Présidence
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend d'abord Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.
Nos commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) passent en revue toutes les missions, afin d'examiner l'exécution 2018, et non pas – je le précise – les projets pour l'année en cours, sans quoi les réunions devraient durer des dizaines d'heures. Leurs travaux feront l'objet d'un rapport de synthèse.
C'est un plaisir de participer au Printemps de l'évaluation pour la deuxième année consécutive. L'année dernière, mes travaux avaient porté sur les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement, dans le cadre de la réforme des aides économiques outre-mer. Cette année, j'ai décidé de porter mon attention sur les plans de convergence outre-mer et sur le plan d'action pour l'avenir de Mayotte.
Avant d'aborder ces deux thèmes, je pense qu'il n'est pas inutile de dire quelques mots sur l'exécution 2018. Comme 2017, l'année 2018 a été marquée par des aléas de gestion qui ont contraint l'exécution. Il s'est agi, en particulier, des crises sociales qui ont éclaté à Mayotte au mois de mars 2018 et à La Réunion en fin d'année. 2018 a aussi été l'année de la mise en oeuvre de certaines dispositions de la loi sur l'égalité réelle outre-mer (« ÉROM ») ; des mesures décidées après la tenue des Assises des outre-mer ; de la mise en oeuvre du plan Guyane ; du début de la reconstruction de Saint-Martin, durement frappée par le cyclone Irma ; et du scrutin référendaire en Nouvelle-Calédonie. Dans ce contexte, les crédits exécutés se sont établis à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement.
Nous devons signaler un dynamisme imprévu du montant des exonérations de cotisations sociales applicables aux entreprises ultramarines. La mission Outre-mer rembourse en effet à la sécurité sociale ces exonérations, dont le montant représente 55 % des dépenses de la mission et dont l'évolution est difficilement prévisible. Les erreurs de prévision de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sont ainsi fréquentes, ce qui a, malheureusement, un impact majeur sur la mission. La Cour des comptes propose d'ailleurs que l'ACOSS prenne en charge une partie des surcoûts liés à ses erreurs de prévision.
Bien que les crédits exécutés soient supérieurs à la prévision en loi de finances initiale, on constate une sous-consommation par rapport à l'ensemble des crédits ouverts sur l'année – crédits ouverts par la loi de finances rectificative et par des mouvements réglementaires compris. Elle concerne principalement les crédits du programme 123 Conditions de vie outre-mer, qui financent les interventions du ministère en faveur de politiques structurantes dans les outre-mer. Sans entrer dans le détail, la sous-consommation en autorisations d'engagement est purement optique et le montant des dépenses engagées en 2018 pratiquement égal au montant prévu en loi de finances initiale. En revanche, s'agissant des crédits de paiement, on constate une sous-consommation à hauteur de 70,5 millions d'euros des crédits, qui n'ont pu être ni utilisés ni reportés. Je comprends qu'il s'agit de projets pour lesquels des factures n'ont pas pu être produites ou de projets qui ont pris du retard en raison de difficultés dans la maîtrise d'ouvrage.
Les politiques financées par le ministère des outre-mer ont en effet cela de particulier qu'elles sont mises en oeuvre par des opérateurs tiers : les collectivités territoriales et les organismes de logements sociaux notamment. La sous-consommation constatée a révélé quelques dysfonctionnements dans le pilotage de la dépense et dans son exécution. Quelles actions envisagez-vous, madame la ministre, pour remédier à ces problèmes ? Surtout, qu'envisagez-vous pour soutenir les collectivités et les organismes de logements sociaux dans leur maîtrise d'ouvrage ? L'Agence nationale de la cohésion des territoires ne me paraît pas être une réponse suffisante.
Je souhaite maintenant aborder mes thèmes d'évaluation, à commencer par les plans de convergence outre-mer, un nouveau type d'outil de programmation contractuel, créés par la loi ÉROM, qui devaient être élaborés conjointement, dans chaque département et région d'outre-mer (DROM), par l'État, les collectivités d'outre-mer de l'article 73 de la Constitution et les établissements publics intercommunaux, avant le 1er juillet 2018. Dans les collectivités de l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, ces plans sont facultatifs. Selon la loi, les plans de convergence doivent ensuite se décliner en contrats de convergence, qui seront, en fait, les anciens contrats de plan État-région (CPER) dans les DROM.
Les plans de convergence devaient se distinguer des dispositifs existants par l'ampleur de leur champ et leur inscription dans le temps long. Ils étaient destinés à fixer un horizon commun à tous les dispositifs de programmation existants, ainsi que des orientations stratégiques et de long terme pour parvenir à l'égalité réelle. Ils devraient donc prévoir une résorption des écarts de développement. À lire les dispositions de la loi ÉROM et de ses travaux préparatoires, ces plans ne doivent pas être de simples déclarations d'intention. Ils doivent prévoir les mesures et actions visant à mettre en oeuvre de façon opérationnelle leurs objectifs de réduction des écarts de développement. La loi prévoit également qu'ils doivent comprendre une programmation financière pluriannuelle.
Or, plus de deux ans après sa promulgation, seuls deux plans de convergence ont été conclus. Le retard s'explique notamment par la nécessité de prendre en compte le bilan des Assises des outre-mer. J'ai l'impression que l'élaboration de ces plans est tâtonnante et je redoute que l'on ait un peu perdu de vue leurs ambitions d'origine. Je ressens une sorte de décalage entre l'engouement suscité par la création de ces plans en 2017 et le sentiment d'inachevé qu'ont certains des signataires potentiels aujourd'hui.
J'espère que les plans de convergence qui restent à conclure seront fidèles à l'intention du législateur, qu'ils dessineront des orientations stratégiques de long terme et guideront des contrats de convergence ambitieux. La réduction des écarts de développement à long terme implique que des moyens adéquats soient mobilisés. Je souhaite que les contrats de convergence ne soient pas seulement une nouvelle appellation des CPER, mais que les financements de l'État permettent de donner toute leur portée aux dispositions de la loi ÉROM. Enfin, je préconise d'associer rapidement les services de la Commission européenne à l'élaboration des plans de convergence, pour que les objectifs de développement et les indicateurs soient en cohérence avec ceux des programmes opérationnels européens.
Concernant le plan d'action pour l'avenir de Mayotte, j'y ai effectué un déplacement début janvier pour suivre son application. Pour rappel, il a été lancé en mai 2018, après une crise sociale de grande ampleur qui s'est déclenchée au mois de mars et a duré plusieurs semaines. Madame la ministre, vous avez présenté un plan de cent vingt-cinq actions réparties en cinquante-trois engagements et en huit axes. Pour le moment, sa mise en oeuvre est, d'après ce que j'ai pu constater, globalement satisfaisante, même si le plus dur reste à faire. Il avait été chiffré, à l'époque, à 1,3 milliard d'euros.
Les mesures de l'axe « Sécurité, justice, immigration » sont toutes appliquées et les premiers résultats sont là. Sans entrer dans le détail, les moyens terrestres et maritimes de lutte contre l'immigration clandestine, venant principalement des Comores, ont été renforcés. Le nombre d'interceptions et de reconduites à la frontière a mécaniquement augmenté. Cette amélioration de la lutte contre l'immigration clandestine montre à quel point les services de l'État manquaient jusqu'alors de moyens pour assurer leur mission. Je pense, d'après les travaux que j'ai menés, qu'il faudrait aller un peu plus loin pour être complètement à la hauteur du défi. Il manquerait encore, au minimum, trois intercepteurs, une vedette côtière de surveillance maritime et un hélicoptère, pour considérablement réduire le flux migratoire. Je pense qu'il est également nécessaire de renforcer la coopération avec les Comores. Un projet d'aide au développement de 150 millions d'euros a été annoncé en décembre dernier. Où en est-on, madame la ministre ?
Les engagements de l'axe « Entreprises et économie » du plan, qui contenait des mesures d'urgence et des mesures de long terme, ont quasiment tous été tenus. Les mesures structurantes des autres axes – « Santé », « Éducation », « Solidarité », « Logement », « Infrastructures », « Accompagnement des collectivités » – sont en cours de réalisation. Les investissements sont lourds et les moyens financiers sont là. Je pense qu'à Mayotte plus qu'ailleurs, il est nécessaire de mieux accompagner les collectivités dans la maîtrise d'ouvrage. Dans le cadre du plan, une plateforme d'ingénierie devait être rapidement mise à disposition des collectivités du territoire ; mais elle se fait toujours attendre. J'espère que cette situation va vite être résorbée. Où en est-on, madame la ministre, de sa création ?
Enfin, je veux vous alerter sur le problème d'attractivité du territoire pour les fonctionnaires de l'État. Leur situation financière s'est détériorée ces dernières années avec la réforme de certaines indemnités, ce qui semble incompréhensible, compte tenu des problèmes d'attractivité du territoire. À mon sens, plusieurs mesures d'ordre réglementaire doivent être prises pour remédier à la situation. Je les ai listées dans mon rapport. Plus généralement, je crains qu'un cercle vicieux ne soit à l'oeuvre. Le problème fondamental de l'attractivité de l'île tient, selon moi, à un manque de services publics dans de nombreux domaines, comme la santé ou l'éducation. Or l'une des causes de ce manque réside précisément dans le défaut d'attractivité du territoire pour ceux qui font fonctionner ces services publics. Il faut rapidement briser ce cercle vicieux.
Pour résumer, madame la ministre, l'exécution budgétaire 2018 est en hausse, mais elle appelle quelques questions. J'espère que les plans de convergence qui seront signés préserveront l'ambition initiale du législateur. Je constate que le plan d'action pour Mayotte suit son cours, mais j'aimerais que l'on renforce l'expertise technique de l'État et des collectivités dans le territoire.
Enfin, je tiens à remercier les services de l'État à Mayotte pour leur accueil ; la Cour des comptes, que j'ai pu auditionner, pour son analyse de l'exécution ; votre cabinet et vos services pour leur disponibilité ; vous-même, madame la ministre.
Je tiens tout d'abord à excuser le rapporteur général pour son absence cet après-midi.
Ma première question concerne l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). Dans un référé, la Cour des comptes relève plusieurs problèmes. Or, l'objectif des CEPP est justement la recherche d'une plus grande efficience dans la dépense publique. N'est-il pas envisageable, comme le propose la Cour, de fondre les missions de LADOM avec celles de Pôle emploi et des collectivités locales compétentes en matière de formation ?
Ma seconde question porte sur les dispositifs fiscaux. Si les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement sont efficaces dans le cadre de la réalisation de logements sociaux ou l'acquisition d'équipements par les entreprises, comme plusieurs rapports l'ont montré, sont-ils pour autant efficients ? Ne devrait-on pas, pour éviter une certaine évaporation et que le dispositif ne bénéficie in fine à des personnes résidant dans l'Hexagone, réfléchir à des subventions budgétaires plus ciblées et dotées de mécanismes de garantie, dans un dispositif contractuel, pour assurer le maintien de l'effort public au niveau actuel ? Cela serait sans doute moins coûteux, mais tout aussi efficace.
Pour la deuxième année, je viens devant vous pour discuter du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État pour 2018.
En introduction, je tiens à donner quelques chiffres pour rétablir des vérités. L'exécution 2018 est en hausse de 10 % en autorisations d'engagement et de 4 % en crédits de paiement par rapport à 2017. Par ailleurs, avec 2,1 milliards d'euros exécutés en 2018, les crédits de la mission Outre-mer sont en augmentation constante. C'est plus que le montant prévu en loi de finances initiale qui a été dépensé, avec une augmentation de 5 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement, alors même que le ministère des outre–mer avait bénéficié, en loi de finances initiale, de crédits dépassant de 50 millions d'euros le plafond fixé pour les années 2018 à 2020 par la loi de programmation des finances publiques. On peut donc affirmer que jamais le budget du ministère des outre-mer n'a été aussi élevé et que jamais un Gouvernement n'a mis autant de crédits à la disposition des territoires. En 2018, les quatre-vingt-huit programmes participant à l'action de l'État outre-mer ont dépassé 18,7 milliards d'euros, soit une hausse de 4,1 % par rapport à 2017. Les transferts aux collectivités, quant à eux, sont passés de 395 millions d'euros en 2016 à 529 millions d'euros en 2018. Voilà pour répondre aux accusations de « vol » des territoires, pour reprendre le terme qu'ont employé certains parlementaires devant les médias ! Quand on connaît les chiffres, c'est une drôle de définition de ce mot.
Je dois cependant avouer qu'il y a une sous-consommation des crédits qui ont été ouverts, après la loi de finances initiale, sur laquelle nous devons nous interroger. Il est important que ces crédits soient visibles pour nos concitoyens : ce sont des routes, des infrastructures, des systèmes de télécommunications. Des fonds de concours ainsi que de nouveaux crédits sont venus s'ajouter à ceux ouverts par la loi de finances initiale. Nous devons nous demander, en toute honnêteté, si, à la suite de l'augmentation des fonds européens et de la hausse des crédits d'investissement, tous ministères confondus, une limite d'absorption des crédits par les territoires n'a pas été atteinte : il ne s'agit pas d'un problème de manque de financements, mais d'utilisation des crédits.
De 600 millions d'euros, les prêts de l'Agence française de développement (AFD) aux collectivités sont tombés à 350 millions d'euros. Certaines collectivités ne peuvent plus bénéficier de ces prêts, compte tenu de leur mauvaise santé budgétaire. Pour ce qui est du Fonds européen agricole pour le développement rural, quatre régions outre-mer figurent parmi les cinq qui ont le plus faible taux d'engagement au plan national. Sur les 45,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement mobilisés en 2018 pour les constructions scolaires du second degré en Guyane, l'an prochain, les crédits de paiement ne dépasseront pas 3 millions d'euros. Sur le million d'euros de subventions de la dotation d'équipement des territoires ruraux dans le cadre de la mission interministérielle et partenariale sargasses, en Guadeloupe, aucune demande de paiement n'est encore intervenue, alors que les maires que je rencontre sur le terrain me parlent tous des problèmes causés par les sargasses et du coût que le traitement représente pour leur commune. Enfin, pour ce qui est des 40 millions d'euros de crédits du plan France très haut débit, en Guyane, par exemple, les travaux sont à l'arrêt du fait d'une réorientation d'une partie des financements par la collectivité territoriale de Guyane.
C'est pourquoi j'ai décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Il faut absolument renforcer l'appui aux collectivités. Nous avons déjà renforcé l'ingénierie, dont le manque était criant. L'Agence du numérique a renforcé ses équipes pour aider le projet guyanais à démarrer. Le ministère de la transition écologique et solidaire a décidé de financer un expert pour les investissements en eau en Guadeloupe. Il a également fléché plus de 4 millions d'euros de crédits à l'AFD pour accompagner l'ingénierie dans les collectivités territoriales. Je suis prête à aller beaucoup plus loin, en soutenant le redressement financier des collectivités et en octroyant davantage de crédits à l'AFD ou à Expertise France, pour être encore plus aux côtés des collectivités.
