Intervention de Thierry Michels

Réunion du jeudi 13 juin 2019 à 9h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Michels, rapporteur :

Un ensemble de raisons historiques, symboliques, plaident en faveur Strasbourg, capitale européenne. Il est donc essentiel que la France, qui s'honore d'accueillir les institutions européennes telles que le Parlement européen et le Conseil de l'Europe, agisse pour le maintien de cette implantation. L'action des autorités publiques françaises se traduit d'abord dans un outil inscrit dans la loi, le contrat triennal. Celui-ci associe les collectivités territoriales concernées, soit la ville de Strasbourg, l'Euro métropole de Strasbourg, le département et la région, ainsi que l'État, pour déterminer et financer les éléments destinés à permettre à Strasbourg d'assumer son statut de capitale européenne. Il faut saluer l'initiative prise dès 1980, à la suite de l'élection des députés européens au suffrage universel, pour élever Strasbourg au rang de capitale diplomatique au même titre que New York, siège de l'ONU et que Genève, siège historique de la Société des Nations et siège actuel de plusieurs organisations internationales dont l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation internationale du travail (OIT), qui accueillent nombre de représentations diplomatiques sans être capitale d'État. Depuis 1980, un effort constant a donc été maintenu pour faire en sorte que les parlementaires européens puissent bénéficier des meilleures conditions possibles d'accessibilité, d'accueil, de travail et de vie sur place. Il faut saluer l'implication transpartisane du gouvernement français, depuis bientôt quarante ans qu'existe le contrat triennal.

L'effort consenti par la France, à savoir l'État et l'ensemble des collectivités locales parties à ce contrat, s'élève au cours des 20 dernières années à 1,5 milliard d'euros : 500 millions d'euros au titre de l'État et 1 milliard d'euros provenant des collectivités locales. Ces dernières définissent entre elles les actions qu'elles souhaitent soutenir pour renforcer le rôle de Strasbourg et son attractivité en tant que capitale européenne ; et ce, sur trois volets : l'accessibilité, l'accueil des institutions et le rayonnement de la ville.

En 1980, en comparaison de New York et Genève, Strasbourg, tout en étant certes une très belle ville française, demeurait une simple capitale régionale. Eu égard à l'importance prise depuis près de quarante ans par le Parlement européen, on mesure aisément le chemin parcouru et l'effort consenti au vu du total des investissements. Ceux de l'État ont mis l'accent sur les conditions d'accessibilité, avec notamment la ligne à grande vitesse (LGV) entre Strasbourg et Paris, l'accueil des institutions au titre desquels figurent la contribution nécessaire à la construction de l'hémicycle du Parlement européen et le rayonnement de la ville qui s'appuie sur le renforcement de l'université et des institutions culturelles, ainsi que sur un lieu original, le lieu d'Europe, outil d'éducation à la citoyenneté européenne.

Pour illustrer les progrès des conditions d'accessibilité, je mentionnerai la ligne à grande vitesse, dénommée l'Européenne, qui relie Strasbourg à Francfort et à Stuttgart et constitue l'ossature du réseau ferroviaire européen sur un axe Est-Ouest. L'accessibilité constitue donc un élément très important, avec également l'effort consenti en faveur de l'aéroport, des liaisons routières, des transports urbains… Au total, les investissements s'élèvent à près de 745 millions d'euros dans ce domaine sur la période.

Certes, tout n'est pas parfait, et les médias se font régulièrement l'écho des difficultés réelles ou perçues que peuvent rencontrer les eurodéputés dans leurs fonctions. Mais nous avons voulu distinguer les problèmes réels de cette simple perception, à travers des auditions, un questionnaire envoyé aux eurodéputés et aux personnes du Conseil de l'Europe.

Un des premiers problèmes évoqués, c'est l'accessibilité de Strasbourg, reliée par deux liaisons de centre-ville à centre-ville : une liaison TGV avec Paris, et une liaison Thalys avec Bruxelles spécialement affrétée les semaines de session, qui marque un arrêt à l'aéroport Charles-de-Gaulle.

