Monsieur le ministre, vous dites que la taxe d'habitation est injuste et qu'il faut la supprimer. Mais l'impôt sur le revenu, lui aussi, est injuste, car il est trop concentré ; l'impôt sur les sociétés est également injuste, car il concerne plutôt les petites entreprises que les grandes ; les impôts sur la production sont injustes, car ils sont exigibles avant détermination du résultat ; la TVA est injuste, car elle touche tout le monde ; la contribution économique territoriale – CET – est injuste, car on n'y comprend rien ; la CSG est injuste, car proportionnelle ; la redevance télé, enfin, est injuste, car on ne regarde plus la télé sur les écrans de télé. La taxe d'habitation est-elle, au fond, plus injuste que les autres impôts injustes ?
Je ne le crois pas. Je pense qu'un impôt est injuste parce que tous ceux qui le paient le considèrent comme tel, tandis que tous ceux qui ne le paient pas le considèrent comme un très bon impôt. La taxe d'habitation n'est pas plus injuste que les autres. C'est en réalité un choix que vous avez fait durant la campagne électorale. Nous avions proposé une baisse de l'impôt sur le revenu ; le créneau étant pris, vous vous êtes concentrés sur la taxe d'habitation. Depuis cette époque, vous essayez de rhabiller, de réhabiliter l'idée selon laquelle la taxe d'habitation serait le plus injuste des impôts du système fiscal français. Ce n'est pas la réalité. Certains orateurs l'ont dit : 40 % des citoyens ne seront pas concernés par votre réforme – 20 % ne paient déjà pas la taxe d'habitation et 20 % continueront à la payer. Par ailleurs, une petite partie des assujettis ne la paient pas totalement, en raison des nombreux cas de réduction existants.
En réalité, votre décision d'exonérer de taxe d'habitation 80 % des Français fera deux victimes. Il s'agit, premièrement, de la dette, car il faudra bien rembourser tout cela aux collectivités locales, et je ne crois pas que les économies suffiront. Vous allez continuer à recourir à l'emprunt ou à utiliser plus de dette qu'on n'aurait pu le faire. Il s'agit, deuxièmement, des communes, qui perdront une part supplémentaire de leur indépendance, et qui voient de moins en moins clair dans leur financement.