Il faut également davantage structurer et coordonner l'action publique dans les territoires. Nous avons créé, au niveau local, des plateformes d'appui aux collectivités, notamment en Guyane et à Mayotte, qui avaient davantage besoin d'ingénierie. Les fiches de poste ont été publiées, avec des objectifs opérationnels. J'espère que nous aurons des candidats... Force est de constater qu'ils sont bien peu nombreux. Je souhaite créer un pôle d'ingénierie au ministère des outre-mer, projet qui s'intègre dans le programme Action publique 2022.
La capacité financière des collectivités a besoin d'être restaurée sur le long terme. Nous avons lancé une mission sur les délais de paiement, ainsi qu'un travail sur la gestion publique et sur la péréquation qui doit être plus équitable. Je rappelle que les délais de paiement de certaines collectivités peuvent atteindre 420 jours.
À la direction générale des outre-mer, les procédures de suivi devront être beaucoup plus rigoureuses. Au niveau local, les préfets et les services de l'État doivent travailler en collaboration plus étroite avec les maîtres d'ouvrage, afin notamment d'avoir des prévisions plus justes d'utilisation des crédits. Il y a en effet des sous-consommations de crédits constatées tardivement dans l'année, parce que ce n'est qu'au dernier moment que certaines collectivités indiquent aux services de l'État qu'ils ne peuvent pas leur fournir les factures. Au niveau central, nous sommes en train d'élaborer une charte de gestion pour clarifier les responsabilités et préciser les actions à mener, afin de disposer d'un système d'alerte concernant les projets qui ne peuvent pas se faire. Certains projets reçoivent des autorisations d'engagement, alors qu'ils ne sont pas suffisamment mûrs, que les questions de foncier ou de permis de construire ne sont pas réglées et que toutes les données ne sont pas maîtrisées. Aujourd'hui, 1,6 milliard d'euros d'autorisations d'engagement outre-mer devraient nécessiter des crédits de paiement ; or ils ne se transformeront pas en projets ou n'interviendront que très tardivement.
Vouloir aller plus vite et plus loin et résorber les retards des territoires outre-mer nécessite une réorganisation. Les plans de convergence ont déjà été signés pour deux territoires en décembre 2018 ; ils le seront en même temps que les contrats pour les autres. Le législateur, qui a voulu ces plans de convergence, après de riches débats lors de l'examen de la loi ÉROM, n'est pas forcément suivi par les collectivités. C'est souvent l'État qui a poussé, pour définir ces plans, quand les collectivités n'étaient pas investies. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, il est vrai que, la première année, nous avions demandé à tous d'attendre les Assises des outre-mer. J'attends pour juin la totalité des contrats, qui pourraient être signés collectivement à Paris, si les collectivités le souhaitent.
Si la rédaction des plans n'a pas été facile, celle des contrats l'a été un peu plus. Il est toujours difficile d'articuler l'exercice de programmation pluriannuelle avec le fonctionnement par projet des agences, comme l'AFD, l'Agence des transports, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, par lesquelles passe la plupart des financements. Nous devons réfléchir à cela. Je voudrais, malgré toutes ces difficultés, remercier les services de l'État et des collectivités, notamment les établissements publics de coopération intercommunale, qui seront, pour la première fois, signataires de ces nouveaux contrats de convergence et de transformation : 2,1 milliards d'euros de crédits contractualisés jusqu'en 2022, dans un périmètre élargi à de nouveaux ministères – ministère de la culture et secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour ce qui est du lien avec les fonds européens, attendons le post-2020, pour savoir quels seront les crédits européens, pour les régions ultrapériphériques et les pays et territoires d'outre-mer.
S'agissant des contrats en cours, des réflexions avaient été menées avec les collectivités pour les nourrir.
Quant à Mayotte, le bilan du plan d'action est disponible en ligne. J'ai tenu à le présenter moi-même sur place, en menant un échange avec les élus, la presse et les citoyens. Avec ses cent vingt-cinq actions et ses cinquante-trois engagements, nous sommes au rendez-vous. Toutefois, monsieur le rapporteur spécial, vous avez raison : malgré de vrais progrès dans la lutte contre l'immigration et l'augmentation des retours vers les Comores ou, dans une moindre mesure, vers Madagascar, un travail complémentaire reste à faire en mer. Le Président de la République a souhaité, au mois de février, une réorganisation des services et des modes opératoires. Les actions sont multiples : efforts contre les filières organisant l'immigration ; lutte contre l'économie souterraine et la fraude documentaire ; appui à la filière de traitement administratif. Le travail diplomatique doit également se poursuivre. Comme vous l'avez dit, on ne règlera pas le problème de Mayotte sans un plan de développement des Comores. Nous travaillons en partenariat avec les parlementaires de Mayotte. Après les élections aux Comores, nos échanges vont reprendre, ce qui implique que nous puissions avoir confiance les uns dans les autres. Enfin, l'attractivité est, de fait, une question majeure, puisque des postes sont publiés sans être pourvus. Plusieurs actions sont prévues pour la favoriser.
Madame la ministre, comme vous le savez, les problèmes de logement sont très importants outre-mer, y compris dans les plus petits territoires comme Saint-Pierre-et-Miquelon. Les objectifs fixés par le plan logement outre-mer de 10 000 logements neufs ou réhabilités par an ne seront pas atteints cette année. Quelles sont les raisons profondes de ce retard dans l'exécution, alors que la demande existe ? Selon vous, ne faudrait-il pas relever le niveau de la ligne budgétaire unique (LBU), pour en faire une priorité claire ? Quelles solutions pourront émerger de la conférence logement outre-mer, que vous avez lancée en février dernier, pour atteindre vos objectifs outre-mer ?
Notre groupe s'intéresse plus particulièrement à l'analyse de l'utilisation des crédits de LADOM. Avec mes collègues calédoniens, nous constatons une baisse de 8 % des crédits de l'aide à la continuité territoriale. Si la réforme de 2015 avait engagé une modernisation de leur utilisation, nous constatons des difficultés d'utilisation, notamment pour la desserte inter-îles de Wallis-et-Futuna. Du fait de la dimension assez particulière du territoire polynésien, grand comme l'Europe et comptant cent dix-huit îles, nous nous intéressons également à la continuité intérieure.
Cela fait plus d'un an que nous travaillons, afin de favoriser la mobilité professionnelle des salariés qui ne peuvent pas accéder aux formations sur place. Lors de l'examen, l'an dernier, de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, on nous avait promis une ordonnance que nous attendons toujours. La plupart des parlementaires ont été conviés à des réunions spécifiques par territoire ; ni la Polynésie, ni la Nouvelle-Calédonie ne l'ont été. Pourrions-nous avoir plus d'informations sur l'utilisation de ces crédits, sur leur déploiement et leur répartition par type d'aide à la mobilité ?
S'agissant des dessertes inter-îles, la Nouvelle-Calédonie souhaiterait que nous révisions les conditions d'accès aux aides, dans la mesure où les coûts des billets d'avion en provenance du Pacifique ne sont pas du tout les mêmes que les autres.
Enfin, nous nous inquiétons de la sous-consommation budgétaire. Il nous semble nécessaire de permettre une fongibilité des crédits, afin que les territoires qui en ont besoin puissent en bénéficier.
La Cour des comptes parle de « l'ampleur inédite » de la sous-exécution du budget de l'outre-mer, qui atteint 177 millions d'euros en 2018, contre 20 millions d'euros en 2017. Vous avez donc, madame la ministre, un vrai problème de mobilisation des fonds dans les territoires. Ainsi, lorsque le maire de Saint-Denis, commune de la circonscription dont je suis élue, sollicite des financements sur des projets matures, il se heurte à des difficultés pour obtenir un retour de l'administration locale. Faute de réponse, les projets ne sont pas mobilisés. En fin de compte, ce sont donc 177 millions d'euros qui ne sont pas affectés dans nos territoires alors que ceux-ci en ont largement besoin.
En ce qui concerne le logement, en 2018 nous avons perdu 65 millions d'euros sur la LBU. Quant à l'APL-accession la propriété qui avait suscité la mobilisation de tous les députés, dix-huit mois après les travaux auxquels nous n'avons pas été associés et qui, semble-t-il, se sont déroulés dans les territoires, il ne se passe rien concrètement. Quelles mesures comptez-vous prendre et quand pour que la construction de logements reprenne ? Il s'agit de satisfaire un droit fondamental pour les familles, essentiel à la réussite scolaire des enfants et à l'apaisement du lien social.
Enfin, je me fais le messager des entreprises sur les territoires pour évoquer l'activité économique en général. Six mois après sa mise en oeuvre, les entreprises n'ont toujours pas reçu de directive concernant le régime d'exonérations qui leur est applicable. Comme nous, elles restent dans l'expectative des chiffres évoqués pour le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi outre-mer en 2018. Vous avez annoncé 380 millions d'euros, tandis que les entreprises parlent de 525 millions d'euros. Madame la ministre, à quel montant les entreprises doivent-elles se référer ?
La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire, relevait récemment des points inquiétants dans la gestion du budget de l'outre-mer pour l'année 2018. On y apprend en effet que plus de 177 millions d'euros n'ont pas été dépensés, dont 144 millions d'euros rien que sur le programme Conditions de vie outre-mer. Or ce programme vise à faciliter l'accès au logement, la continuité territoriale, et à permettre un environnement sanitaire et social adapté aux besoins ultramarins.
Comment expliquer ce non-investissement alors que les problèmes de logement persistent en outre-mer, que nombre de jeunes sont en grande difficulté, notamment pour pouvoir venir se former dans l'Hexagone, que la région utilise l'argent des Réunionnais pour payer la continuité territoriale ? Alors que nos territoires continuent de subir une situation sanitaire et sociale catastrophique, pourquoi les fonds destinés aux actions sanitaires et sociales n'ont pas été utilisés en 2018 ? Comment expliquer que le Gouvernement ne crée pas les conditions pour répondre aux besoins des Réunionnais ?
Plus grave encore, sur ces 177 millions d'euros non dépensés, 103 millions d'euros seulement seront reversés en 2019. Ainsi, ce sont plus de 73 millions d'euros qui disparaissent du budget de l'outre-mer. Madame la ministre, estimez-vous que les Ultramarins ont la vie si belle qu'il n'est pas nécessaire d'investir dans nos territoires ? Nos conditions de vie se sont-elles améliorées depuis votre arrivée au pouvoir ? La réponse est évidemment non et les différents mouvements sociaux l'ont démontré. Pourtant, c'est sur ce poste de dépenses que le Gouvernement a décidé de faire des économies. 177 millions d'euros non affectés et 77 millions d'euros qui disparaissent : voilà qui est assez grave. Comment comptez-vous agir pour l'exercice 2019 ?
Mes collègues ont regretté la sous-exécution de ce budget. Pour ma part, je suis plus défaitiste et je me dis que même s'il avait été exécuté de manière optimale, il n'aurait pas empêché l'aggravation de la situation dans nos territoires.
Liberté, égalité, fraternité : c'est au nom de ce principe que le 1er janvier 1996, le SMIC outre-mer, après un long et pénible processus, a enfin atteint le niveau du SMIC français. C'était il y a vingt-deux ans seulement.
Rappelons que le SMIC a pour objectif de garantir un minimum de pouvoir d'achat aux salariés dont les revenus sont les plus bas, et, dans le même temps, les prix sont plus élevés dans les outre-mer. L'association Familles rurales a publié une étude au mois d'avril 2019 qui montre que le panier de la ménagère à la Martinique, à La Réunion et à Mayotte est en moyenne supérieur de 66 % à celui de l'Hexagone. Chez nous, tout est plus cher : les tarifs bancaires et postaux, les coûts de transport, les pièces détachées pour automobiles, les soins médicaux, etc. S'agissant d'internet et de la téléphonie mobile, on paie plus cher des prestations qui sont moindres et le prix semble être inversement proportionnel au débit proposé. C'est une aberration économique.
En vérité, cela fait vingt-deux ans que le revenu minimum outre-mer rate totalement son objectif de garantir un quelconque pouvoir d'achat, notamment pour nos jeunes. Le SMIC et la réalité du coût de la vie sont si déconnectés l'un de l'autre que cela favorise le travail illégal. Nos jeunes sont arrivés à la conclusion que le travail ne permet pas de vivre décemment et ils se disent de plus en plus qu'ils n'ont d'autre avenir que le trafic de drogue ou d'armes.
Le mouvement des « gilets jaunes » en France a ouvert les yeux sur les difficultés. Madame la ministre, nous avons un certain nombre de propositions concrètes à faire – il ne s'agit pas de se lamenter sur une situation fût-elle désespérée. Parmi celles-ci, citons le relèvement des minima sociaux, le relèvement du SMIC outre-mer pour compenser la vie chère et l'instauration d'une zone franche totale pour les activités de production et de transformation. Êtes-vous prête à discuter concrètement de toutes ces propositions ?
Je voudrais évoquer, d'ailleurs en termes moins précis, le problème des dispositions fiscales en outre-mer. Un élément du rapport de la Cour des comptes a appelé notre attention : l'exclusion des départements d'outre-mer de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants, qui représente d'ailleurs la deuxième dépense fiscale la plus importante puisqu'elle s'élève à près de 1,2 milliard d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
Au-delà de ses conséquences économiques, cette exemption revêt également un caractère social – on se souvient des débats qui ont eu lieu lors du mouvement des « gilets jaunes » à La Réunion sur ce sujet.
Madame la ministre, quel impact attribuez-vous à cette mesure ? Pensez-vous qu'elle soit suffisante, compte tenu des conditions sociales, du coût de la vie et du prix des produits de consommation courante en particulier ? Nous pensons que les territoires ultramarins ont besoin de dispositions propres. D'ailleurs, je ne résiste pas à la tentation de vous dire qu'en Corse, nous avons des problématiques similaires puisque l'une de nos revendications premières porte sur l'évolution de la fiscalité.
En termes de dispositions fiscales dans une perspective de décentralisation, êtes-vous favorable à l'établissement de mesures propres à chaque région d'outre-mer – et même à chaque région, tout simplement –, mesures discutées et décidées avec les exécutifs territoriaux ?
