Je souhaiterais tout d'abord corroborer les propos de M. Saint-Martin puisque j'ai, moi aussi, l'honneur de siéger au comité de surveillance du SGPI, et que je considère qu'il serait en effet fort utile d'auditionner M. Boudy.
Je suis heureuse, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous retrouver en cette période de deuxième Printemps de l'évaluation. Une tradition – je l'espère en tout cas – qui nous donne l'occasion de nous intéresser au rapport spécial relatif au développement des entreprises, aux régulations économiques, mais aussi aux prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, qu'avec notre collègue, Xavier Roseren, nous portons depuis l'été 2017.
Les enjeux budgétaires, politiques et économiques sous-tendus par ce programme ne sont pas minces. L'exécution proche du milliard d'euros renvoie à des lignes budgétaires dont l'impact touche des dizaines de milliers d'entreprises chaque année, via, par exemple, l'action de Bpifrance.
Au-delà du sérieux budgétaire, ce programme se distingue par son ambitieuse contribution à la transformation de l'action publique, dont la direction générale des entreprises (DGE) donne un exemple emblématique. Engagée dans une réforme profonde de son organisation, la DGE ne devait procéder qu'à une baisse de ses effectifs de 23 équivalents temps plein (ETP) ; or ceux-ci diminuent finalement de 40 ETP.
Xavier Roseren et moi-même avons tenu à nous entretenir longuement avec son directeur général, M. Thomas Courbe, et c'est avec beaucoup de respect que nous tenons à manifester notre appréciation de la qualité du travail fourni, non pas tant au titre d'une simple baisse brutale des effectifs, mais à celui d'une évolution difficile, mais réussie, opérationnelle, pragmatique et rationnelle. La DGE continue de fournir un accompagnement direct aux entreprises sur un ensemble concentré de missions pour lesquelles son expertise a été clairement identifiée ; modernisation, rationalisation et recherche d'efficacité ont assez exemplairement été de pair.
S'agissant du travail d'évaluation, les motifs d'insatisfaction sont toutefois nombreux, et je regrette de le dire une nouvelle fois après l'avoir déjà exprimé clairement lors des précédents exercices budgétaires. En premier lieu, et malgré tous les efforts entrepris, l'architecture du programme 134 reste illisible ; ses treize actions donnent une vision tronquée de l'effort public pour les entreprises, alors qu'elles financent des politiques aussi diverses que celle de l'artisanat, du tourisme, de l'économie sociale et solidaire et de la protection du consommateur. Elles laissent cependant de côté un ensemble d'acteurs essentiels, par exemple les chambres consulaires, ainsi qu'une partie du soutien à l'innovation, partagé avec d'autres programmes ; elle n'aborde pas l'idée d'articulation comme l'entraide nationale ou les aides locales.
Des responsabilités diluées, une évaluation très difficile, un risque de doublon dans une intervention publique aux crédits éclatés : sur ces questions, la Cour des comptes évoque une démarche de performance très confuse. Nous aimerions avoir votre avis, madame la secrétaire d'État, et vous entendre sur les efforts supplémentaires qui pourraient être entrepris. Dans la même veine, la question de l'évaluation des dépenses fiscales nous tient particulièrement à coeur, et vous le savez, c'est là que l'on retrouve l'essentiel du soutien public aux entreprises, mais aussi la plus grande faille dans son évaluation : 70 niches rattachées au programme 134 pour un montant de 28,5 milliards d'euros !
L'essentiel est bien sûr lié au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), chiffré à 20,1 milliards d'euros, mais les 8,4 milliards restants comprennent des mesures correspondant à des finalités diverses, pléthoriques, pour ne pas dire parfois redondantes. Je voudrais donner ici quelques exemples significatifs : nous avons comptabilisé dix dépenses fiscales incitant au rachat ou la transmission d'entreprise, six de soutien au secteur touristique, quatre encourageant le développement des sociétés de capital-risque ; parmi celles-ci, beaucoup, vingt-sept en tout, ne sont pas chiffrées. Les lacunes dans le pilotage des dispositifs interpellent, le constat est le même année après année, rapport, après rapport, malgré nos rapports spéciaux et malgré ce Printemps de l'évaluation. D'une année à l'autre, le tiers des dépenses du programme a été modifié, ajouté ou supprimé, mais nos interrogations, elles, demeurent.
Ce problème, les parlementaires s'en saisissent – Xavier Roseren et moi-même avons encore interrogé récemment le ministre Gérald Darmanin sur l'évaluation et la mise en cohérence des dispositifs. Force est de constater que nous nous retrouvons face au silence ou à des lacunes. Madame la secrétaire d'État, cette question est cruciale non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les comptes publics. Comment, d'après vous, pourrions-nous parvenir à obtenir des réponses ?
Nous attendons des progrès importants en la matière, qui permettraient une véritable mise en cohérence de tous les dispositifs d'aide aux entreprises. Cette démarche est d'autant plus nécessaire qu'elle pourrait ouvrir la voie à un autre chantier, celui de la rationalisation des impôts de production sur lesquels nous sommes nombreux à souhaiter pouvoir vous entendre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le thème que nous retenons avec mon collègue, Xavier Roseren, pour notre évaluation est celui de l'industrie.