Intervention de Mohamed Laqhila

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMohamed Laqhila, rapporteur spécial (Politique des territoires) :

Depuis 2018, l'ancienne mission Politique des territoires a été fusionnée avec la mission Égalité des territoires au sein d'une seule mission Cohésion des territoires. Je suis donc rapporteur des crédits de trois des programmes de cette grande mission : les programmes 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, 162 Interventions territoriales de l'État et 147 Politique de la ville. Ces programmes ne représentant que 4 % des crédits de la mission ; ils sont quelque peu noyés à côté de l'énorme masse budgétaire que représentent les politiques consacrées au logement. C'est pourquoi je pense que le maintien de l'ancienne organisation, avec deux rapporteurs spéciaux distincts, est nécessaire pour la lisibilité et le contrôle des politiques publiques en faveur de l'aménagement du territoire et du développement des quartiers prioritaires.

En 2018, les crédits consommés des programmes 112, 162 et 147 se sont élevés à 695 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2017. Cette hausse traduit l'effort du Gouvernement en faveur des territoires les plus fragiles et une exécution budgétaire beaucoup plus satisfaisante qu'en 2017.

J'aimerais cependant appeler votre attention sur plusieurs points qui méritent, selon moi, une vigilance accrue.

Premièrement, il faut faire un effort de lisibilité concernant l'inscription du montant des autorisations d'engagement du programme 112 dans les documents budgétaires : chaque année, elle est erronée, pour des raisons techniques peu compréhensibles.

Deuxièmement, il me semble que les conditions de financement des maisons de services au public (MSAP) doivent être éclaircies. En effet, l'accord de financement de ces maisons entre l'État et les opérateurs est arrivé à échéance au milieu de l'année 2018 et n'a pas fait l'objet d'un renouvellement, si bien que le financement, en 2018, a été moins important qu'anticipé. Cette question va se poser de façon encore plus forte en 2019, surtout après les annonces du Président de la République, qui a insisté sur la nécessité de développer ces maisons de services au public pour atteindre l'objectif de 2 000 maisons d'ici à la fin du quinquennat. La Cour des comptes a d'ailleurs recommandé, dans son rapport de mars 2019, une redéfinition des modalités de financement de ces MSAP. Monsieur le ministre, comment seront-elles financées en 2019 et au cours des prochaines années ?

Troisièmement, je souhaite appeler votre attention sur la difficulté qu'il y a à prévoir la compensation versée par l'État à la sécurité sociale au titre des exonérations de charges sociales accordées dans l'ancien dispositif des zones franches urbaines (ZFU). Ce dispositif est en extinction depuis 2014, mais les entreprises qui en ont bénéficié avant sa suppression continuent de l'utiliser. Dans les faits, on constate des écarts importants entre la prévision du coût de ces exonérations pour la sécurité sociale et sa réalisation, ce qui a des conséquences en termes de pilotage budgétaire pour le responsable de programme. Cela a entraîné la constitution d'une dette de l'État envers la sécurité sociale de 38 millions d'euros, qu'il semble aujourd'hui nécessaire d'apurer.

Je souhaite, enfin, appeler votre attention sur les dépenses fiscales rattachées à ces programmes, qui s'établissent à 905 millions d'euros, soit un tiers de plus que les crédits budgétaires. Les principales dépenses fiscales sont dynamiques : ce sont celles en faveur de la Corse et le taux de TVA réduit pour les logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires. Il me semble que ces dépenses fiscales devraient faire l'objet d'évaluations plus régulières.

Le coût du dispositif des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs, qui a succédé au dispositif des ZFU, est, quant à lui, plutôt stable depuis sa création en 2015. Cependant, il arrive à échéance à la fin de l'année 2020, sans qu'aucune évaluation de sa pertinence n'ait encore été réalisée. Monsieur le ministre, quand comptez-vous lancer cette évaluation ? Ne pourrait-elle pas faire l'objet d'une mission parlementaire ?

Je souhaite maintenant m'attarder quelques instants sur l'évaluation que j'ai menée ces derniers mois. Dans le contexte du lancement du nouveau programme de renouvellement urbain, j'ai choisi de comparer les opérations de rénovation urbaine mises en oeuvre dans trois villes que je connais bien : Marseille, Montpellier et Aix-en-Provence. La démarche est intéressante, parce que ces trois villes sont représentatives de la diversité de l'intervention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), avec des projets d'ampleur très inégale. Le projet global à Marseille est l'un des plus importants du territoire métropolitain, celui de Montpellier est plutôt de taille intermédiaire et les opérations réalisées à Aix-en-Provence n'ont été aidées que de façon marginale par l'ANRU.

Malgré ces différences, j'ai pu dégager des caractéristiques communes à la réalisation de ces opérations, qui sont riches d'enseignements. D'abord, aucune de ces villes n'a achevé à ce jour l'ensemble des opérations lancées dans le cadre du premier programme de l'ANRU. Ensuite, pour les opérations achevées, au moins dix ans ont été nécessaires entre la signature du projet dans la convention initiale et la fin des opérations. Les trois villes ont connu des retards d'exécution significatifs. Enfin, et c'est ce qui est le plus dommageable selon moi, malgré des objectifs quantitatifs ambitieux sur la transformation du bâti, ces projets n'ont pas permis d'accroître la mixité sociale dans les quartiers. On s'occupe du béton, plutôt que de l'humain.

Bien sûr, il est illusoire de croire qu'une action portant sur le bâti peut permettre à elle seule d'atteindre la mixité sociale. Cependant, il me semble que le renforcement des règles imposées aux projets par l'ANRU dans le cadre du nouveau programme et le passage à l'échelle intercommunale vont dans le bon sens. Monsieur le ministre, quel est le premier bilan du respect de ces nouvelles règles au niveau national ? Le nouveau programme permettra-t-il, selon vous, d'accroître réellement la mixité sociale dans les quartiers ? Pour ma part, j'ai un doute.

Pour conclure, je souhaite saluer l'engagement des porteurs de projets – les élus locaux – dans l'élaboration de projets ambitieux, dans un contexte marqué par le passage à l'échelon intercommunal, qui n'est pas toujours simple. Je souhaite également souligner le travail de l'ANRU dans l'accompagnement de ces porteurs de projet, qui est toujours plus adapté aux réalités locales.

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