Madame la ministre, je souhaite partager avec vous quelques instants parce que vous ne serez pas là tout à l'heure lorsque je présenterai mon rapport sur le logement. Le constat que j'ai pu faire en Guyane explique peut-être la sous-consommation des crédits de paiement sur les projets. Les acteurs de terrain que j'ai rencontrés m'ont expliqué que toutes les collectivités territoriales connaissaient des difficultés financières importantes. Par ailleurs, s'agissant des programmes achevés que j'ai pu voir, je me suis aperçu qu'il manquait souvent les écoles, ce qui fait que les enfants habitant ces quartiers nouveaux doivent marcher pendant plusieurs kilomètres sur le bord des routes guyanaises pour rejoindre les espaces scolaires. Alors qu'il existe en Guyane un établissement public national chargé de l'aménagement et de la construction des logements, pourquoi ne lui fait-on pas réaliser les équipements publics nécessaires, sans lesquels il ne sera pas facile de progresser socialement, notamment lorsqu'il s'agit d'écoles, de collèges et de lycées. Cela permettrait également de s'assurer que le projet va jusqu'au bout parce qu'il ne sert à rien de construire des logements s'il n'y a pas d'équipements publics à proximité.
Madame la ministre, vous avez attribué cette sous-consommation à deux causes. Premièrement, au manque d'ingénierie locale. Je doute clairement de cette approche. Peut-être pour de très grosses opérations comme celle d'un montant de 40 millions d'euros qui concerne la Guyane est-il nécessaire de renforcer l'ingénierie, mais la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion ont d'ores et déjà une ingénierie très puissante. Deuxièmement, à la situation des collectivités. Vous dites que les projets prennent du retard parce que les collectivités ont des problèmes.
Je vous aurais suggéré de mener une expertise très fine pour éviter de dire que les maires sont de très mauvais gestionnaires. Il faut bien comprendre que, structurellement – et vous l'avez dit –, il y a un vrai problème de financement public dans les départements d'outre-mer.
Qu'en est-il de l'APL-accession qui avait été supprimée ? Vous avez pris l'engagement, avec M. Denormandie, de la rétablir, et je vous fais confiance. Je vous rappelle simplement que la promesse avait été faite en 2018 et que nous sommes en 2019.
Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence aujourd'hui et pour vos explications claires.
Les dépenses engagées dans la mission Outre-mer doivent servir aux différents plans de convergence et à l'ambition pour l'emploi et la formation voulue par les territoires des outre-mer.
Concernant l'année 2018, je vous poserai plusieurs questions. Premièrement, pourquoi près de 177 millions d'euros de crédits n'ont pas été utilisés alors que la sous-consommation budgétaire en 2017 n'était que de 20 millions ? Bercy justifie ce sous-investissement par le fait que les collectivités territoriales ne seraient pas en mesure de cofinancer des projets. Mais comment expliquer un tel écart entre les crédits non dépensés de 2017 et de 2018 ? Peut-être faudrait-il penser à une certaine fongibilité ou encore, et je salue ce que vous venez de dire, à la création d'un service d'accompagnement et d'ingénierie pour nos collectivités. Peut-être faudrait-il aussi regarder quelles sont les difficultés structurelles de nos différentes collectivités dans nos outre-mer.
Mon deuxième point d'interrogation porte sur LADOM. La note d'analyse de la Cour des comptes sur le budget outre-mer de 2018 pointe les difficultés rencontrées par l'Agence en matière de financement, notamment sur le recrutement des personnels et l'adéquation avec ses missions. Quelles pistes de travail souhaiteriez-vous mettre en place pour mieux soutenir le travail et le rôle essentiel de cet opérateur afin d'accompagner nos publics fragiles, éloignés de l'emploi ?
Enfin, le Gouvernement a souhaité que la politique relative aux outre-mer soit davantage portée par une action collective et interministérielle en développant un réflexe outre-mer dans tous les projets de loi et les plans gouvernementaux. Dans quelle mesure souhaitez-vous décliner cette transversalité interministérielle dans l'exécution des budgets de l'État sur le terrain, de manière que l'ensemble des crédits et budgets alloués aux outre-mer soient plus lisibles – je pense à l'APL-accession à la propriété – plus cohérents, et surtout plus efficaces ?
Je souhaite vous interroger sur le Fonds vert qui a été sauvé par notre collègue Maina Sage lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. Or on constate une sous-consommation sur cette ligne. Assiste-t-on à une espèce de contournement de ce Fonds vert sans son exécution ? Quelles garanties pouvez-vous apporter que ce dispositif sera maintenu dans le futur ?
En préambule, je souhaite protester à nouveau contre l'organisation qui est faite de cette séquence de contrôle qui, avec la réforme du Règlement de notre Assemblée, participe à réduire le Parlement à une simple chambre d'enregistrement au service du Gouvernement. Il est tout simplement inadmissible de nous avoir fait voter une mission Outre-mer 2019 à l'aveugle, sans documents budgétaires, et de se retrouver quelques mois plus tard dans cet exercice comme si de rien n'était. Toutefois, j'ai compris qu'entre-temps des solutions avaient été apportées pour qu'on y voie un peu plus clair.
Je souhaite revenir sur un élément qui a été pointé du doigt par la Cour des comptes, à savoir la sous-consommation des crédits qu'elle qualifie de « massive » puisqu'elle s'élève à 177,3 millions d'euros, soit neuf fois plus qu'en 2017. Toujours selon la Cour des comptes, cette sous-consommation serait symptomatique du manque de maîtrise budgétaire qui caractérise la mission Outre-mer, qui se retrouve d'ailleurs également dans les difficultés éprouvées dans la maîtrise des risques, d'une part, et dans l'incapacité du ministère de porter une stratégie interministérielle, d'autre part. Cette sous-consommation m'interpelle dès lors qu'elle intervient au moment où le gros contingent des mesures du plan d'urgence de l'accord de Guyane devrait être mis en oeuvre. Aussi je vous saurais gré de bien vouloir nous apporter quelques éléments d'explication sur cette situation.
Comment accompagner ou mieux accompagner l'accès à Erasmus + aux étudiants ultramarins ? Comment faire pour créer cette dynamique ou cette attractivité autour de l'esprit de l'université des Caraïbes ?
Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, en commençant par les vôtres, monsieur le président.
Le fonctionnement de LADOM est en effet préoccupant. D'ailleurs, depuis mon arrivée au ministère, je travaille avec les salariés, la direction et les parlementaires sur ce dossier pour savoir notamment quelle est la plus-value de LADOM dans la politique publique de la formation en mobilité pour les territoires d'outre-mer. Pôle emploi et LADOM n'ont pas exactement le même le même objet. Le volet accompagnement de LADOM n'existe pas à Pôle emploi. L'Agence incite à partir pour se former, et nous sommes au début d'une réflexion pour savoir si son rôle doit aussi être d'aider à revenir dans les territoires d'outre-mer en lien avec les entreprises. J'aimerais pouvoir achever cette réflexion avant l'examen du projet de loi de finances pour 2020, mais je ne suis pas sûre d'y parvenir car nous devons examiner ensemble un certain nombre d'éléments sur ce sujet.
Madame Sage, l'Agence a financé 41 000 mesures en 2018. C'est donc un dispositif qui fonctionne malgré tout en nombre. La desserte de Wallis-et-Futuna a permis de mobiliser des crédits qui ont été fortement revalorisés puisqu'ils sont passés de 1,4 million d'euros à 3 millions d'euros. Le nombre de rotations a donc augmenté grâce au soutien de l'État en matière de mobilités.
Vous me dites que la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et peut-être aussi Wallis-et-Futuna – je vérifierai – n'ont pas été associées aux travaux menés par ma collègue Muriel Pénicaud. Je ferai en sorte que vous soyez invités aux prochains rendez-vous, l'ordonnance étant en cours d'élaboration.
S'agissant de la fongibilité des crédits du ministère des outre-mer, notamment du programme 123, c'est déjà prévu. De même, il y a toujours eu des sous-consommations de crédits. Il y avait un tel besoin, et toujours sur des projets prêts en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, que tous les ans, au mois d'octobre – je vous communiquerai les documents –, on transférait à ces territoires des crédits supplémentaires non consommés par les autres. Mais l'année dernière, la Calédonie a beaucoup moins consommé de crédits, sans doute pour des raisons d'organisation sur le territoire, de référendum et de fin d'une programmation politique, et la Polynésie n'avait pas de demande sur des projets nouveaux puisque nous l'avions accompagnée sur la plupart de ses dossiers qui étaient prêts un an plus tôt. Voilà pourquoi nous relevons cette grande sous-consommation des crédits.
Soyons clairs : la sous-exécution, c'est une non-consommation par les collectivités et les porteurs de projets. Ce n'est pas l'État qui a pris de l'argent, car l'argent est sur la table : il est simplement non utilisé ! Et, je suis d'accord avec le député Nilor, cela met en colère quand on connaît les besoins des territoires d'outre-mer. Je peux vous dire que j'en ai piqué des colères au mois de décembre dernier, avec les préfets, les collectivités... Je pourrais publier la liste de ceux qui ont rendu de l'argent.
La Réunion est la seule à ne pas avoir redonné de l'argent sur le programme 123, notamment sur le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) et les accompagnements de projets, mais elle en a rendu beaucoup sur la LBU, ce qui pose une vraie question sur le logement.
Il ne s'agit pas pour moi de défendre les deux dernières années, ou en l'occurrence l'année 2018. Je vous le dis en toute transparence et sans agressivité : nous avons tous intérêt à prendre le stylo et à essayer de transformer la manière dont on travaille ensemble, car l'an prochain, il y aura encore moins d'exécutions puisque l'enveloppe a augmenté. En 2018 et 2017, nous avons respectivement consommé 2,217 milliards et 2,20 milliards – ce n'est donc pas un problème de crédits. Nous avons rendu de l'argent parce que nous n'avons pas mobilisé suffisamment sur les projets. Oui, ce que je dis peut fâcher, oui il y a un problème de financement dans les collectivités. Les délais de paiement ont augmenté de 15 % à La Réunion, de 70 % en Guadeloupe, de 84 % en Guyane et de 110 % à Mayotte, ce qui montre bien la fragilité des collectivités. Cela signifie que des factures ne sont pas payées, qu'elles ne remontent pas au ministère et qu'en fin de compte, ce sont des crédits de paiement qui ne sont pas envoyés. 80 % des collectivités d'outre-mer sont en réseau d'alerte, ce qui est dû sans doute à un manque de ressources et pas uniquement à une mauvaise gestion. C'est pourquoi le Président de la République a parlé de fonds de péréquation pour que 84 millions d'euros supplémentaires soient répartis dans les différentes collectivités d'outre-mer. Mais il faut savoir qu'il y aura des gagnants et des perdants, parce que des critères devront être imposés pour une question d'équité. Il est important de rappeler tout cela. Je suis venue devant vous pour vous dire qu'il faut qu'on travaille autrement.
Au mois de juin, les préfets procéderont à une mission de revue des crédits et je réattribuerai sur des projets matures les crédits qui n'auront pas été engagés par les collectivités, parce qu'on ne peut pas à la fois faire l'objet de toutes les critiques et ne pas fixer des règles d'organisation. Je sais que cela engendrera des problèmes parce que tout le monde n'est pas prêt à fonctionner à ce rythme-là. Mais nos concitoyens d'outre-mer attendent des réponses de notre part : ils attendent des routes, de l'eau, des logements. Et il faut pouvoir répondre à leurs demandes. Notre mode de fonctionnement n'est pas optimal. Je m'inclus dans la critique car moi aussi j'avais quelques petites choses à régler dans ma propre maison. Certes, elles ne dataient pas d'aujourd'hui. Mais j'ai l'habitude de ne pas remettre le couvercle si l'eau bout mais plutôt de baisser le gaz, ce qui permet que la solution apportée soit plus pérenne.
La défiscalisation est un autre élément important de nos politiques outre-mer. En la matière, il convient d'améliorer les contrôles. Je ne suis pas certaine que les subventions soient plus économes qu'un euro de défiscalisation, mais peut-être faut-il en débattre davantage. La question de la complexité des dossiers d'agrément et des délais afférents est en discussion. S'agissant de la défiscalisation sur les opérations de plein droit, les frais d'intermédiation atteignent 50 % du coût total, et ils sont de 20 ou 35 % lorsque les projets sont validés par Bercy. On parle aussi de l'existence de rétrocommissions, systèmes sur lesquels toute la transparence doit être faite. Pour les opérations de plein droit, je proposerai donc un contrôle plus important, mais pas en dernière limite comme on le fait a posteriori sur des dérapages qu'on pourrait constater.
Monsieur Claireaux, vous m'avez interrogée sur la difficulté de consommation des crédits sur le logement. Alors que l'objectif était de construire 10 000 logements neufs en 2018, seulement 8 500 ont été réalisés. Là encore, de nombreux projets ont été reportés, pour des raisons administratives me dit-on – des permis de construire qui n'ont pas été délivrés, des problèmes de foncier qui n'ont pas été réglés. Je n'ignore pas non plus que la suppression de l'APL-accession a donné un coup de frein aux opérations dans les territoires d'outre-mer. Enfin, les prix ont augmenté de 15 % dans la construction neuve et de 150 % en ce qui concerne la réhabilitation. De telles hausses sont inacceptables, et j'aimerais qu'on m'explique comment une telle explosion est possible en si peu de temps. Tout cela est peut-être dû aussi aux retards de paiement, à la difficulté de sortir des marchés. Il convient donc de créer un cercle vertueux afin d'apporter de vraies réponses. Nous y parviendrons en travaillant ensemble et avec les collectivités.
S'agissant de la LBU, la consommation est supérieure de 50 % à Mayotte et de plus de 20 % en Guyane par rapport aux estimations, et c'est tant mieux. Là encore, il faut définir une méthode de projet, c'est-à-dire considérer qu'un projet n'est financé que lorsqu'il est mûr et qu'il doit être étudié par tous les services de l'État pour ne pas qu'il soit bloqué une fois que les autorisations d'engagement ont été données, parce qu'un élément du dossier aura été oublié. Cette méthode sera rappelée à l'ensemble des préfets, qui seront prochainement réunis à Paris. Des réponses seront apportées également dans le cadre de la conférence logement qui a été lancée le 31 janvier 2019, à laquelle beaucoup participent, et qui s'achèvera au mois de juin. Il faut travailler à la baisse des coûts de la construction et de la rénovation des logements dans les territoires d'outre-mer et à un meilleur accompagnement des collectivités. Il faudra surtout être au rendez-vous pour se saisir de l'outil qui va remplacer l'APL-accession puisque c'est un engagement que nous avons pris mais qui, et je le dis en toute honnêteté, n'est pas encore totalement défini au niveau interministériel.
Monsieur Ratenon, les crédits sont bien là, y compris d'ailleurs pour 2019. J'y veille, mais je ne pourrai pas tout faire toute seule. Il faut inverser cette logique dramatique dans les territoires d'outre-mer, sinon nous ne serons pas à la hauteur de nos espoirs. Alors que les mesures prises au niveau national avancent, nous serons confrontés à de grandes difficultés si nous ne sommes pas au rendez-vous de la réorganisation de l'utilisation des crédits d'État et européens.
