Il y a près d'un an déjà, le Premier ministre m'a confié la mission de formuler des propositions permettant de garantir durablement et en tout lieu du territoire une formation de qualité à la conduite automobile, en assurant l'accessibilité aux examens et au permis de conduire lui-même par les délais comme par les prix. Cet objectif est parfaitement conforme à la volonté du Président de la République de lutter contre toutes les formes d'assignation à résidence.
On le sait, le permis de conduire est au coeur des préoccupations et du quotidien des Français. Il est l'examen le plus passé en France, avec 1,5 million de candidats par an, et – je tiens à le souligner – le seul diplôme que beaucoup de nos concitoyens aient en poche.
Non seulement il permet de se déplacer, mais c'est aussi un instrument de renforcement du lien social, dans la mesure où il facilite l'accès à l'emploi. En 2017, sur 3,4 millions d'offres déposées à Pôle emploi, 17,2 % exigeaient la détention du permis B.
Le permis de conduire constitue donc un puissant levier pour réduire la fracture territoriale à l'oeuvre dans les territoires périurbains et ruraux ou ceux qui connaissent le plus de difficultés économiques et sociales.
Le permis ne se réduit pas à une simple autorisation administrative : il valide une capacité à conduire. La qualité de la formation est déterminante pour la sécurité de tous. Si les derniers chiffres de la mortalité routière sont en baisse – ce pourquoi je tiens à saluer l'action du Gouvernement et de la délégation à la sécurité routière – , 3 500 personnes ont encore perdu la vie en 2018 sur les routes de France, métropole et outre-mer confondus.
Les jeunes sont particulièrement concernés : les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les 18-24 ans. Outre-mer, la situation est encore plus préoccupante : en moyenne annuelle, 201 jeunes par million d'habitants y décèdent sur la route, contre 113 en métropole.
Nous nous accorderons tous, je pense, sur le rôle central du permis comme outil d'émancipation sociale et professionnelle ainsi que sur la nécessité de permettre à chacun de l'obtenir. C'est également la volonté du Gouvernement, qui a présenté, le 2 mai dernier, une série de mesures ambitieuses ; nous allons en examiner certaines.
Au cours des très nombreuses auditions et des très nombreux déplacements que j'ai réalisés, j'ai acquis la conviction que rendre le permis de conduire accessible à tous implique certes d'en réduire le coût, qui demeure élevé pour de nombreux ménages – entre 1 600 et 1 800 euros – , mais également de permettre l'accès à cette formation sur tout le territoire et, surtout, à tous les publics. Il est possible de maîtriser le coût sans porter atteinte à la qualité, en renforçant le continuum éducatif de la formation routière, en employant les nouveaux outils issus de la transition numérique et en réorganisant et fluidifiant la chaîne des acteurs.
Il faut tout d'abord permettre à chaque jeune utilisateur d'un moyen individuel de transport d'acquérir une réelle culture citoyenne et responsable des déplacements dans l'espace public. C'est le rôle du continuum que je viens d'évoquer, qui sera promu par l'éducation nationale, et qui aboutira à la présentation gratuite du code de la route à l'occasion du service national universel. Maîtriser les coûts sans porter atteinte à la qualité suppose également d'employer, lors de l'apprentissage de la conduite, tous les outils pédagogiques et organisationnels pour optimiser la formation.
S'il est difficile de réduire le coût d'une heure de formation individuelle, compte tenu de la qualification des moniteurs, le recours aux nouvelles technologies permet de rationaliser le nombre d'heures de pratique. Les simulateurs de conduite constituent, à cet égard, un outil particulièrement intéressant : placé dans des conditions réelles, le jeune apprenti peut apprendre, par exemple, à conduire sous la neige ou à maîtriser le freinage d'urgence, ou se familiariser avec des situations et des comportements particuliers. Leur utilisation permettrait également de mutualiser les premières leçons et offrirait la possibilité aux jeunes d'échanger de manière interactive. Les professionnels que j'ai rencontrés ont été unanimes pour souligner que ce mode d'apprentissage entre pairs permettait une meilleure compréhension des règles du code de la route et favorisait les comportements vertueux.
Un amendement visant à accompagner les auto-écoles dans l'acquisition d'un simulateur par le biais d'un dispositif de suramortissement a été adopté en commission, et je m'en félicite.
Enfin, une meilleure visibilité quant à la date de passage de l'examen pratique permettra de limiter au strict nécessaire le nombre d'heures. En effet, chaque mois de délai gagné correspond à 200 euros d'économie pour le candidat. Il s'agit là d'un instrument important de baisse des coûts. La commission a adopté un amendement en ce sens, qui permettra de tester, dans cinq départements d'Occitanie, l'inscription autonome et en ligne des candidats. En choisissant à l'avance leur date de passage, les candidats pourront optimiser leur formation et ne faire que le nombre d'heures de conduite strictement nécessaires.
Afin de pouvoir s'orienter vers la solution qui lui convient le mieux, le candidat doit en outre disposer, en toute transparence, d'informations tant sur le coût de la formation que sur sa qualité. Le Premier ministre a entériné la création d'un comparateur d'offres en ligne, qui permettra au candidat de mieux s'orienter ; c'est une bonne nouvelle.
Rendre le permis de conduire plus accessible implique également de permettre l'accès à cette formation, j'y insiste, sur tout le territoire et à tous les publics. À cette fin, Il est important de disposer d'un maillage territorial dense et de solutions d'apprentissage adaptées à tous les publics. Au cours de ma mission, j'ai rencontré des professionnels fiers de leur action au service de l'intérêt général et qui souhaitent avant tout se mettre au service des futurs conducteurs partout sur le territoire.
Les changements de fond de notre société ne sont pas sans conséquence sur leur activité. Le développement des mobilités mais aussi les réformes entamées en 2015 ont accru la demande de réponses de la part du grand public. Il y a, je crois, de la place pour tous en matière d'éducation routière, mais tous les acteurs doivent être sur un pied d'égalité. Pour cela, il faut renforcer les contrôles pour s'assurer de la qualité du parcours de formation. C'est un impératif pour garantir une concurrence saine dans le secteur et pour garantir la sécurité routière. La généralisation d'un livret de conduite dématérialisé permettra de s'assurer que les élèves ont bien suivi les vingt heures de conduite obligatoires et que celles-ci ont été dispensées par un professionnel diplômé.
Avant de rendre la parole, madame la présidente, j'insiste sur le fait que la présente discussion doit évidemment se poursuivre. Chacun doit pouvoir s'exprimer sur les conditions de son émancipation sociale et professionnelle ainsi que sur la sécurité sur nos routes. La question de l'accessibilité du permis de conduire, de la sécurité et de l'éducation routières appelle un effort de tous les instants, et je tiens à rendre hommage, une nouvelle fois, aux professionnels, aux associations et aux bénévoles qui interviennent auprès de nos jeunes pour renforcer la sécurité de tous.