Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

..sachez qu'il va évoluer tous les ans ! La courbe d'évolution des engagements liés aux contrats d'énergies renouvelables en France, qui ne tient certes pas compte des futurs contrats, est décroissante. Cela variera aussi en fonction des conditions économiques qui jouent sur le stock, puisque, lorsque les prix de l'électricité augmentent, la compensation baisse – et inversement, une baisse des prix du marché augmentera le stock.

Monsieur Aubert, vous avez agité plusieurs chiffres et mélangé des données qui ne sont pas comparables. Vous dites que 80 milliards d'euros, en valeur 2019, ont été investis dans la construction du parc nucléaire, pour assurer plus de 71 % de la production d'électricité, et que 72 à 90 milliards d'euros seront investis dans la filière appelée à produire 15 % de l'électricité, ce qui vous permet de conclure que l'éolien coûte cinq fois plus cher que le nucléaire. Mais vous ne comptez pas tous les coûts d'un côté, alors que vous les comptez intégralement de l'autre. En effet, pour le nucléaire, vous ne tenez compte que des investissements initiaux, sans intégrer les coûts de fonctionnement et la rémunération du capital.

Par ailleurs, pour comparer les prix de l'électricité, il faut raisonner en coût complet du mégawattheure. Le prix de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique a été fixé à 42 euros du mégawattheure. Comme vous le savez sans doute, EDF demande de façon récurrente, voire un peu pressante, que ce tarif soit réévalué à la hausse, afin de couvrir ses coûts. Avec le grand carénage, la Cour des comptes estime que l'on se rapproche des 60 euros du mégawattheure. Or l'éolien retenu dans les appels d'offres en 2018 était en moyenne à 66 euros, et à 63 euros dans le dernier, dont les résultats n'ont pas encore été annoncés – on peut même estimer qu'il tombera à moins de 60 euros dans certains cas. L'éolien du passé était à 82 euros du mégawattheure en moyenne. Entre le nucléaire historique et le premier éolien, le facteur est donc seulement de deux et non pas de cinq.

Qui plus est, vous le savez et devez le dire à celles et ceux à qui vous vous adressez, députés ou citoyens, la courbe du coût des énergies classiques, thermique ou nucléaire, est à la hausse, tandis que celle de l'énergie solaire ou éolienne est à la baisse. Vous avez un raisonnement étrange, qui ne me surprend pas de votre part, concernant l'éolien terrestre. Il faudrait l'arrêter quand il marche et que les coûts ont baissé ! C'est l'inverse : profitons du fait que les industriels aient réussi à mettre au point des machines plus performantes pour continuer. Quant à l'éolien en mer, on tenait déjà le même discours il y a dix ans, au moment du Grenelle de l'environnement, mais pas une seule éolienne n'est sortie de mer. Vous proposez d'ailleurs de le renvoyer à plus tard, au risque de produire encore moins d'énergie éolienne, et plus loin, alors que notre pays est celui où les éoliennes sont installées le plus loin des côtes, ce qui coûte plus cher. Vous savez bien, à moins de ne jamais vous être intéressé à la moindre politique industrielle, que le lancement d'une filière impose des coûts de démarrage, qui sont peu à peu amortis.

Quant à votre comparaison avec les maisons, monsieur le député, vous savez pertinemment qu'elle est totalement infondée. Les parcs éoliens en mer dont vous parlez ne sont pas comme deux maisons voisines : ils sont implantés dans des endroits où l'on n'avait pas recours aux mêmes techniques de construction, ni aux mêmes matériaux et où la rentabilité n'est pas toujours la même. Vous auriez plutôt dû comparer une maison construite en haute montagne dans un endroit isolé avec une maison en plaine, dans un lotissement déjà équipé en eau, en assainissement et en électricité. Comparons des choses comparables !

Monsieur le rapporteur général, fixer un plafond annuel de dépenses relatives aux énergies renouvelables, étant donné la variabilité des prix de l'énergie, risquerait de créer un effet de stop and go, alors que les filières ont besoin d'une grande visibilité. Par ailleurs, le Gouvernement agit pour encadrer la dépense, en généralisant les appels d'offres sur le solaire et l'éolien en mer, avant de le faire bientôt pour l'éolien terrestre, ce qui permet de réduire les coûts, sachant que la proposition de guichet ouvert intègre des limitations largement inférieures aux exigences de la CRE. Les impacts financiers ont été exposés avec la plus grande transparence dans les documents budgétaires transmis au Parlement. Je tiens à insister sur le fait que cette politique d'appels d'offres permet de faire baisser les prix. Ce qu'a dit M. Aubert sur Dunkerque n'engage que lui ; la CRE n'ayant pas, à ma connaissance, transmis son analyse des offres, nous verrons quels sont les coûts des futurs projets.

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