Prenons l'exemple de Saint-Martin. Si nous ne sommes pas, comme je le voudrais pourtant, au rendez-vous, c'est que les capacités de reconstruction, qu'il s'agisse des entreprises ou de la main-d'oeuvre, sont insuffisantes. La collectivité a fait le choix, dès l'origine, de ne pas permettre l'entrée de nouvelles entreprises sur le territoire, mais de faire travailler les entreprises locales. Développer l'emploi local est une chose, mais les capacités sont rapidement atteintes.
Bénédicte Peyrol m'a interrogée sur le Fonds vert. L'enveloppe a bien été maintenue à 21 millions d'euros en exécution ; un report de l'année précédente, qui n'a pas été consommé, se trouve toujours à l'AFD. Via l'agence, 4 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à l'assistance de maîtrise d'ouvrage, dont 2 millions d'euros sur les projets environnementaux. L'ensemble des projets AFD sont orientés vers la trajectoire 5.0, notamment vers l'objectif « zéro vulnérabilité ».
Monsieur Nilor, je partage votre inquiétude : il est indispensable que nous redonnions aux jeunes des raisons d'espérer. Ce besoin est criant sur tous les territoires, nous l'avons entendu à La Réunion, lors des crises en Guyane et à Mayotte, à Saint-Martin après la destruction de l'île. Les jeunes se sont exprimés, et nous devons être au rendez-vous. Nous devons répondre collectivement à ceux qui se sont formés et qui veulent revenir sur les territoires mais n'y trouvent pas leur place, et à ceux qui y sont restés. Cela nécessite d'améliorer la coordination globale et l'accompagnement des territoires et des collectivités.
Doit-on garder le FEI pour les collectivités, ou, si elles ne peuvent pas consommer la totalité des crédits, l'ouvrir à des projets privés, des projets de chambres consulaires, qui pourraient ainsi bénéficier d'un cofinancement ? C'est une question que je me pose, mais à laquelle je ne peux répondre seule : il serait intéressant que nous en discutions. J'aimerais que vous acceptiez, comme moi, de regarder les choses en face. Nous sommes confrontés à un problème de capacité, que nous ne réglerons pas d'un coup d'un seul : il faut que la dynamique se lance, et cela prendra du temps. Ce n'est pas un problème nouveau, mais personne ne l'a pointé comme nous le faisons.
Ce n'est pas la question. Les chiffres existent, je ne les ai pas inventés.
En cours d'année, 200 millions d'euros supplémentaires ont été versés, en réponse aux crises. Mais les territoires concernés ne peuvent pas consommer les crédits aussi vite que cela.
S'agissant des finances locales, je vous ai dit la difficulté, pour un certain nombre de collectivités à obtenir des prêts auprès de l'AFD ; certaines sont dans le réseau d'alerte, d'autres sont sous tutelle, leur budget étant déterminé par le préfet après avis de la chambre. La question, ancienne, de la péréquation, sera je l'espère réglée assez rapidement par la mission chargée de dégager des pistes pour les régulations. Il s'agit de savoir à quels territoires ces 84 millions supplémentaires seront consacrés, et comment. La question de l'ingénierie se pose également, puisque les petites collectivités, souvent les plus fragiles en matière budgétaire, en manquent. Enfin, il faudra traiter de la question des impayés, qui ne dépend pas seulement des ressources et de crédits supplémentaires, mais suppose une réorganisation. Il faut pour cela aller dans chaque collectivité : ce sera l'objet, dans les mois qui viennent, de la mission sur les délais de paiement et de la plateforme d'appui.
La mobilisation pour la Guyane, lancée sous le gouvernement précédent, se poursuit. Tous les engagements budgétaires ont été pris pour les trente mesures que contient le plan d'urgence Guyane (PUG), les financements sont disponibles. Nous accompagnons leur réalisation mais, vous le savez comme moi, cela prend du temps de construire les routes et les logements. S'agissant des quinze accords thématiques, 80 % des 140 mesures sont réalisées. Nous devons encore, notamment grâce au FEI, accompagner les projets hors PUG qui se sont fait jour depuis.
Madame Benin m'a posé une question sur la sous-consommation des crédits, à laquelle je pense avoir répondu. Je me propose de transmettre à ceux d'entre vous qui souhaitent des éléments complémentaires.
La dernière question portait sur l'APL-accession. Nous n'avons pas encore arbitré en interministériel sur l'outil appelé à la remplacer. Des propositions seront faites à la fin du mois et il en sera débattu dans le cadre de la conférence du logement.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend ensuite M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de chargé de la ville et du logement.
En tant que rapporteur spécial d'une partie des crédits de la mission Cohésion des territoires, j'examine l'exécution budgétaire des programmes Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat et Aide à l'accès au logement.
Les mois qui viennent de s'écouler ont montré que le logement et l'hébergement d'urgence étaient au centre des préoccupations des Français. Je concentrerai mes questions sur ce point, mais j'interrogerai aussi le ministre sur la Guyane, un département où son administration a une place prépondérante, et dans lequel j'ai pu me rendre pour travailler sur la question du foncier.
S'agissant du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, l'exécution s'éloigne peu de la prévision, et les efforts de sincérisation budgétaire ont été salués par la Cour des comptes. Un peu plus de 2 milliards d'euros auront été consommés, alors que 1,9 milliard de crédits avaient été ouverts en loi de finances pour 2018, auxquels il convient d'ajouter 60 millions d'euros en loi de finances rectificative. Toutefois, le sujet de la spécialité budgétaire demeure : la porosité avec le programme 303, Immigration et asile, qui prend en charge les demandeurs d'asile et les réfugiés, continue de peser financièrement sur le programme.
Par ailleurs, si le plan « Logement d'abord » prend de l'ampleur, avec une légère montée en charge des créations de places, notamment dans les pensions de famille, le recours aux nuitées hôtelières reste important : 13,5 millions d'euros, contre 4,5 millions d'euros en 2017, ont été ajoutés pour faire face aux situations exceptionnelles. De même, il a fallu débloquer 34,5 millions d'euros supplémentaires pour pérenniser les 5 000 places d'hébergement d'urgence ouvertes l'hiver dernier, ce qui signifie que nous avons toujours des difficultés à traiter les sorties de centres d'hébergement. Monsieur le ministre, quel premier bilan tirez-vous du plan « Logement d'abord » ? Quelles sont ses insuffisances en 2018 et ses marges de progrès pour 2019 ?
Concernant les aides au logement, 2018 a vu la première année de mise en oeuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS). Elle s'est plutôt bien déroulée, malgré les craintes, et je salue la signature de conventions entre l'État et les organismes de logement social. Les acteurs sont finalement convaincus de l'intérêt de cette réforme.
Quelles orientations avez-vous prises pour faire en sorte que les organismes d'HLM qui ne trouveraient pas de partenaires, et qui se trouveraient seuls avec leurs locataires en difficulté, puissent s'associer à d'autres bailleurs ?
Enfin, prenant acte que l'État sait mal où et quand les logements sociaux qu'il agrée se construisent, nous avions adopté une résolution concernant le suivi et le pilotage de la production de logements sociaux. Un plan d'action permet aujourd'hui de la mettre en oeuvre.
Dans le cadre du programme de travaux d'évaluation de la commission, mon rapport porte cette année sur l'accès et la gestion du foncier en Guyane. J'ai eu la chance de pouvoir me rendre dans ce département ; je vous livre mon appréciation sur ce sujet, après avoir échangé avec de nombreux acteurs.
Le territoire guyanais constitue, pour la puissance publique, un défi en matière d'aménagement du territoire. Sa croissance démographique, de 2,5 % par an depuis 2011, est sans commune mesure avec celle de la métropole. Estimée à 300 000 habitants au 1er janvier 2019, la population devrait atteindre 450 000 habitants en 2050 selon l'INSEE. L'Institut estime donc nécessaire de construire plus de 4 500 logements par an, au lieu des 1 850 logements produits en moyenne chaque année.
L'offre de logements, insuffisante, est de surcroît inadaptée aux besoins du territoire. L'enquête logement de 2013 a montré que 14 % des ménages guyanais vivaient dans des logements surpeuplés. Les familles dont la mère est âgée de moins de 30 ans comptent en moyenne huit enfants – je vous laisse imaginer la vie dans les cages d'escalier des immeubles qui comptent quatre T4 par palier, sur quatre étages sans ascenseur.
D'après la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Guyane, plus de 10 000 logements pourraient être qualifiés d'indécents, sans compter les 38 000 constructions illicites ou informelles qui se développent en raison de l'inadaptation de l'offre. L'État et les acteurs locaux ont du mal à résorber les problèmes sanitaires, environnementaux et d'ordre public inhérents à ces quartiers illicites. J'ai pu visiter l'un d'entre eux, aux environs de Cayenne. Je ne suis pas certain que la solution soit la démolition ; sans doute faut-il imaginer de les viabiliser pour qu'ils cessent de polluer les territoires où ils sont implantés illégalement. Il faut appliquer le principe de réalité, et sans doute celui de différenciation.
Enfin, le territoire manque d'infrastructures publiques et de réseaux primaires. Je disais à Mme Girardin, ministre des outre-mer, que nous auditionnions avant vous, que dans les quartiers de logements construits, on ne voit pas les écoles, mais les terrains destinés à les accueillir.
Selon la Caisse nationale des allocations familiales, les aides au logement représentent 70 millions d'euros, à destination de 17 000 allocataires, en augmentation de 47 % par rapport à 2011. L'État intervient également du côté de l'offre, en finançant via la ligne budgétaire unique (LBU) – la construction de logements sociaux et très sociaux.
J'en viens au foncier, sujet au coeur des solutions et source de crispations. Se pose d'abord la question de son propriétaire. L'État possède environ 95 % du territoire, les personnes privées seulement 1,4 %. Nombre de constructions privées occupent le domaine public. L'État, pourtant engagé, manque d'une vision globale sur le foncier. Les parcelles cadastrales ne reflètent pas totalement la réalité. Il peut ainsi arriver qu'une propriété change de propriétaire sans que l'acte notarié soit transmis au service cadastral ; des successions s'opèrent sur des maisons construites sur terrain d'autrui ou sur terrain de l'État. De plus, les rues de quartiers entiers ne portent pas de nom, ce qui empêche toute collecte d'impôts locaux, de taxe foncière ou d'habitation. Le versement des aides au logement peut en revanche s'effectuer, puisqu'il faut seulement justifier de sa situation personnelle et fournir un relevé d'identité bancaire. Enfin, les services de l'État ne disposent pas de toutes les informations sur les projets en cours. La commune de Saint-Laurent-du-Maroni, qui connaît une forte croissance démographique et devrait prochainement devenir la ville la plus peuplée du territoire, n'a ainsi transmis que cinq permis de construire en 2018.
La disponibilité et l'aménagement du foncier posent problème. Le foncier a fait l'objet de fortes revendications lors des événements d'avril 2017, et les accords de Guyane prévoient la cession de 400 000 hectares aux Amérindiens et de 250 000 hectares aux collectivités territoriales. Or le processus paraît aujourd'hui délicat à mettre en oeuvre, tant du point de vue des acteurs locaux que de celui de l'État.
Afin de répondre à l'urgence du logement, une opération d'intérêt national – OIN –, portée par l'Établissement public foncier et d'aménagement de Guyane (EPFAG), a été lancée en 2016. Vingt-quatre périmètres ont été identifiés pour y conduire des opérations d'aménagement d'ampleur, incluant à la fois des logements, des équipements publics et l'aménagement des réseaux. Je note au passage qu'il n'existe pas en Guyane de plans de déplacements urbains : on est capable de construire des logements sans savoir quelles sont les routes que leurs habitants empruntent pour s'y rendre !
Si les études opérationnelles ont été lancées, et pour certaines livrées, la question du modèle économique de l'OIN reste entière. Le programme 135, dont je rapporte les crédits, a financé les études à hauteur de 3,6 millions d'euros sur deux ans, mais aucun crédit n'est prévu dans la loi de finances pour 2019. Or des crédits importants devront être alloués si l'on souhaite que l'OIN monte en puissance et produise au moins 1 000 logements par an. Peut-être faudra-t-il qu'à l'instar des établissements publics en métropole, ce dernier trouve ses propres ressources fiscales sur place pour assurer le portage des opérations d'aménagement ?
Ma dernière question concerne la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Le rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer, Olivier Serva, s'est rendu à Mayotte et a fait état d'une situation similaire : les besoins sont importants et l'offre inadaptée. En Guyane, les collectivités, qui se trouvent toutes en réseau d'alerte, éprouvent des difficultés à conduire une réelle politique d'aménagement du territoire. Ne faudrait-il pas que l'État s'implique davantage et partage avec elles les compétences d'aménagement et d'urbanisme, d'autant qu'il existe sur place un établissement public national ?
Je conclurai en remerciant les personnes rencontrées lors de mon déplacement, qui m'ont permis de comprendre la situation difficile de ce département.
L'année 2018 a marqué un tournant majeur pour le modèle économique du logement social, avec la mise en oeuvre de la RLS et l'adoption de la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (« ÉLAN »).
Comme l'a souligné la Cour des comptes dans sa note d'analyse, l'exécution 2018 de la mission Cohésion des territoires a permis de réaliser des économies budgétaires substantielles et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre au profit des politiques publiques liées au logement et à l'hébergement d'urgence. L'activité de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a progressé de 17 % sur l'ensemble de ses domaines d'intervention, en particulier au bénéfice de la rénovation énergétique des logements.
Le programme 109, qui a contribué à hauteur de 14 milliards d'euros à cette politique publique en 2018, a bénéficié de prévisions crédibles sur les économies attendues et participé à l'effort de réduction des dépenses publiques. L'État a économisé près de 1,2 milliard d'euros entre 2017 et 2018 sur le financement des aides personnelles au logement. D'après les premiers indicateurs, cette économie budgétaire ne s'est pas faite au détriment du taux d'effort des allocataires ou de la construction de logements sociaux, qui s'est maintenue à un niveau élevé, malgré une légère baisse.
Comme je l'avais souligné dans mon rapport sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, l'impact de la RLS sur l'évolution de l'autofinancement des bailleurs sociaux doit cependant faire l'objet d'une évaluation sérieuse, afin de s'assurer que leurs capacités d'investissement dans la production et la réhabilitation de logements ne sont pas fortement entravées et de vérifier que les mesures d'accompagnement sont adaptées. Les premières données sur les comptes des bailleurs sociaux devaient être disponibles au printemps 2019 et permettre l'établissement d'un rapport que le Gouvernement devrait remettre au Parlement avant le 1er septembre. Ce rapport, que nous avons sollicité avec François Jolivet, a pour objet d'évaluer l'impact du dispositif de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Monsieur le ministre, disposez-vous de ces données ?
