subvention d'équilibre versée au titre de 2019. Y a-t-il un risque d'ouverture de crédits en cours d'année 2019 ?

Par ailleurs, il semble que l'État envisage une réforme du CFA d'ici à juin 2020. Je rappelle qu'il s'agit d'un dispositif créé en 1998 qui permet aux conducteurs routiers d'arrêter de travailler dès 57 ans, avant l'âge d'ouverture des droits à la retraite, en contrepartie de quoi l'entreprise est tenue d'embaucher un autre conducteur routier en contrat à durée indéterminée. Avez-vous prévu, en 2019, d'engager des discussions tripartites avec les fonds gestionnaires, AGECFA et FONGECFA, en vue de cette réforme ?

J'en viens au CAS Pensions. En loi de finances initiale pour 2018, les dépenses s'élevaient au total à 58,4 milliards d'euros. En fin d'année, 58,5 milliards d'euros ont été exécutés, soit un écart de 116 millions d'euros : plus du double de l'écart observé en 2017. Cela s'explique par des dépenses de pensions plus importantes que prévu pour les fonctionnaires civils et les militaires.

Dans le même temps, on note que les recettes sont inférieures de 557 millions d'euros au montant inscrit en loi de finances initiale, en raison, semble-t-il, d'une mauvaise anticipation de l'arbitrage gouvernemental entre l'embauche de fonctionnaires cotisant au régime spécial et l'embauche de contractuels cotisant au régime général.

Le service des retraites de l'État indique que cet écart entre les recettes prévisionnelles et les recettes effectivement constatées en fin d'année 2018 est particulièrement fort cette année. En 2017, l'écart constaté n'était que de 225 millions d'euros. Pourquoi un écart de cette ampleur en 2018 et comment améliorer les prévisions dans les années à venir ?

Enfin, je voudrais revenir brièvement sur un thème que j'ai souhaité approfondir dans le cadre de la réflexion sur le nouveau système universel de retraite. Il s'agit des dispositifs de compensation de la pénibilité du travail dans les régimes spéciaux. En effet, le droit commun prévoit que les salariés puissent cumuler des points sur le compte professionnel de prévention lorsqu'ils sont exposés à des facteurs de pénibilité, afin de compenser la perte d'espérance de vie qui en résulte par un départ anticipé à la retraite. Mais les affiliés aux régimes spéciaux, eux, n'y sont pas éligibles, car ils ont d'autres dispositifs de compensation. Ainsi, ils distinguent des « catégories actives » au sein de leurs affiliés qui, parce qu'ils ont occupé des emplois considérés comme pénibles, bénéficient d'un âge de départ dérogatoire par rapport aux « catégories sédentaires ».

Ces emplois en « catégories actives » peuvent résulter d'une pénibilité fondée sur le risque – c'est le cas des policiers et des personnels de l'administration pénitentiaire – ou sur des fatigues exceptionnelles – c'est le cas des agents de conduite à la SNCF et à la RATP. Relever de cette catégorie permet de bénéficier d'un âge d'ouverture des droits et de limites d'âges anticipés par rapport au personnel sédentaire, ainsi que de bonifications et de majorations des durées d'assurance, ou encore de l'intégration de certaines primes dans le calcul de la pension.

Ainsi, les dispositifs prévus par les régimes spéciaux sont conçus pour permettre aux affiliés qui ont subi une pénibilité pendant leur carrière de partir plus tôt à la retraite sans subir une trop forte décote. Les organisations syndicales y sont très attachées, bien qu'elles reconnaissent aussi certaines fragilités et insuffisances du système actuel, telle que la non-portabilité de ces droits ou l'iniquité avec le secteur privé à profession équivalente.

Or le devenir des catégories actives est très incertain dans le contexte de la réforme des retraites. Cette spécificité des régimes spéciaux rend particulièrement difficile leur assimilation aux autres régimes de retraite de base. Elle est un des nombreux chantiers sur lesquels travaille le haut-commissaire, et beaucoup de questions restent à trancher.

Parmi les pistes évoquées figure l'hypothèse de maintenir un âge d'ouverture des droits anticipé pour les catégories actives. Une autre possibilité consisterait à fixer des âges de référence différents pour chaque affilié au régime universel, en fonction du profil de sa carrière et de sa génération, ce qui permettrait de compenser plus précisément les différences d'espérance de vie.

Cependant, dans un régime à points, ces départs précoces pourraient se solder par un faible niveau de pension. Il est donc important de prévoir une mesure correctrice. Plutôt que de modifier la formule de calcul pour que les points cumulés rapportent plus, le Conseil d'orientation des retraites préconise de compléter la pension par des droits supplémentaires financés par l'impôt ou par une cotisation non contributive. De leur côté, certains syndicats que j'ai rencontrés ont évoqué la possibilité d'une mesure compensatoire sur le salaire en cas d'emploi pénible, permettant de surcotiser pour financer le complément versé au moment de la liquidation de la pension.

Monsieur le ministre, je sais que le haut-commissaire est à la manoeuvre, mais je pose la question au représentant du Gouvernement que vous êtes, car les personnels affiliés aux régimes spéciaux que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur inquiétude quant au maintien de l'âge de départ anticipé. Quand le Gouvernement sera-t-il en mesure de faire connaître l'hypothèse retenue pour la compensation, dans le nouveau régime universel, de la pénibilité du travail ?

Pour terminer, je tiens à remercier les services de l'ensemble des différentes administrations qui m'ont aidé pour ce travail.

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