Avant d'en venir aux questions que nous souhaitons vous poser, monsieur le ministre, j'aimerais aborder deux points : les dépenses fiscales et le thème que nous avons choisi pour ce Printemps de l'évaluation, à savoir les agences de l'eau.
La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales comporte trente-six niches fiscales, très disparates. Par exemple, la plus coûteuse représente 2 milliards d'euros, la suivante dix fois moins. Le nombre de bénéficiaires, quant à lui, varie de 13 à 40 800, mais n'est connu qu'une fois sur deux. Le montant de cinq niches n'est toujours pas chiffré et celui de cinq autres est simplement estimé à moins de 500 000 euros. Nous nous interrogeons sur ce point, tout comme sur le rattachement au ministère de l'agriculture de la dépense fiscale relative au taux réduit de taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) qui concerne le gazole : seulement 48 % de ses bénéficiaires sont des agriculteurs, le reste relevant surtout du bâtiment ou des travaux publics.
Pour ces raisons, nous avons demandé à vos services de porter à notre connaissance les objectifs qui étaient ceux du législateur lorsque les différentes niches fiscales ont été mises en place. Ces objectifs ont-ils été atteints ? Ces niches favorisent-elles une agriculture durable ? Profitent-elles à un nombre élevé de bénéficiaires ? Onze niches pour la seule filière bois, cela aussi amène à s'interroger...
J'en viens au thème que nous avons retenu ce printemps, à savoir les interactions entre les agences de l'eau et le secteur agricole. Les six agences de l'eau, réparties sur le territoire national, sont sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire et correspondent aux bassins hydrographiques. Elles prélèvent des redevances auprès des utilisateurs d'eau, notamment suivant la logique pollueur-payeur, et leur versent des aides en retour afin d'améliorer la qualité des masses d'eau, conformément au principe selon lequel l'eau paie l'eau.
Trois redevances sont prélevées sur le secteur agricole : la redevance pour pollutions diffuses (RPD), celle pour pollution par les activités d'élevage et celle pour le prélèvement d'eau à usage d'irrigation. Les aides prennent des formes variées : le soutien au bio, le financement de matériel pour supprimer ou réduire les pesticides – dans le cadre du plan Écophyto –, la lutte contre les transferts de particules polluantes, la gestion des effluents d'élevage et la résorption des excédents de phosphore, ou encore des actions contre les fuites d'eau. Les derniers chiffres nationaux sont ceux de 2017, année au cours de laquelle les exploitants agricoles auront payé 137 millions d'euros de redevance et bénéficié en retour de 226 millions d'euros de subventions. Le secteur agricole touche donc davantage qu'il ne paie – en l'occurrence, le taux de retour est de 1,5. Nous présenterons dans notre rapport certains chiffres pour l'année 2018 qui nous ont été fournis par l'agence de l'eau Loire-Bretagne, dont nous sommes allés rencontrer des représentants.
Par ailleurs, les agences de l'eau ont une mission d'animation, de conseil et d'accompagnement des agriculteurs, au moyen de diagnostics d'exploitation, de formations individuelles ou collectives et d'interventions foncières. Nous nous félicitons de la montée en charge des agences de l'eau en faveur de la transition agroécologique. En outre, la loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation de 50 millions d'euros du rendement de la RPD, qui passerait de 140 à 190 millions d'euros. Cette hausse sera fléchée vers l'agriculture biologique, de façon à atteindre plus facilement l'objectif de 15 % de la surface agricole utile (SAU) en bio en 2025.
En revanche, nous notons certaines difficultés. Premièrement, ce sont l'ASP et ses délégations régionales qui versent les aides des agences de l'eau aux agriculteurs, dans le cadre de conventions régionales. Or on connaît la situation de l'ASP : pour faire face à ses retards, elle a été conduite à demander des avances aux agences de l'eau et, plusieurs années après, certaines ne savent toujours pas comment l'ASP les a utilisées et ne sont pas en mesure de procéder aux certifications nécessaires. Le défaut de présentation des justificatifs par l'ASP les empêche de traduire en dépenses budgétaires ce qui, au départ, était un mouvement de trésorerie.
Deuxièmement, alors que la gouvernance de terrain est intéressante, les données des agences de l'eau ne sont pas assez consolidées au niveau central. Nos interlocuteurs du ministère de la transition écologique et solidaire ont déclaré « ne pas avoir une grande visibilité », reconnu que « le suivi des aides était défaillant » et avoué « ne pas avoir tous les éléments pour répondre » à nos questions. Le ministère de l'agriculture nous paraît, pour sa part, trop peu impliqué.
Monsieur le ministre, nous souhaitons vous poser quatre questions. Le respect de l'autorisation budgétaire en 2018 semble surtout tenir à l'absence de dépenses importantes pour faire face à des crises : sur quelles réformes travaillez-vous pour réaliser des économies structurelles et résoudre les problèmes que nous venons d'aborder ?
L'absence d'un tableau clair et complet des dépenses fiscales engendrées par les trente-six niches nous inquiète : quelles réflexions menez-vous sur les dépenses fiscales, non seulement dans l'objectif de préserver l'équilibre des comptes de l'État, mais aussi pour orienter nos politiques publiques ?
S'agissant des agences de l'eau, et sans préjudice des prérogatives du ministère de la transition écologique et solidaire, que pensez-vous du problème des avances attribuées à l'ASP sur les aides agricoles ?
Enfin, vos services nous ont indiqué voir des « marges de simplification » concernant la gestion de la redevance pour pollutions diffuses par l'agence Artois-Picardie : quelles sont-elles ?