La réforme du modèle économique des bailleurs sociaux passe également par leur regroupement et par le développement de la vente de logements HLM. Les retours du terrain sont bons puisque la grande majorité des bailleurs sociaux ont engagé des démarches de regroupement ou de fusion. L'opérateur national de vente lancé par Action Logement a d'ores et déjà été approché pour acheter, en vue de leur revente, près de 11 000 logements HLM. Confirmez-vous ces tendances et êtes-vous en mesure de chiffrer les recettes supplémentaires que ces ventes pourraient apporter, au profit de la construction de nouveaux logements sociaux ?
La fluidité du parc locatif social est primordiale dans le processus d'accompagnement des ménages les plus précaires au logement. Le rapport annuel de performances met en avant une dégradation des taux de tension en 2018, résultant de l'augmentation du nombre de demandeurs de logements locatifs sociaux, particulièrement importante dans les zones tendues. La construction de logements sociaux constitue donc une priorité pour répondre à la demande. Pouvez-vous évoquer les effets sur la construction de logements sociaux de l'accord signé en avril entre l'État et le mouvement HLM dans le cadre de la clause de revoyure ?
Afin de favoriser l'accession à la propriété et le choc de l'offre, la loi de finances initiale pour 2018 avait également prolongé et recentré le prêt à taux zéro, le prêt à taux zéro (PTZ) et le dispositif Pinel, tout en supprimant progressivement le dispositif des APL-accession. L'économie espérée résultant de la mise en extinction des APL-accession était estimée à 50 millions d'euros en 2018. Je vous avais alerté, avec mes collègues, sur la contradiction entre la suppression de l'APL-accession et les objectifs de ventes de logements HLM. Le rapport annuel de performances ne contient pas de données précises sur l'effet de ces mesures à la fois sur le volume des projets d'accession à la propriété, sur la construction de logements et sur le budget du programme 109. Pouvez-vous indiquer si le rendement de la suppression des APL-accession fut conforme aux prévisions ? Pouvez-vous également évaluer les effets de la prorogation et du recentrage des dispositifs Pinel et PTZ, qui devaient contribuer au choc de l'offre ?
La rénovation constitue un axe essentiel de la stratégie du Gouvernement pour lutter contre l'habitat indigne et soutenir la transition énergétique. Pour cela, le Gouvernement a mobilisé une partie du Grand plan d'investissement en faveur du renforcement du programme Habiter mieux, opéré par l'ANAH. Avec plus de 60 000 logements aidés, le programme a atteint son plus haut résultat sur un exercice depuis son lancement. La création d'une ressource stable a-t-elle permis d'atteindre les objectifs fixés en matière de rénovation énergétique des logements et d'enclencher une dynamique positive pour les années à venir ?
Je conclurai avec le plan Logement d'abord. Les objectifs de ce plan – fluidifier le passage des dispositifs d'hébergement au logement en stabilisant dans un logement les personnes sans-abri – font consensus et le Gouvernement et les services de l'État sont pleinement mobilisés. Pour concrétiser ce plan, la loi de finances pour 2018 avait augmenté de près de 20 % les crédits en faveur des pensions de famille et de l'intermédiation locative. Toutefois, même si le nombre de places dans ces dispositifs a progressé en 2018, tous les crédits ouverts en loi de finances n'ont pas été consommés. L'exécution des crédits est inférieure de près de 24 millions d'euros par rapport à la programmation en loi de finances initiale. Le rapport annuel de performances explique cette sous-consommation par un déploiement du dispositif moins rapide qu'espéré. Quelles sont selon vous les raisons de cette sous-consommation et quelles mesures pourrions-nous prendre pour accélérer la mise en oeuvre du plan Logement d'abord ?
J'aurai pour ma part deux questions.
On sent bien que la pression sur le logement social s'accroît et les indicateurs du programme 135 montrent les difficultés persistantes à répondre à la demande. Ce même programme porte cinquante dépenses fiscales – 93 % du montant total des dépenses rattachées à la mission. Si le Gouvernement semble privilégier l'outil de la dépense fiscale, la Cour des comptes souligne dans son rapport qu'il est difficilement pilotable. Le Gouvernement ne risque-t-il pas de voir sa capacité d'action entravée ? Par ailleurs, les indicateurs ne montrent-ils pas que la capacité d'absorption de réforme du secteur du logement a été surestimée ?
Comme cela vient d'être rappelé, 2018 constitue la première année de mise en oeuvre du plan Logement d'abord. Alors que 77 % des crédits complémentaires ouverts en loi de finances rectificative ont été imputés sur la ligne hébergement d'urgence du programme 177, le nombre de places créées en pension de famille a été inférieur à celui escompté. Quelles sont les solutions envisagées par le ministère du logement pour permettre une accélération de la création de places alternatives et la réduction de nuitées hôtelières, par ailleurs dommageable pour les structures familiales ?
Je fais partie de ceux qui pensent que l'exercice auquel nous nous prêtons pour la deuxième année est important et nécessaire.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez rappelé que l'exécution du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables est proche des prévisions. La Cour des comptes avait coutume de dénoncer un très fort décalage : notre effort pour sincériser les comptes a porté ses fruits. La porosité entre les programmes 303 et 177 continue toutefois de poser question, mais nous nous sommes efforcés de faire en sorte qu'un certain nombre de centres relèvent désormais du programme 303.
Le Président de la République a fait de la politique du « Logement d'abord » un marqueur fort de son action. Nous l'avons mise en oeuvre très tôt. Au-delà des solutions d'urgence – des milliers de personnes dorment encore à la rue –, il faut apporter des solutions pérennes. Le plan Logement d'abord en fait partie puisqu'il ne s'agit pas seulement de fournir un abri, mais aussi une adresse, essentielle pour la réinsertion.
Les résultats de cette politique volontariste en 2018 montrent une dynamique positive, même s'ils demeurent, au regard de la situation, encore insuffisants. Nous avons réussi à faire sortir 70 000 personnes de la précarité en leur offrant un logement digne et 14 000 logements sociaux ont été attribués. Nous avons dépassé nos objectifs en matière d'intermédiation locative, puisque 6 200 places, au lieu des 5 800 places prévues, ont été octroyées.
Il est vrai que nous avons rencontré plus de difficultés pour l'ouverture de places de pension de famille. Leur multiplication inédite nécessitait de former un certain nombre d'opérateurs, d'identifier des lieux. En vérité, la situation est très différente d'un territoire à l'autre : le nombre de places en pension de famille dépasse de loin celui des places en intermédiation locative dans certains départements ; dans d'autres, c'est ce dernier dispositif qui fonctionne mieux. Notre objectif est de porter à 40 000 le nombre de places en intermédiation locative et à 10 000 le nombre de places en pensions de famille – le secteur privé y contribue puisque Nexity, par exemple, a développé 1 000 places.
Vous m'avez interrogé sur les regroupements des organismes de logement social Nous avons fait une règle de cette pratique déjà existante en fixant le seuil à 12 000 logements. Cela nous est apparu comme la moins mauvaise des solutions. Nous avons essayé de travailler dans la dentelle pour faire en sorte que le pôle de décision reste à chaque fois au plus proche du territoire. Nous avons aussi inventé un nouveau type de société de coordination, où ce sont les filles qui possèdent la mère, ce qui permet de conserver les identités territoriales. Environ 260 projets de regroupement sur les 350 organismes concernés sont identifiés, en cours de développement ou presque achevés. La dynamique existe, nous avons nommé des porteurs de projets pour accompagner les organismes.
Dans certains cas, les choses peuvent être plus difficiles pour certains organismes, qui – exceptés les établissements publics territoriaux d'Île-de-France – ont jusqu'à la fin de l'année 2021 pour effectuer ces regroupements. Nous avons nommé deux rapporteurs, très réputés dans le secteur, Pierre Quercy, et Marie-Dominique de Veyrinas, pour accompagner ces transitions. J'ai donné instructions aux préfets de réunir les acteurs afin de trouver les meilleures solutions. Il est important de le rappeler, les regroupements doivent avoir une logique territoriale et garder un centre de décision territorial. La Caisse de garantie du logement locatif social, dont la loi de finances pour 2018 a étendu le rayon d'action, interviendra aussi pour accompagner les organismes en difficulté.
Vous avez longuement évoqué la situation en Guyane et je sais que celle-ci a aussi été au centre des discussions avec Annick Girardin. Serge Letchimy, en 2011, a été à l'initiative d'une loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Elle prévoit des outils d'intervention spécifiques, comme une aide financière pour les occupants d'habitats illicites délogés dans le cadre d'un projet d'aménagement.
Il faut aller plus loin. Nous avons réintroduit, de manière transitoire, le dispositif des APL-accession dans les territoires ultramarins, parce que nous savons que c'est un outil essentiel pour lutter contre l'habitat informel. Mais le véritable enjeu, l'enjeu prioritaire, c'est de produire plus de logements abordables. Nous devons à la précédente majorité le lancement de l'OIN, en 2016, et la création de l'EPFAG, qui joue un rôle essentiel dans le pilotage de ces projets d'aménagement. Ce n'est pas à vous, monsieur Jolivet, que je vais apprendre tout cela. Les établissements publics fonciers (EPF) sont sous ma responsabilité et nous les pilotons, au sein de mon ministère, avec la plus grande précision.
Aujourd'hui, l'EPFAG a plusieurs missions, celle de construire et d'aménager, mais aussi d'identifier certains terrains détenus par l'État et d'en obtenir le transfert – je ne reviens pas sur les éléments de diagnostic que vous avez indiqués. Au sein des périmètres définis par l'OIN, l'État va ainsi transférer 1 800 hectares de foncier à l'EPF. Mes équipes étudient actuellement les moyens d'accélérer ces transferts et de fluidifier les procédures. Il nous faut également finaliser, conclure et animer les contrats d'intérêt national pour chacun des trois pôles de développement de l'OIN. C'est d'ailleurs une manière de répondre à la question de la gouvernance, que vous avez soulevée, puisque, dans ces contrats, les collectivités et l'ensemble des services sont représentés. Ces contrats deviennent particulièrement nécessaires au moment où l'OIN prend fin, comme vous l'avez très justement rappelé.
Vous m'interrogez sur l'arrêt des financements au titre de l'OIN. Il faut avoir en tête qu'il existe d'autres modes de financement, comme la taxe spéciale d'équipement, de l'ordre de 3,5 millions, et des crédits spécifiques dans le programme 135 qui sont, eux aussi, de l'ordre de 3,5 millions d'euros. La spécificité, c'est que les crédits relatifs au logement, dans nos territoires ultramarins, ne dépendent pas seulement de mon budget, mais aussi de la fameuse LBU, gérée par le ministère des outre-mer, dont vous avez discuté il y a quelques minutes.
S'agissant du foncier, j'ai déjà évoqué le transfert du foncier de l'État à l'EPF, mais la question essentielle est celle de la construction de logements abordables. Que ce soit en métropole ou dans les territoires ultramarins, il me semble – et je crois savoir que nous sommes du même avis – que la meilleure solution réside aujourd'hui dans les organismes de foncier solidaire (OFS), avec les baux réels solidaires (BRS), qui reposent sur le principe de la dissociation du bâti et du foncier. Ces organismes, que nous avons renforcés avec vous dans le cadre de la loi ÉLAN, commencent à se développer un peu partout sur le territoire, ce qui est une très bonne chose. Mais j'aimerais que nous allions encore plus loin sur cette question du foncier, et c'est tout l'enjeu du travail que nous menons actuellement avec votre collègue Jean-Luc Lagleize. J'insiste sur la nécessité de généraliser les OFS et les BRS. Souvenez-vous que, dans la loi ÉLAN, nous avons élargi la notion de logement social aux logements cédés en BRS, de sorte que ceux-ci sont désormais comptabilisés dans les quotas « SRU ». Ce n'est pas anodin et cela montre combien nous croyons à ce dispositif.
Madame la rapporteure pour avis, vous m'avez interrogé sur l'impact des réformes décidées en loi de finances sur le logement social. Je l'ai déjà dit, et je n'ai pas l'habitude de me cacher derrière mon petit doigt : l'effort demandé aux bailleurs sociaux en 2020 était trop important, et c'est pour cette raison que je leur ai proposé une clause de revoyure. Nous y avons beaucoup travaillé, puisque je l'ai annoncée à Marseille au début de l'automne et que nous l'avons signée au mois d'avril. Nous avons fait un état des lieux précis, nous avons analysé l'ensemble des outils financiers de la Banque des territoires et d'autres partenaires, comme Action Logement. Nous avons amélioré significativement les contreparties que nous avions données aux bailleurs sociaux pour compenser la RLS. Nous avions déjà annoncé un soutien de 10 milliards d'euros aux bailleurs sociaux il y a un an et nous sommes allés encore plus loin, puisque nous sommes convenus avec eux de nouveaux outils : je pense notamment aux titres participatifs, que demandait la famille des offices publics de l'habitat. Ces titres permettent à des offices qui, par définition, n'ont pas de capital, de consolider leurs fonds propres.
Nous avons obtenu d'autres avancées significatives, notamment une réduction de 300 millions d'euros par an sur trois ans de la contribution au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) : sur cette période, c'est Action Logement qui se substituera aux bailleurs sociaux. Au total, nous avons ainsi abaissé de 1,5 à 1,3 milliard le niveau de RLS pour l'année à venir, afin d'avoir l'impact de trésorerie le plus faible possible et le soutien aux fonds propres le plus fort possible.
Je souligne que nous avons signé ce pacte d'investissement pour le logement social avec l'ensemble des familles HLM, dans un état d'esprit constructif et très républicain. Ce pacte a un double objectif : la construction de 110 000 logements sociaux par an et la rénovation de 25 % de logements sociaux supplémentaires, par rapport à l'année dernière. À nous maintenant de le mettre en oeuvre et de faire en sorte que tous les dispositifs de soutien et d'aide mis à la disposition des bailleurs sociaux leur soient effectivement accessibles : ceux de l'État, ceux de la Banque des territoires, mais aussi ceux d'Action Logement, puisque nous avons signé, le même jour, un accord de 9 milliards d'euros avec Action Logement.
Madame la rapporteure pour avis, vous avez également évoqué la question de la vente des logements sociaux, notamment les 11 000 ventes qui pourraient bientôt avoir lieu. J'ai deux remarques à faire. Premièrement, je répète, parce que j'ai tout entendu sur ce sujet, que nous n'obligeons nullement les bailleurs sociaux à vendre des logements. En parlant de 40 000 ventes, nous entendions définir une cible, parce que c'est un bon moyen d'avancer dans la vie, mais nous n'avons pas introduit la moindre obligation. Avec Action Logement, nous avons simplement créé un véhicule qui permet à n'importe quel bailleur de se voir acheter ses logements, s'il le souhaite. Or Action Logement a déjà obtenu 11 000 demandes de la part de bailleurs sociaux, ce qui montre que la pompe s'amorce.