Les réponses au questionnaire ont montré que nombre d'eurodéputés viennent de Bruxelles, et non pas de leur circonscription. Néanmoins, la question de l'aéroport se pose. Il a en effet perdu beaucoup de passagers avec l'ouverture de la liaison TGV, et il subit des conditions de concurrence défavorables de la part des aéroports voisins (Bâle-Mulhouse et Baden-Baden). Sa lente reconstruction en cours est favorisée par un travail sur ce différentiel de concurrence, et l'ouverture d'une nouvelle ligne sous obligation de service public, Strasbourg-Munich, permettant une meilleure desserte du Sud et de l'Est de l'Europe. Le contrat triennal prévoit également une remise à niveau du pavillon d'honneur, pour le rendre plus conforme au rôle international de Strasbourg.

Le deuxième point concerne l'hôtellerie et la restauration. Si la qualité de l'offre ne fait pas discussion – comme en témoigne le classement évoqué par Éric Straumann au début de son propos – des difficultés sont marquées quant à la facilité de réservation et la disponibilité de l'information. Nous encourageons donc la mise en place d'une centrale de réservation, pour mutualiser les achats.

Enfin, les conditions de travail sont en voie d'amélioration, par exemple avec le doublement de la taille des bureaux des eurodéputés, réalisé pour cette législature. Cette extension ne doit toutefois pas se faire au détriment des besoins en matière de salles de réunion et de salles où doivent se tenir les trilogues, et outre les efforts déjà prévus au contrat triennal, nous suggérons de mener une réflexion avec le Conseil de l'Europe pour une meilleure mutualisation des locaux.

L'effort est donc continu depuis quarante ans pour répondre aux préoccupations et aux besoins de l'ensemble des personnes amenées à travailler au Parlement européen. Le contrat triennal 2018-2020 poursuit cet effort, autour de quatre grands axes : une capitale de la démocratie et des droits de l'homme, l'accessibilité, le rayonnement culturel, le campus européen. Tous ces éléments contribuent à atteindre la « masse critique » nécessaire pour attirer de nouvelles compagnies aériennes, de nouvelles entreprises, etc. Cet outil, inscrit dans la loi, doit être amélioré en continu, et pour ce faire, une association plus complète de toutes les institutions internationales permettrait de meilleures synergies et de mieux répondre aux besoins. Il faut à cet égard saluer le travail réalisé par la « task force » et la création du groupe de contact prospectif entre les responsables du Parlement européen et les autorités locales. Leur action devrait toutefois être plus systématique et construite, en privilégiant les investissements structurants pour le renforcement de l'attractivité de Strasbourg et sa région, en les anticipant mieux et en évaluant les résultats, car les moyens mis en oeuvre doivent être les plus pertinent possible, c'est notre responsabilité à l'égard des contribuables français et européens.

Nous avons aussi voulu agir de manière concrète, car nous avons ressenti, en échangeant notamment avec les eurodéputés, un besoin de rendre plus visible les efforts et la grande volonté des interlocuteurs de travailler de manière plus étroite, grâce à la mise en place d'une application dédiée, Europe@Strasbourg. Les nouveaux parlementaires européens, dès le début de la prochaine mandature, pourront avoir toutes les informations nécessaires pour profiter des atouts la ville qui les accueille, dans le cadre de leur mission de parlementaire ou en famille à l'issue de leur semaine de travail. Ainsi, visiter le mémorial Alsace-Moselle à Schirmeck est un moyen très efficace de comprendre les raisons symboliques et historiques de la fixation du siège du Parlement européen à Strasbourg. Nous pensons tous les deux que cette application est un beau geste symbolique et concret pour accueillir en toute amitié les nouveaux eurodéputés.

Au-delà de ces preuves d'amour que nous donnons, la proposition de résolution affirme de manière politique – c'est la représentation nationale qui s'exprime par ce biais – le caractère central du siège du Parlement européen de Strasbourg et encourage les autorités françaises à oeuvrer pour renforcer le travail parlementaire dans ces murs. C'est une question cruciale, et je remercie, pour conclure, tous ceux qui ont bien voulu nous aider dans la rédaction de ce rapport qui nous a été confié par le Bureau et la Présidente de notre Commission, sur un sujet, le siège du Parlement européen, qui fait la fierté de la France.

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