Nous avons la responsabilité, Hervé Pellois et moi-même, de vous présenter nos principaux constats et analyses sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales – à l'exception du programme Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, dont traitera notre collègue Michel Lauzzana –, mais aussi sur le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.
Il faut saluer, d'une façon générale, le fait qu'en 2018 l'exécution budgétaire a été plus transparente : le Gouvernement aura consommé 2,76 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,44 milliards d'euros en crédits de paiement au titre de la mission qui nous intéresse, soit une exécution à hauteur de 100,4 %. J'y insiste, car c'est la première fois depuis 2013 que la loi de finances initiale est globalement respectée en ce qui concerne l'agriculture, sans ouverture de crédits en gestion, à l'exception de reports de 2017. Nous délivrons donc un réel satisfecit – à quelques nuances près : certains points doivent faire l'objet d'un suivi.
Vous me permettrez de passer rapidement sur le programme support Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture, qui a mobilisé 646 millions d'euros en 2018, soit 98,5 % de la programmation.
J'en viens à l'autre programme dont nous avons la charge, Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture. C'est le véritable pilier de l'action du ministère. Il regroupe 62,5 % des crédits de la mission, soutient ses principaux opérateurs et se voit imputer toutes ses dépenses fiscales. Ce programme a été marqué, en 2018, par un effort de sincérisation. Jusqu'alors, les dépenses de crise étaient chroniquement surexécutées : souvenons-nous notamment du dépassement de 2 644 % en crédits de paiement en 2017 !
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 a inscrit une provision pour aléas de 300 millions d'euros : c'est un instrument utile, qui est également source de transparence. Nous avions déjà salué cette fiabilisation ; nous le faisons de nouveau. Cela étant, nous souhaitons faire deux remarques : d'une part, la provision a servi à couvrir pour partie des dépenses certaines, puisqu'il s'agissait notamment de refus d'apurements par la Commission européenne, même si les montants n'en étaient pas encore connus en fin d'année ; d'autre part, la provision a été ramenée à 200 millions d'euros en 2019, ce qui ne sera vraisemblablement pas suffisant. S'agissant des aléas à venir, je vous exprime ici mes inquiétudes, en particulier – vous le savez, monsieur le ministre, car nous en avons parlé dans ma circonscription de la Meuse – à propos de la peste porcine africaine : la maladie est aux portes du Grand Est.
L'exercice 2018 a par ailleurs permis le début de la mise en oeuvre du Grand plan d'investissement (GPI). Le ministère a été obligé de procéder à des redéploiements, dont un rapprochement avec le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles. Il semble que des solutions aient été trouvées, monsieur le ministre, mais nous appelons à la vigilance de tout le Gouvernement sur le suivi d'un projet par nature interministériel comme le GPI : celui-ci doit bel et bien profiter aux exploitants agricoles, sur tout le territoire.
Je voudrais dire un mot des huit opérateurs que soutient le programme budgétaire. Ils auront touché 1,39 milliard d'euros en 2018, soit 7,1 % de plus que prévu. Cette augmentation substantielle appelle quelques explications. Au-delà du panorama général, il y aura beaucoup à dire, par exemple, sur l'Office national des forêts (ONF) et la filière bois qui appelle à être redynamisée, mais nous souhaitons évoquer une nouvelle fois le cas particulier de l'Agence de services et de paiement (ASP). En 2018, le ministère lui a versé près de 1 milliard d'euros. Le principal enjeu est le retour à la normale du calendrier de versement des aides au titre de la politique agricole commune (PAC), ou plutôt, comme on l'entend dire maintenant, la « poursuite du retour à la normale », l'année de référence étant 2015.
La situation est globalement rétablie s'agissant des aides directes et de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, ce qui est essentiel ; toutefois, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique font encore l'objet de rattrapages. Le ministère reconnaît que les dossiers qui n'ont pas encore été traités sont les plus complexes et que l'ASP rencontre régulièrement de nouvelles difficultés informatiques. Nous entendons ces difficultés. Nous rappelons cependant que, cette fois, il faut en sortir pour de bon, vu le passif accumulé, et allouer les moyens nécessaires à l'ASP sur le long terme. Retrouver un budget clair et lisible pour le ministère, c'est ce à quoi nous nous sommes attachés, et nous continuons à le faire ; il faut tout autant que les exploitants agricoles s'extraient enfin du marasme des retards de versement d'aides qui ne leur étaient en aucun cas imputables.
Enfin, rappelons que la prochaine programmation de la PAC est nécessairement source d'incertitude. La visibilité sur le calendrier est là aussi faible, mais une chose est sûre : une longue période de transition se profile entre la fin de l'actuelle politique agricole commune et le début de la future. Tous les agents de l'ASP et du ministère reçoivent le soutien de la représentation nationale, évidemment consciente des difficultés auxquels ils doivent faire face. Nous réaffirmons tout aussi fermement que, dans la période intermédiaire qui s'ouvre, la situation des agriculteurs doit impérativement être claire ; il faut qu'ils soient épaulés par un service public efficace.