Vous m'avez également interrogé sur la suppression du dispositif d'APL-accession. Nous avons fait le choix de soutenir l'accession à la propriété par d'autres mécanismes, même si celui-ci subsiste dans la zone C et les territoires ultramarins, que j'ai évoqués tout à l'heure. Nous cherchons à pérenniser l'aide à l'accession en privilégiant d'autres accompagnements, tels que le PTZ, le prêt d'accession sociale ou le prêt social location accession. Je ne doute pas que nous aurons un débat animé sur ces questions à l'occasion du prochain projet de loi de finances.
S'agissant de la réduction des dispositifs fiscaux, j'ai tenu l'engagement que j'avais pris de donner une visibilité sur quatre ans. Aujourd'hui, nous avons fait le choix politique de donner la priorité à la réhabilitation dans les zones détendues : ce nouveau dispositif porte mon nom, et c'est un honneur. Nous avons fait le choix de soutenir la réhabilitation des centres-villes et des centres-bourgs dégradés.
Mais l'autre question qui va rapidement se poser est celle de la spécificité de ces dispositifs fiscaux sur les territoires. Un centre-bourg, dont le centre-ville périclite, mais dont la périphérie se couvre de pavillons neufs peut se trouver en zone B2 ou C. Mais on peut aussi avoir la situation inverse en zone B2 ou C, s'il n'y a pas le même attachement au territoire ou le même projet de développement territorial. J'assume notre choix politique qui consiste à réhabiliter les centres-villes là où c'est nécessaire. Mais la difficulté que je rencontre, en tant que ministre du logement, c'est que cette politique se plaque sur des zones qui sont prédéfinies : A, A bis, B1, B2 et C. Le second enjeu de la réforme sera donc de trouver le moyen de sortir de ce zonage pour avoir des politiques fiscales les plus adaptées possible aux territoires.
Madame la présidente, vous m'avez interrogé sur les dépenses fiscales : je n'y reviens pas dans le détail, puisque j'ai déjà évoqué cette question lorsque j'ai abordé le volet « réhabilitation ». La seconde question qui est essentielle à mes yeux est celle de la visibilité.
Vous m'avez également interrogé sur la capacité d'absorption des réformes du secteur du logement social : l'objet de la clause de revoyure était précisément de nous assurer que cette réforme serait absorbable.
Vous avez évoqué, enfin, le plan Logement d'abord. J'ai déjà répondu dans le détail à M. François Jolivet sur cette question, mais j'aimerais ajouter un mot. J'ai la conviction qu'au-delà de la sortie vers le logement social, les intermédiations locatives ou les pensions de famille, le véritable enjeu, c'est l'accompagnement. De trop nombreuses familles vivent à l'hôtel, parfois depuis cinq ou dix ans. L'enjeu essentiel, c'est de les faire sortir de ces situations d'urgence et de les accompagner vers des situations pérennes. C'est l'objet du plan Logement d'abord, que nous avons défendu ardemment avec certains d'entre vous – je pense notamment à M. Nicolas Démoulin, à qui nous avons rendu visite dans sa circonscription il y a très peu de temps pour évoquer ce sujet. Le plan comprend deux volets : nous consacrons 5 millions d'euros de crédits supplémentaires à l'accompagnement des sorties vers le logement et 4 millions d'euros à la question plus spécifique de l'accompagnement des sorties d'hôtel, que je crois cruciale.
Depuis 2018, l'ancienne mission Politique des territoires a été fusionnée avec la mission Égalité des territoires au sein d'une seule mission Cohésion des territoires. Je suis donc rapporteur des crédits de trois des programmes de cette grande mission : les programmes 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, 162 Interventions territoriales de l'État et 147 Politique de la ville. Ces programmes ne représentant que 4 % des crédits de la mission ; ils sont quelque peu noyés à côté de l'énorme masse budgétaire que représentent les politiques consacrées au logement. C'est pourquoi je pense que le maintien de l'ancienne organisation, avec deux rapporteurs spéciaux distincts, est nécessaire pour la lisibilité et le contrôle des politiques publiques en faveur de l'aménagement du territoire et du développement des quartiers prioritaires.
En 2018, les crédits consommés des programmes 112, 162 et 147 se sont élevés à 695 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2017. Cette hausse traduit l'effort du Gouvernement en faveur des territoires les plus fragiles et une exécution budgétaire beaucoup plus satisfaisante qu'en 2017.
J'aimerais cependant appeler votre attention sur plusieurs points qui méritent, selon moi, une vigilance accrue.
Premièrement, il faut faire un effort de lisibilité concernant l'inscription du montant des autorisations d'engagement du programme 112 dans les documents budgétaires : chaque année, elle est erronée, pour des raisons techniques peu compréhensibles.
Deuxièmement, il me semble que les conditions de financement des maisons de services au public (MSAP) doivent être éclaircies. En effet, l'accord de financement de ces maisons entre l'État et les opérateurs est arrivé à échéance au milieu de l'année 2018 et n'a pas fait l'objet d'un renouvellement, si bien que le financement, en 2018, a été moins important qu'anticipé. Cette question va se poser de façon encore plus forte en 2019, surtout après les annonces du Président de la République, qui a insisté sur la nécessité de développer ces maisons de services au public pour atteindre l'objectif de 2 000 maisons d'ici à la fin du quinquennat. La Cour des comptes a d'ailleurs recommandé, dans son rapport de mars 2019, une redéfinition des modalités de financement de ces MSAP. Monsieur le ministre, comment seront-elles financées en 2019 et au cours des prochaines années ?
Troisièmement, je souhaite appeler votre attention sur la difficulté qu'il y a à prévoir la compensation versée par l'État à la sécurité sociale au titre des exonérations de charges sociales accordées dans l'ancien dispositif des zones franches urbaines (ZFU). Ce dispositif est en extinction depuis 2014, mais les entreprises qui en ont bénéficié avant sa suppression continuent de l'utiliser. Dans les faits, on constate des écarts importants entre la prévision du coût de ces exonérations pour la sécurité sociale et sa réalisation, ce qui a des conséquences en termes de pilotage budgétaire pour le responsable de programme. Cela a entraîné la constitution d'une dette de l'État envers la sécurité sociale de 38 millions d'euros, qu'il semble aujourd'hui nécessaire d'apurer.
Je souhaite, enfin, appeler votre attention sur les dépenses fiscales rattachées à ces programmes, qui s'établissent à 905 millions d'euros, soit un tiers de plus que les crédits budgétaires. Les principales dépenses fiscales sont dynamiques : ce sont celles en faveur de la Corse et le taux de TVA réduit pour les logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires. Il me semble que ces dépenses fiscales devraient faire l'objet d'évaluations plus régulières.
Le coût du dispositif des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs, qui a succédé au dispositif des ZFU, est, quant à lui, plutôt stable depuis sa création en 2015. Cependant, il arrive à échéance à la fin de l'année 2020, sans qu'aucune évaluation de sa pertinence n'ait encore été réalisée. Monsieur le ministre, quand comptez-vous lancer cette évaluation ? Ne pourrait-elle pas faire l'objet d'une mission parlementaire ?
Je souhaite maintenant m'attarder quelques instants sur l'évaluation que j'ai menée ces derniers mois. Dans le contexte du lancement du nouveau programme de renouvellement urbain, j'ai choisi de comparer les opérations de rénovation urbaine mises en oeuvre dans trois villes que je connais bien : Marseille, Montpellier et Aix-en-Provence. La démarche est intéressante, parce que ces trois villes sont représentatives de la diversité de l'intervention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), avec des projets d'ampleur très inégale. Le projet global à Marseille est l'un des plus importants du territoire métropolitain, celui de Montpellier est plutôt de taille intermédiaire et les opérations réalisées à Aix-en-Provence n'ont été aidées que de façon marginale par l'ANRU.
Malgré ces différences, j'ai pu dégager des caractéristiques communes à la réalisation de ces opérations, qui sont riches d'enseignements. D'abord, aucune de ces villes n'a achevé à ce jour l'ensemble des opérations lancées dans le cadre du premier programme de l'ANRU. Ensuite, pour les opérations achevées, au moins dix ans ont été nécessaires entre la signature du projet dans la convention initiale et la fin des opérations. Les trois villes ont connu des retards d'exécution significatifs. Enfin, et c'est ce qui est le plus dommageable selon moi, malgré des objectifs quantitatifs ambitieux sur la transformation du bâti, ces projets n'ont pas permis d'accroître la mixité sociale dans les quartiers. On s'occupe du béton, plutôt que de l'humain.
Bien sûr, il est illusoire de croire qu'une action portant sur le bâti peut permettre à elle seule d'atteindre la mixité sociale. Cependant, il me semble que le renforcement des règles imposées aux projets par l'ANRU dans le cadre du nouveau programme et le passage à l'échelle intercommunale vont dans le bon sens. Monsieur le ministre, quel est le premier bilan du respect de ces nouvelles règles au niveau national ? Le nouveau programme permettra-t-il, selon vous, d'accroître réellement la mixité sociale dans les quartiers ? Pour ma part, j'ai un doute.
Pour conclure, je souhaite saluer l'engagement des porteurs de projets – les élus locaux – dans l'élaboration de projets ambitieux, dans un contexte marqué par le passage à l'échelon intercommunal, qui n'est pas toujours simple. Je souhaite également souligner le travail de l'ANRU dans l'accompagnement de ces porteurs de projet, qui est toujours plus adapté aux réalités locales.
On constate une dynamique importante des dépenses fiscales des programmes 112 et 147, avec 905 millions d'euros de dépenses, ce qui est supérieur d'un tiers aux crédits budgétaires alloués à ces deux programmes. Comment expliquez-vous ce dynamisme ? Une évaluation de la pertinence de cette dépense fiscale a-t-elle été réalisée ? Je fais un signe à mon collègue Charles de Courson car il est, comme moi, soucieux de l'évaluation de nos politiques.
J'en viens à la démarche de performance du programme 147 : je la trouve intéressante, mais incomplète. Le dispositif compare, dans plusieurs domaines, la situation des quartiers prioritaires à celle de l'unité urbaine correspondante. Il serait donc possible d'élaborer un indicateur mesurant l'effet de levier de la politique de la ville. Envisagez-vous de le faire ? Et, si tel est le cas, à quelle échéance ?
Monsieur le rapporteur spécial, votre première remarque concernait le programme 112 et je prends bonne note de votre recommandation sur la lisibilité des autorisations d'engagement.
Vous avez, ensuite, appelé notre attention sur les MSAP, notamment sur les maisons « France service » annoncées par le Président de la République. Nous devons, premièrement, les développer et les déployer, afin de respecter l'engagement du Président de la République de disposer d'une maison « France service » par canton. Nous devons, deuxièmement, définir le bouquet d'offres de services proposés par ces MSAP. Comme vous le savez, il en existe de trois types aujourd'hui : les MSAP postales, les MSAP pilotées par les collectivités locales, qui proposent un très grand nombre de services, et des MSAP au statut intermédiaire.
L'année 2018 a plutôt été une année de consolidation des MSAP existantes – ce qui permet de répondre en partie à la question qui m'a été posée au sujet de la consommation des crédits budgétaires. Nous avons également travaillé à définir le bouquet de services à développer dans le cadre des maisons « France service » : c'est en fonction de ce bouquet que nous définirons un budget dans le prochain projet de loi de finances. S'agissant des budgets de l'année prochaine, je dois dire que les discussions ne sont pas terminées : nous aurons, demain encore, des réunions interministérielles au plus haut niveau sur cette question. Vous comprendrez donc que je ne puisse pas vous indiquer les montants qui figureront dans les documents budgétaires.
Vous avez ensuite évoqué la question des ZFU, qui posent deux problèmes. Le premier est celui de la dette, qui s'élève à 38 millions d'euros : je vous confirme qu'il faut l'apurer. Je vous confirme également que cette dette a une vraie incidence sur mon budget, notamment sur le programme 147. J'aurais évidemment préféré qu'elle ait été apurée plus tôt mais, puisque cela n'a pas été fait, je me dois de le faire et d'honorer les engagements pris.
La seconde question est celle du devenir de ces ZFU. Elle sera difficile à trancher, car je parie qu'il y aura autant de chapelles que de parlementaires : certains considèrent que les ZFU ont très bien marché, alors que d'autres ne sont pas favorables à leur prorogation. Or les arguments des uns et des autres sont également valables. Pour ma part, j'ai toujours tendance à regarder le verre à moitié plein et, dès lors qu'un dispositif a une utilité quelque part, il me semble dommage de le supprimer.
En tout état de cause, nous avons jusqu'au 31 décembre 2020 pour déterminer ce que nous proposerons après. Je suis très favorable à ce que les parlementaires s'impliquent dans l'évaluation du dispositif des ZFU, afin que notre débat soit le plus apaisé possible – je suis certain que la discussion que nous aurons à ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 sera animée.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, pour votre mission sur l'ANRU. Elle est vraiment très intéressante, parce qu'elle prend en compte des cas très différents. La question de la mixité sociale, que vous mettez en avant, est essentielle à plus d'un titre. L'ANRU ne peut être, par définition, que l'un des éléments de notre politique de réussite républicaine : c'est un élément nécessaire, mais pas suffisant. Il faut investir dans l'urbain, mais il faut surtout investir dans l'humain. Et il faut faire en sorte que l'urbain soit à la hauteur de ce qu'attend l'humain. Par ailleurs, l'urbain recouvre des choses très différentes : la sécurité, l'attractivité, ou encore le cadre de vie.
Et puis, le problème de la mixité sociale, c'est qu'elle ne se décrète pas. On peut néanmoins essayer de la décréter, et c'est d'ailleurs ce que nous avons fait ensemble dans la loi ÉLAN, lorsque nous sommes revenus sur une disposition de la loi « Égalité et citoyenneté ». Celle-ci raisonnait en termes de déciles – je n'aime pas ce terme, dans la mesure où nous parlons d'hommes et de femmes – et définissait des pourcentages différents à l'intérieur et à l'extérieur des quartiers prioritaires de la ville, pour favoriser la mixité sociale. Or nous nous sommes rendu compte collégialement que les variations qui avaient été introduites dans ce texte le rendaient inapplicable. Dans la loi ÉLAN, nous avons donc décidé de supprimer ces variations, pour rendre la mixité sociale vraiment effective.
Mais la vérité, c'est qu'avant d'être des responsables d'exécutifs locaux, ou que sais-je encore, nous sommes des pères et des mères de famille : pour que nous nous installions quelque part, il faut que deux choses soient réunies, au-delà du cadre de vie : la sécurité et l'école. Or le nouveau programme national de renouvellement urbain a marqué une grande avancée de ce point de vue. L'État ayant honoré sa promesse de verser 1 milliard d'euros au profit des quartiers, nous avons fait de plus en plus d'investissements dans des infrastructures publiques. Au moment où je vous parle, plus de 200 écoles et plus de 300 équipements publics, sont en cours de réhabilitation. En couplant cette politique de rénovation des écoles avec la politique ambitieuse de réussite républicaine via l'école, que nous menons avec Jean-Michel Blanquer, notamment au travers des cités éducatives, nous créons véritablement les conditions d'une mixité sociale pérenne. Et moi, j'y crois beaucoup.
