En m'interrogeant sur le « fonds Barnier », le rapporteur général a posé une question qui dépasse la problématique montagnarde qui lui est chère, car elle soulève celle de l'évaluation budgétaire.
Le « fonds Barnier », alimenté par une taxe sur les contrats d'assurance – la garantie catastrophes naturelles – permet de financer, non pas la réparation des dégâts, mais la prévention des risques. Celle-ci peut prendre des formes très variées, elle est essentielle. Selon les chiffres consolidés des compagnies d'assurance, on dépense en France dix fois plus pour réparer que pour prévenir, alors que l'intérêt général voudrait que l'on soit dans un rapport inverse. Nous devons renforcer la lutte contre les causes du dérèglement climatique, mais hélas nous adapter aussi à ses effets déjà visibles.
Les recettes du fonds sont plafonnées à 131,5 millions d'euros : cet écrêtement vers le budget général est dû au fait que, pendant longtemps, les dépenses étaient inférieures aux recettes et que la trésorerie était importante. La tendance s'est inversée, avec la hausse des dépenses permettant de financer les projets de prévention, mais aussi les programmes d'actions de prévention des inondations, cofinancés par les collectivités locales. J'invite le Parlement à travailler et à faire des propositions sur les besoins de financement de la prévention des risques.
Cela soulève la question récurrente des taxes affectées, abordée par M. Potier à propos de la TICPE. J'ai été moi-même membre de cette commission pendant cinq ans, et je connais le débat opposant à l'universalité budgétaire l'affectation des taxes. Bien que les Français soient attachés au principe de l'universalité, les taxes affectées sont nombreuses et ont un aspect pédagogique que nos concitoyens apprécient. C'est ainsi que les taxes d'aéroport financent l'ensemble du fonctionnement des aéroports, jusqu'aux aiguilleurs du ciel. Elles sont plus élevées qu'ailleurs : 50 % du billet contre 30 % du billet en Suède, pour prendre cet exemple... Il semble fort probable que les impôts et les taxes affectées continueront longtemps de coexister.
La TICPE, monsieur Potier, ne sera jamais totalement affectée, elle a d'ailleurs été créée bien avant toute politique écologique visant à réduire la part des énergies fossiles. Elle abonde le budget général, finançant ainsi l'éducation nationale ou la police. Comme l'a noté le Président de la République à Gréoux-les-Bains, comment ferait-on pour financer l'éducation nationale ou la police s'il ne devait plus y avoir que des taxes affectées ? Les justiciables devraient-ils payer directement la justice ? Il faut, dans ce domaine, garder raison et accepter qu'il existe des taxes affectées et d'autres qui abondent le budget général.
Mme Auconie m'a interrogé sur le chèque énergie. Le taux de recours, assez faible en 2018, devrait être de 80 % en 2019. Dans la mesure où le chèque énergie sert d'abord à payer les factures, les montants consacrés aux travaux sont peu élevés. Mais d'autres dispositifs existent en la matière.
Je dirai à M. Nilor que je me réjouis de voir les propositions l'emporter sur les lamentations. C'est souvent ce dernier discours qui prévaut dans l'écologie : c'est bien dommage, car il finit par décourager d'agir.
Les dépenses consacrées aux zones non interconnectées par mon ministère représentent 1,6 milliard d'euros. C'est là un effort de solidarité nationale que je trouve normal. Les Français sont attachés à ce que tout le monde, sur tout le territoire, paie le même prix, quels que soient les coûts de production ou de raccordement. M. Aubert a évoqué le TURPE : le réseau sert bien à tous, aux producteurs comme aux consommateurs. Autrefois, on faisait payer le coût du raccordement de l'installation d'énergie renouvelable au réseau. C'était absurde. Si le coût de raccordement pour l'habitat isolé n'était pas mutualisé, le montagnard, cher au rapporteur général, verrait le coût de son abonnement grimper en flèche ! M. Castellani n'a pas soulevé la question, mais nous en avons déjà discuté tous deux : si l'on faisait payer aux Corses le coût réel de production d'électricité – l'île serait de ce point de vue indépendante –, la facture serait multipliée par cinq, bien loin des 5,9 % de hausse récente ! La politique énergétique doit être une politique nationale, avec une solidarité à l'égard des territoires, notamment insulaires. Nous maintiendrons durablement ce système de péréquation tarifaire.
En revanche, il ne faut pas que cela incite à reconduire ad vitam æternam les schémas du passé. Les centrales thermiques – au fioul, au charbon ou même au gaz – dominent dans les îles. Nous devons trouver des solutions pour y développer les énergies renouvelables, grâce, là encore, à la solidarité nationale.
Je suis prêt à examiner la situation des transports en commun outre-mer. Je crois savoir qu'en Martinique, l'État a subventionné un site propre.