Intervention de Francis Chouat

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Chouat, rapporteur spécial (Recherche) :

Je tiens à saluer mon collègue Benjamin Dirx, avec lequel j'ai pris, il y a un mois, le relais d'Amélie de Montchalin et qui se trouve, qui plus est, à suppléer ce soir Fabrice Le Vigoureux. Le renforcement de la recherche et de l'innovation est manifestement au coeur des préoccupations du Gouvernement, comme en témoigne une exécution budgétaire significativement en hausse.

Cependant, le chemin est encore long pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, à savoir 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement, dont 1 % pour le public et 2 % pour la recherche privée. En 2018, la dépense intérieure de recherche ne s'élève qu'à 2,2 %, ce qui est légèrement inférieur aux prévisions de 2,24 % et s'explique surtout par une insuffisance de la recherche privée. Avoir une vue d'ensemble de l'effort de recherche n'est pas aisé, la mission interministérielle comportant neuf programmes, dont deux concernent les formations universitaires et la vie étudiante et sept la recherche.

Deux commentaires s'imposent sur l'exécution budgétaire : d'une part, elle est conforme aux prévisions ; d'autre part, la MIRES a bénéficié d'un renforcement notable de ses crédits en 2018.

27,64 milliards d'euros ont été dépensés, soit un taux d'exécution de presque 100 % par rapport aux prévisions. Ces montants sont supérieurs de 478 millions d'euros par rapport à l'année 2017.

Sur les sept programmes qui composent la partie Recherche, ce sont le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et le programme 193 Recherche spatiale qui ont le plus bénéficié de cette augmentation de crédits puisqu'ils ont respectivement reçu 100 et 151 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017.

Au sein du programme 172, les crédits dévolus à l'Agence nationale pour la recherche (ANR) sont renforcés. Le taux de sélection moyen, qui n'était que de 12,9 % en 2016, est remonté à 15,1 % en 2018. C'est mieux, mais il reste encore une marge pour atteindre l'objectif de 20 %, un taux dont la communauté scientifique internationale et européenne estime qu'il ne décourage pas les chercheurs de postuler aux appels à projets. Les efforts budgétaires dans ce domaine doivent donc se poursuivre.

À ce titre, nous nous interrogeons sur la pratique qui consiste à appliquer une réserve de précaution sur les crédits d'intervention de l'ANR. L'existence de cette réserve conduit à minorer de 21 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 22 millions d'euros en crédits de paiement les crédits d'intervention disponibles. Ces crédits peuvent servir d'ailleurs de variable d'ajustement puisqu'une partie des 25 millions d'euros de renforcement des crédits aux laboratoires en sont issus. Ne serait-il pas souhaitable de mettre fin à cette réserve de précaution afin d'élever encore le taux de réussite des appels à projets ?

En 2018, le programme 193 a bénéficié de 151 millions d'euros supplémentaires. Nous nous réjouissons de constater les efforts consistant à honorer les engagements de la France vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne (ASE), à l'égard de laquelle s'est constituée, au cours des dernières années, une dette importante par défaut de budgétisation.

Les autres programmes de la mission ont connu des évolutions plus contrastées. Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle a connu un dépassement de 80 millions d'euros, soit 10 % de ses crédits. Celui-ci tient en partie à un surcoût de 50 millions d'euros sur le dispositif jeunes entreprises innovantes (JEI). Ces dépassements récurrents de l'enveloppe conduisent le ministère à prélever des crédits sur d'autres dispositifs, comme le fonds de compétitivité des entreprises ou les aides pour l'innovation versées par Bpifrance. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant au soutien financier aux pôles de compétitivité et à l'avenir du dispositif JEI ?

Quinze dépenses fiscales sont rattachées à titre principal à la mission, pour un total de 7 milliards d'euros, dont 6 milliards de crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR). Certaines de ces dépenses n'ont pas été évaluées depuis plusieurs décennies, comme la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets, créée en 1991, et qui représente un coût de 356 millions d'euros.

Le CIR connaît depuis dix ans une forte montée en puissance. Un travail approfondi est engagé pour mesurer son efficacité économique, ses effets sur la création d'emplois et de développement de la recherche-développement dans les entreprises. Nous savons l'importance que le rapporteur général accorde à ce sujet. Une évaluation approfondie des dépenses fiscales rattachées à la MIRES est-elle prévue ?

J'en viens à la partie thématique, et plus particulièrement à l'analyse des dépenses du programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Une des interrogations concerne l'action 15, relative à la recherche dans le domaine du démantèlement et de l'assainissement des installations nucléaires. Une ligne budgétaire, dotée de 740 millions d'euros, finance les recherches dans ce domaine, ainsi que dans celui du traitement du combustible usé et de la gestion des déchets radioactifs du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

La stratégie est formalisée à travers un plan à moyen et long terme sur dix ans, régulièrement révisé, et audité en ce moment. Sans vouloir anticiper sur les conclusions de cet audit, pourriez-vous nous éclairer sur les moyens nécessaires au financement de la fin de cycle des installations nucléaires du CEA ? Est-il selon vous nécessaire de développer une filière française spécialisée dans l'arrêt, l'assainissement et le démantèlement des installations nucléaires ? Quels moyens faut-il y consacrer ?

Le projet Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (ASTRID), un démonstrateur de réacteur nucléaire refroidi au sodium, dits de quatrième génération, est arrêté, tandis que le projet de réacteur de recherche Jules Horowitz est maintenu, moyennant un surcoût de 200 millions d'euros par rapport aux prévisions. Quelles sont les raisons qui ont présidé à ces décisions ? Avec l'arrêt du projet ASTRID, ne risque-t-on pas de laisser à d'autres grandes puissances le soin de développer les réacteurs du futur – si toutefois le nucléaire semblait indispensable à la réussite de la transition énergétique ?

Nous constatons une diminution continue de la subvention accordée à l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) depuis 2010, qui représente un quart des crédits. Cette dotation finançant désormais exclusivement des recherches en matière d'énergies renouvelables et l'opérateur ayant su largement développer ses ressources propres, il nous semble plus que souhaitable de stabiliser cette dotation. Partagez-vous cette orientation ?

Enfin, je veux soulever la question du financement de la recherche sur le cancer pédiatrique, un sujet dont s'est emparé le président Woerth et qui suscite l'intérêt et l'émotion des parlementaires, comme des citoyens. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, notre assemblée a adopté un amendement permettant de débloquer 5 millions d'euros supplémentaires pour ces recherches. Vous avez pris l'engagement, madame la ministre, qu'une information consolidée et détaillée parviendrait aux parlementaires ; or nous n'en voyons pas trace dans les documents budgétaires relatifs à l'exécution 2018. Pourriez-vous nous informer des progrès réalisés dans ce domaine ?

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