Il faut également, sur certains sujets, prendre en compte les spécificités des territoires et faire preuve de pragmatisme. Je pense à une question dont j'ai déjà discuté avec certains d'entre vous : quand on démolit un immeuble dans un quartier, faut-il le reconstruire dans le même quartier ? La réponse n'est pas évidente, parce que les habitants, bien souvent, ont envie de rester. Mais si l'on veut favoriser la mixité sociale, il vaut mieux aller construire le nouvel immeuble dans un autre quartier. Sur cette question, nous avons des règles, mais nous faisons également preuve de pragmatisme, afin de nous adapter aux réalités du terrain. En tout cas, la mixité sociale est vraiment la boussole qui guide notre politique de réussite républicaine. Du reste, je préfère à l'expression « mixité sociale » des termes plus neutres comme « vivre en société ».
Madame la présidente, vous avez évoqué les dépenses fiscales des programmes 112 et 147. S'agissant du programme 147, la principale dépense fiscale est la défense relative aux ZFU, sur laquelle je me suis déjà exprimé. Vous m'avez également interrogé sur les effets de la politique de la ville. Il se trouve que j'ai eu l'honneur d'être l'un des premiers à tester le nouvel exercice du Conseil des ministres, qui consiste à exposer ses résultats. À cette occasion, j'ai présenté les effets de la politique de la ville, notamment les réussites républicaines en matière d'éducation et d'emploi. C'est un exercice extrêmement intéressant, puisque cela impose de se fixer des indicateurs et de déterminer, pour chacun d'entre eux, si l'on a été au rendez-vous ou s'il faut prendre des mesures correctrices.
Je pourrais vous parler des cités éducatives et des quartiers de reconquête républicaine, mais je prendrai un seul exemple pour illustrer la manière dont le pilotage des politiques publiques devrait fonctionner, selon moi. Il y a un an, le Président de la République m'a demandé de proposer 30 000 offres de stages aux jeunes des quartiers. Grâce à un effort collectif, nous sommes parvenus à proposer 33 000 offres de stages, 15 000 venant de la sphère publique – élus locaux et administrations – et les autres, de la sphère privée. J'aurais pu, et je pense que beaucoup l'auraient fait, me satisfaire d'avoir atteint l'objectif des 30 000 stages, mais ce qui m'a frappé, c'est que seuls 8 000 enfants des quartiers en avaient bénéficié. Les raisons sont multiples et nous les avons analysées, afin de prendre des mesures correctrices l'année prochaine. Notre objectif, ce n'est plus d'atteindre 33 000 offres de stages, mais de faire en sorte que cela touche les enfants de la République qui vivent dans les quartiers. Tout mon travail va consister, avec Jean-Michel Blanquer, à doubler le chiffre des bénéficiaires.
Remettre l'humain au centre des politiques publiques, c'est faire en sorte qu'elles touchent véritablement les gens. Sur tous les projets que j'ai lancés, j'ai des indicateurs et des chefs de projet : je peux donc vous dire, pour chacun d'entre eux, s'il y a, ou non, un effet de levier. C'est très important et je vous remercie de m'avoir posé cette question.
Monsieur le ministre, le 18 juillet prochain, nous fêterons le premier anniversaire de la feuille de route sur la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, qui comprend quarante actions en matière de mixité sociale, de renouvellement urbain, de formation, d'insertion professionnelle, de sécurité ou encore d'éducation. Vous vous êtes déjà exprimé à ce sujet en Conseil des ministres.
De nombreuses initiatives qui figuraient dans le rapport Borloo ont été mises en oeuvre et nombre d'entre elles sont en phase avancée d'expérimentation, ce qui montre que ce rapport a contribué substantiellement à la conduite des politiques publiques. Pour l'heure, je souhaite me concentrer sur le volet éducatif et, plus particulièrement, sur le programme de réussite éducative, qui bénéficie, dans la loi de finances pour 2019, d'un budget de 80,2 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 17,6 %.
Ce programme mérite une attention particulière, moins en termes strictement budgétaires, que par sa portée pour nos territoires, compte tenu de l'ambition que nous avons tous pour la réussite républicaine. Nous devons nous interroger sur le taux d'exécution de ce programme en 2018, afin que l'augmentation dont il a bénéficié en 2019 soit expliquée et mise en perspective. L'analyse rétrospective des budgets montre que, au cours des années précédentes, le Gouvernement avait justifié une baisse de ces mêmes crédits pour qu'ils correspondent aux crédits exécutés.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer le taux d'exécution de cette ligne budgétaire pour 2018, afin que nous ayons une meilleure lisibilité de l'augmentation décidée en 2019, notamment dans l'exécution prévisionnelle du budget alloué au dispositif des cités éducatives ? Dans le même ordre d'idées, comment articulez-vous l'augmentation du budget du programme de réussite éducative et les ambitions du programme sur la politique de la ville dans le domaine de l'éducation ?
Le 2 novembre 2017, nous avons examiné ce budget dans l'hémicycle au cours de ce qui fut une séance mortelle pour le logement. Nous avions alors alerté le Gouvernement sur les mesures prévues dans le PLF 2018. Votre stratégie de concentration des dispositifs dans les territoires tendus a-t-elle permis le choc d'offre promis ? Quels sont les résultats de ce premier budget du quinquennat Macron ? La baisse des aides personnalisées au logement (APL), supportée par les bailleurs, a entraîné une diminution de 3,5 % des logements sociaux neufs et, de ce fait, une baisse des recettes fiscales dont l'évaluation doit également tenir compte. La quasi-suppression de l'APL-accession a empêché 20 000 ménages de devenir propriétaires soit, là encore, une baisse de recettes. La division par deux de la quotité finançable du prêt à taux zéro a généré une baisse de 29,5 % du nombre de projets entrepris dans ce cadre, et la réduction du dispositif Pinel aux zones tendues a entraîné une baisse de 4,1 % du nombre de logements commencés et, fait plus inquiétant encore car il s'agit de l'activité future, une baisse de 7,1 % du nombre de projets autorisés. C'est autant de TVA, de taxe d'aménagement et de taxe foncière en moins ! Il serait intéressant que l'évaluation ne fasse pas seulement apparaître les dépenses mais aussi les recettes, dont dépend aussi la baisse éventuelle de l'activité et de l'emploi.
Vous avez corrigé le tir avec les bailleurs sociaux, dont vous avez beaucoup parlé ; cependant, nous n'examinons pas le PLF 2018 mais son exécution. S'agissant de l'accession, allez-vous enfin tirer les enseignements des effets constatés de votre politique budgétaire en la matière ? J'ai bien entendu vos propos sur la lisibilité : que des dispositifs soient prévus sur quatre ans est très judicieux. Vous avez également évoqué le soutien à l'accession dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les territoires tendus en zone C par le dispositif Denormandie, qui prévoit une réduction d'impôt. Encore faudrait-il que les candidats à l'accession paient des impôts ! Si l'on veut agir sur l'accession sociale à la propriété, il faut envisager comment resolvabiliser les personnes ciblées dans des territoires détendus. Ainsi, au lieu d'accroître les charges foncières, on leur permettra de réaliser leur rêve en devenant propriétaire de leur logement. Allez-vous enfin tirer les leçons des résultats de la loi de finances pour 2018 ?
Mon intervention portera sur le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat et sur l'activité de l'opérateur de référence, l'ANAH. En 2018, son budget a augmenté de 17 % par rapport à 2017. Le groupe Socialistes et apparentés salue cette nette progression. À la lecture du rapport annuel de performances, on peut en effet se satisfaire des résultats puisqu'en 2018, l'ANAH atteint son plus haut niveau d'activité : plus de 700 millions d'euros ont été engagés pour 94 000 logements aidés. S'agissant de la lutte contre la précarité énergétique et de l'ensemble des autres priorités, les résultats ont été atteints en 2018 et sont globalement conformes aux objectifs fixés en loi de finances initiale, ce qui confirme la dynamique d'ancrage de l'agence dans les territoires.
Le programme 135 ne représente pourtant que 3,8 % des crédits budgétaires de la mission, mais l'essentiel – 93 % – du montant des dépenses fiscales, soit 13,86 milliards d'euros en 2018, un montant en hausse. Il ne regroupe pas moins d'une cinquantaine de types de dépenses liées à l'amélioration de l'habitat. La Cour des comptes note que ces dépenses budgétaires et fiscales, qui servent à financer les multiples dispositifs concernant le logement, la construction, l'urbanisme et l'aménagement, ne sont pas articulées entre elles. Faites-vous le même constat ? Quelles solutions comptez-vous apporter ? Pouvez-vous également nous informer des dispositions prises pour qu'une évaluation partagée soit faite de ces types de dispositifs entre responsables de programmes, direction de la législation fiscale et direction générale des finances publiques ? Cette politique du logement que l'on pourrait en quelque sorte qualifier de politique à la découpe ne permet pas, malgré les efforts budgétaires constatés, d'emprunter une trajectoire aboutissant aux objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique. Pourtant, la nécessité de rénover ces 7,5 millions de passoires énergétiques – soit 11 % du parc – est impérieuse. Rappelons que le logement est la base du progrès social. Compte tenu des enjeux sociaux, environnementaux et économiques, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que l'heure est à adopter une vision plus globale de la rénovation du logement en fonction de critères d'adaptabilité au vieillissement et d'amélioration très sensible de la performance énergétique, le tout dans un souci de simplification et de coordination des différents guichets et services afin d'éviter le saucissonnage de la politique du logement qui freine considérablement le rythme des rénovations ?
Permettez-moi enfin de revenir sur les ZFU : vous avez parlé d'évaluation dans les zones en question mais il me semble utile d'évaluer les dégâts survenus dans les zones périphériques. Je pense à la démographie médicale : il devient impossible d'installer un médecin à la périphérie d'une ZFU en raison des exonérations prévues.
Permettez-moi de revenir sur le sujet déjà abordé de l'APL-accession, mais sous deux angles plus techniques. L'annexe budgétaire évoque une mise en extinction : en réalité, il s'agit selon moi d'une suppression, qui a été immédiate pour les logements neufs et qui a été maintenue à titre temporaire, jusqu'au 31 décembre 2019, pour les logements anciens situés en zone détendue. La fin de l'allocation logement pour les accédants à la propriété a, selon la Cour des comptes, permis d'économiser 45 millions d'euros en 2018 – un montant qui, selon le Gouvernement, participera à l'effort de réduction des dépenses publiques consenti pendant le quinquennat.
Je m'interroge cependant sur le ratio entre les économies et les bénéfices liés à cette suppression : toutes les économies sont certes bonnes, mais ce niveau de dépense ne me paraît pas excessif compte tenu des avantages que présentait l'APL-accession, comme cela a été dit à plusieurs reprises. On peut dire sans trop s'avancer que sa suppression a freiné les mises en chantier. Or dans le contexte actuel, il n'est sans doute pas opportun de se priver d'un outil qui permet à des ménages modestes d'accéder à la propriété, notamment en zone rurale, ce qui participe de l'animation des centres-bourgs et aide les maires de petites communes à résoudre un certain nombre de problèmes.
Lorsque notre groupe a demandé à plusieurs reprises le rétablissement de l'APL-accession ou, du moins, un rapport sur sa disparition, vous vous êtes montré plutôt attentif, monsieur le ministre, et avez annoncé attendre l'évaluation de cette mesure. Il a déjà fallu corriger certains effets collatéraux, notamment dans les territoires ultramarins, et, en 2019, le Gouvernement a dû compenser les effets que la suppression de l'APL-accession a entraînés en outre-mer sur la lutte contre l'habitat indigne.
Au fond, la meilleure mesure de simplification consiste à ne pas changer les dispositifs qui fonctionnent. La suppression de l'APL-accession est-elle vraiment judicieuse ? N'est-il pas préférable de la rétablir dans ses termes d'origine ?
Cette mission apporte l'une des plus importantes contributions aux économies budgétaires pour la période 2018-2022. Or, nous craignions – comme nous l'avions signalé à l'époque – que les mesures prises aient des conséquences dramatiques sur la production de logements, et les chiffres, hélas, le confirment. La production de logements s'écroule tant en ce qui concerne les permis de construire que les mises en chantier. La production de logements sociaux affiche quant à elle une chute du nombre d'agréments enregistrés en 2018. Le groupe Socialistes et apparentés n'est malheureusement pas surpris et nous avions alerté la majorité actuelle, en vain. Nos inquiétudes portaient en particulier sur la suppression des APL-accession, sur la réduction du PTZ dans le secteur du logement neuf et sur le recentrage de l'investissement locatif dans son ensemble, ainsi que sur les mesures de RLS et d'aide à la pierre.
En 2016 et 2017, la situation du logement était plutôt bonne. Nous avions, lors de la précédente législature, commis des erreurs pendant les deux premières années avant de relancer l'activité – avec succès, et ce n'est pas ma voisine, Mme Pinel, qui me contredira puisqu'elle était à l'origine de ce plan de relance. Allez-vous lancer un plan de relance de la production de logements en 2020 ? La presse s'est fait l'écho d'un certain nombre de mesures : pouvez-vous nous les confirmer ?
Autre question : afin d'apporter une réponse adaptée aux spécificités des territoires, envisagez-vous de réviser le zonage pour mieux cibler certains dispositifs d'investissement locatif ou d'accession à la propriété ?
Ma dernière question a trait à la mixité sociale, qu'a déjà évoquée M. Laqhila. La région d'Île-de-France vient de remettre un rapport qui démontre le recul de la mixité sociale dans la région, malgré l'ANRU et les efforts déployés. Je n'en suis pas surpris car, depuis de nombreuses années, j'estime que si la mixité sociale ne fonctionne pas, c'est parce que nous ne menons pas une politique de peuplement adaptée et que les phénomènes de contingent produisent un effet pervers renforçant la non-mixité. Envisagez-vous de réviser les contingents ?
Mon intervention portera sur l'hébergement d'urgence et, plus précisément, sur les pensions de famille, qui sont l'une des solutions permettant aux sans-abri de retrouver un logement. Je constate un écart frustrant entre le plan Logement d'abord, déployé dans vingt-trois territoires, et la réalité qui prévaut sur le terrain, d'autant plus que les acteurs locaux, en particulier les associations, sont résolus à faire avancer les projets de pensions de famille. S'ils n'y parviennent pas, c'est à mon sens pour deux raisons. Premier frein : les acteurs en question ne se réunissent pas assez souvent ; or le plan Logement d'abord les y incite justement. Second obstacle : même s'il s'agit d'une compétence de l'État, ces projets sont tout de même tributaires des collectivités territoriales, dont certaines font plus que les freiner – d'où cette frustration très désagréable lorsqu'elles opposent des arguments infondés à des associations qui, elles, veulent aller de l'avant...
Il faut clarifier la fonction de pilotage du plan Logement d'abord, s'agissant en particulier des pensions de famille, lever les freins existants et rechercher du foncier. Je ne veux plus que l'on se défausse çà et là sur l'État au motif que cette politique relève de sa compétence. J'ajoute, enfin, que de nombreux dossiers de pension de famille ont été refusés en raison du cahier des charges ; il faut y remédier.
Vous avez, monsieur le ministre, fait part de votre volonté de lutter contre les fractures territoriales – volonté que je ne saurais remettre en cause ; je m'interroge davantage sur sa traduction dans les faits. Je vous interrogerai notamment sur deux mesures concrètes qui visent à soutenir les acteurs économiques en zone rurale.
La première concerne l'assouplissement du mécanisme d'exonération des cotisations patronales en faveur des organismes d'intérêt général et des associations qui étaient installées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Supprimé par la loi de finances pour 2013, ce dispositif était très apprécié sur le terrain parce qu'il était concret, simple et massif. J'ai le souvenir, dans ma circonscription, d'une association qui s'occupait de 550 personnes handicapées et employait autant de salariés : grâce à cette exonération, elle avait reconstitué sa capacité d'autofinancement, investi et modernisé son outil, produisant un effet important sur l'activité et l'emploi. En outre, une telle mesure présenterait l'intérêt d'amortir l'effet de la réduction brutale et drastique des contrats aidés, qui a profondément affecté le milieu associatif et les organismes d'intérêt général.
La seconde mesure a trait à l'expérimentation des ZFU instaurées dans plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville. Êtes-vous en mesure, même s'il est un peu tôt, de faire le point sur l'état d'avancement de cette expérimentation, s'agissant notamment de ses effets sur l'emploi global et l'emploi des jeunes ? Envisagez-vous d'étendre ce dispositif à d'autres territoires, en créant par exemple des zones franches rurales dans des bassins d'emploi en difficulté ? En matière de cohésion des territoires, en effet, il faut a minima faire pour la campagne ce que l'on fait pour la ville !
La dépense fiscale liée à l'investissement locatif des ménages, d'un montant en hausse de 2,2 milliards d'euros en 2018, a fait l'objet d'un regard sévère de la Cour des comptes dans ses avis et recommandations ainsi que dans ses récentes communications ici même. Le diagnostic est sans appel : incidence limitée sur les loyers, effet d'aubaine, impact incertain sur le dynamisme du secteur de la construction, et ainsi de suite. Partagez-vous cette sévérité ?
La conditionnalité de ces dispositifs est appelée à verdir. D'autre part, n'est-il pas envisageable que la décision de zonage, qui pose tant de problèmes car les zones ciblées ne sont pas toujours celles qui ont les besoins les plus importants, soit décentralisée au niveau des intercommunalités afin d'aboutir à un micro-zonage beaucoup plus fin que le zonage actuel ?
Mme Hai m'a interrogé sur l'exécution des programmes de réussite éducative et sur les raisons de leur sous-exécution au cours des années précédentes. En 2018, 62,3 millions d'euros ont été consommés sur une programmation de 68 millions ; c'est donc un progrès significatif. C'est un dispositif qui fonctionne bien et auquel je crois beaucoup.
Vous m'interrogez également sur son intégration dans la politique de réussite républicaine que nous défendons tous ensemble. Cette politique est arrimée à deux bateaux : l'éducation et le travail. Les programmes de réussite éducative sont l'un des éléments majeurs du premier de ces deux domaines, avec le dédoublement des classes, la création d'un réseau lors des stages de troisième ou des stages professionnels, ou encore la lutte contre les discriminations et le réseau de l'embauche. Nous allons désormais encore plus loin : les cités éducatives que nous créons avec M. Blanquer concerneront quatre-vingts territoires et sont en partie fondées sur les programmes de réussite éducative. L'enjeu consiste à veiller à ce que l'éducation ne s'arrête pas aux bornes du collège et que tous les acteurs – associations, élus locaux, professeurs de musique et de sport – participent ensemble à ces cités éducatives républicaines. Pour ce faire, nous sommes partis de projets territoriaux et avons renforcé significativement les budgets des programmes de réussite éducative : 12 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés l'année prochaine, première année de déploiement des cités éducatives, qui bénéficieront en outre de nouvelles sources de financement comme le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, soit un montant global d'une trentaine de milliards d'euros supplémentaires par an. Encore une fois, je crois profondément aux cités éducatives, qui seront l'un des piliers de notre politique de réussite républicaine.
L'approche dynamique de l'évaluation des recettes est toujours pertinente, monsieur Bazin. Le logement – vous ne m'avez jamais entendu dire le contraire – est un pilier de notre économie, et il faut s'en réjouir, du point de vue de la création de richesses, de l'emploi, du développement du territoire. C'est aussi un pilier en termes de savoir-faire et d'exportation. Par emploi, j'entends l'emploi dans les secteurs du bâtiment et des infrastructures, avec des fleurons capables de bâtir le sarcophage de Tchernobyl, de réaliser d'incroyables créations architecturales ou encore de conceptualiser la ville de demain dans le cadre de l'initiative Vivapolis lancée il y a quelques années avec la regrettée Nicole Bricq. Tous ces savoir-faire sont essentiels.
D'autre part, il me semble vous avoir démontré, avec la clause de revoyure, que j'étais tout à fait disposé à tirer des leçons des derniers mois. Je ne crois pas que beaucoup de responsables politiques viennent devant vous en affirmant que l'effort demandé pour 2020 était trop fort et que nous avons adopté une clause de revoyure et défini des voies et moyens nouveaux – ce à quoi j'ai attaché une grande importance.
En ce qui concerne la question sous-jacente de l'accession, commençons par rappeler que son principal moteur tient au fait que les taux d'intérêt sont très faibles. Le renforcement du soutien à l'accession est logiquement – et étroitement – corrélé au niveau de l'endettement, et l'APL-accession ne fait que diminuer le coût de l'endettement nécessaire à l'achat d'un projet d'acquisition. Autrement dit, le secteur du logement est stimulé par la faiblesse des taux – qui, à l'inverse, entraîne aussi la hausse des prix. La question de l'APL-accession et de tout autre mécanisme de cette nature renvoie donc à celle de la solvabilisation des ménages. Nous avons fait le choix d'orienter l'APL-accession modulo les zones C et les territoires ultramarins avec les autres dispositifs que j'ai évoqués. Nous aurons certainement ce débat lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur Bazin, nous examinons aujourd'hui l'exécution de 2018...
M. Bricout m'a interrogé sur la question fondamentale de la rénovation énergétique. Encore une fois la politique du logement doit marcher sur deux jambes : la construction de logements neufs et la rénovation, dont je souhaite qu'elle devienne l'un des grands marqueurs de mon action. Les difficultés de pilotage sont considérables, comme l'indiquait Mme la présidente : le ministère que je dirige publie tous les trois mois les chiffres de la construction neuve mais ne dispose pas d'indicateurs chiffrés concernant la rénovation. J'ai donc entamé le processus de consolidation des données car vous avez raison, monsieur Bricout, il faut agréger les données de l'ANAH, celles des collectivités, celles de l'association Solidaires pour l'habitat ou encore celles de l'ADEME.
Je peux par exemple dresser le bilan de ce que nous avons fait avec l'ANRU – 60 000 logements rénovés et 40 000 constructions neuves – depuis huit mois. Je peux aussi vous indiquer que les chantiers de l'ANAH sont en hausse de 18 % cette année, avec 68 000 logements rénovés – et tout porte à croire que nous atteindrons cette année l'objectif de 75 000 que j'avais fixé. Cependant, je ne suis pas en mesure de dire globalement combien de logements ont été rénovés. C'est pourquoi nous agrégeons les données ; c'est un travail considérable que nous accomplissons ensemble. Vous m'interrogez à juste titre sur ce sujet dans le cadre de votre mission de contrôle : en tant que pilote résolu à faire de la rénovation un marqueur essentiel de mon action, j'ai réformé l'ANRU, j'ai lancé l'initiative relative aux copropriétés dégradées et le fameux « Denormandie dans l'ancien » en faveur de la rénovation, j'ai fait le choix politique d'orienter, dans les zones détendues – modulo le zonage, j'y reviendrai –, le dispositif fiscal en direction de la rénovation plutôt que la construction neuve pour diverses raisons liées à l'aménagement du territoire. Je peux ensuite vous dire si telle et telle mesure a porté ses fruits ou non ; nous sommes précisément en train de mener une action dynamique pour constituer ces séries de données, car les canaux de remontée de l'information n'existent pas encore.
Le second point que vous avez évoqué, monsieur Bricout, est tout aussi important : en matière de rénovation, les aides et les guichets se sont accumulés. Deux solutions s'offrent désormais. D'abord, la solution miracle – à la française – qui consiste à créer un guichet unique : je prends le pari qu'il ne s'agira en fait que d'un guichet supplémentaire. L'autre solution est celle que nous avons adoptée avec M. de Rugy concernant la chaudière à 1 euro : elle est toute simple mais demande une énergie considérable. Elle consiste à faire en sorte qu'il appartienne aux innombrables acteurs du magma administratif créé au fil des décennies de gérer cette complexité plutôt qu'à nos concitoyens. Aujourd'hui, c'est aux prestataires, même privés, de solliciter les aides – qu'il s'agisse des aides de l'ANAH, des certificats d'économie d'énergie et des aides éventuelles des collectivités – pour qu'in fine, cette complexité administrative ne retombe pas sur nos concitoyens, ce qui permet de faire des offres à 1 euro. Je crois beaucoup à cet effort de simplicité. C'était l'un des éléments majeurs du plan sur les bâtiments durables que nous avons mis en oeuvre avec le nouveau service FAIRE et le numéro 0 808 800 700.
J'ai répondu, madame Auconie, à votre question sur l'APL-accession.
M. Pupponi m'a quant à lui interrogé sur le plan de relance : en réalité, nous avons lancé deux plans très importants que je vous remercie d'avoir mentionnés. Le premier est un plan de consolidation avec les bailleurs sociaux, suite à l'adoption de la clause de revoyure. Il comporte des dispositifs nouveaux financés notamment par Action Logement, qui se substitue aux bailleurs sociaux pour ce qui concerne le FNADT, ainsi que des outils complètement nouveaux comme les titres participatifs de la Banque des territoires ou encore le renforcement des lignes consacrées aux éco-PTZ pour les bailleurs sociaux. Nous y consacrons donc beaucoup d'argent. Je souris aux critiques qui nous comparent à l'Allemagne, qui dégage 5 milliards d'euros – souvent par l'intermédiaire de la banque Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) – alors que nous avons mobilisé 10 milliards l'an dernier et que nous poursuivons cet effort cette année – à juste titre.
Second élément capital : Action Logement a mobilisé 9 milliards d'euros suite à la discussion que nous avons eue avec cet organisme. Tout d'abord, c'est la preuve que sur de tels sujets, le paritarisme porte ses fruits. D'autre part, nous avons abouti avec Action Logement, que je remercie pour son travail, à deux types de mesures. Les premières concernent les ménages et la rénovation intégrale de 25 000 pavillons en zone rurale, qui débutera en septembre 2020. Seconde mesure à laquelle je suis très attaché, qui peut sembler anecdotique mais qui, en réalité, est essentielle : à partir du 1er septembre, nous allons transformer 200 000 salles de bains dans des logements occupés par des personnes de plus de 70 ans afin de remplacer les baignoires par des douches et d'éviter la peur de la chute. C'est un plan totalement inédit que nous lançons donc avec Action Logement et qui me semble fondamental pour favoriser cette société d'inclusion. Nous prenons également de nombreuses mesures de « haut de bilan » en soutien aux bailleurs sociaux, qu'il s'agisse des travaux de démolition ou de la reconstitution de l'offre.
La mixité sociale, dont nous avons beaucoup parlé, ne se décrète pas : elle doit être l'élément sous-jacent de toutes nos politiques publiques, y compris en ce qui concerne la question des contingents. Nous avons par exemple fait en sorte – une mesure certes insuffisante, mais qui allait tout de même dans le bon sens – que les contingents non pourvus ne reviennent plus aux préfets, qui appliquaient un droit opposable, mais aux maires qui décident d'attendre un salarié ou d'accepter un autre public.
M. Démoulin m'a interrogé sur le pilotage du plan Logement d'abord : il relève des services intégrés d'accueil et d'orientation, dont nous renforçons le positionnement. D'autre part, nous avons mis en place une sorte de club rassemblant tous les élus et porteurs de projets relevant du plan Logement d'abord pour assurer le suivi spécifique que vous souhaitez.
M. Brun a évoqué les ZRR et les ZFU. Souvenez-vous : il y a un an et demi, la liste des ZRR devait être complètement modifiée. Or nous avons fait en sorte que ce ne soit pas le cas et que ce dispositif soit maintenu dans de vastes parties du territoire qui, autrement, en auraient perdu le bénéfice. Vous évoquez également une mesure fiscale relative aux associations en ZRR : nous pourrons certes examiner ce qui a été fait à l'époque en matière de défiscalisation des emplois dans les associations, mais j'appelle votre attention sur la transformation du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, qui vise précisément à soutenir des associations qui acquittent l'équivalent de l'impôt sur les sociétés – autrement dit, des associations d'une taille certaine. C'est une mesure très importante en faveur des associations partout sur le territoire.
Quant aux ZFU, vous souhaitez les étendre, monsieur Bazin, alors que M. Bricout nous demande d'y prendre garde. Ce débat mérite d'être éclairci à partir des expériences de terrain de chacun.
Enfin, je crois à l'investissement locatif des ménages parce qu'il permet de créer du logement intermédiaire. Or en France, le principal problème du logement tient au montant des loyers. Il faut donc promouvoir les dispositifs favorables aux loyers intermédiaires. En revanche, compte tenu de l'objectif de verdissement de ces investissements, il faut dans certains territoires consentir un investissement spécifique dans la rénovation ; c'est le sens du « Denormandie dans l'ancien » qui répond non plus à une logique de zonage mais à une logique de territoire – car c'est le sens de l'histoire. C'est ce que nous faisons avec cette mesure fiscale et avec une expérimentation en Bretagne, parce qu'il faut progresser en ce sens.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 4 juin 2019 à 17 heures
Présents. - M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Michel Castellani, M. Francis Chouat, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Sarah El Haïry, M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth
Excusés. - M. M'jid El Guerrab, M. Joël Giraud, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, Mme Ericka Bareigts, M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, M. Stéphane Claireaux, M. Nicolas Démoulin, Mme Stéphanie Do, M. Serge Letchimy, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Maina Sage
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